Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

samedi 1 février 2014

L'attentat ~~~~ Yasmina Khadra

 


Amine, médecin d'origine palestinienne, a fait sa vie et sa carrière à Tel Aviv. Il vit et travaille parmi les Israéliens, avec eux. Il a réussi son intégration, sa vie professionnelle et affective. Il file le bonheur parfait avec sa femme, elle-même d'origine palestinienne. Ce pourrait être un modèle de réconciliation pour ces deux peuples qui se déchirent et revendiquent les mêmes terres en fouillant leur histoire réciproque pour y trouver les traces les plus anciennes de légitimité quant à leur occupation.

Le jour où un attentat de plus frappe les esprits, exacerbe les rancœurs, il est mis à contribution, en sa qualité de chirurgien, pour venir au secours des victimes. Ce à quoi il s'emploie avec le plus grand dévouement. Jusqu'au moment où l'effroi le saisit, lorsqu'on lui apprend que l'auteur de cet horrible attentat qui a tué 19 personnes, dont nombre d'enfants, n'est autre que sa propre femme.

Abattu, désarçonné, il plonge dans l'incompréhension la plus totale de ce geste fou. Il se reproche de n'avoir rien vu venir de la part de celle qui le comblait d'amour. Il s'en culpabilise. Il touche en outre du doigt les limites de son intégration. Catalogué comme un paria dans sa communauté d'origine, il est condamné sans jugement par sa communauté d‘accueil.
Commence alors pour lui le long et dangereux parcours dans la quête de la compréhension du processus qui a pu faire commettre à sa femme un acte aussi monstrueux.

Une telle mutation mentale d'une personne qui semblait avoir tout pour être heureuse dans une vie bien établie, ne peut résulter que de la manipulation méticuleuse d'un esprit, savamment construite. C'est ce même lavage de cerveau que l'auteur pratique chez son lecteur, au fil des pages en lui faisant finalement adopter la cause de ceux dont les leaders dogmatiques sont abattus par des missiles tirés à partir de drones, les populations démunies broyées par des armées suréquipées, leurs maisons détruites par les bulldozers israéliens.

Mais pourquoi pas, après tout ? Pouvait-on rester dans le parfait consensus de cet humanisme forcené. Yasmina Khadra déploie une stratégie efficiente, servie par une domination de la langue et un style maîtrisé, pour faire comprendre les états d'esprit et états d'âme. Il parvient à faire basculer le parti pris de son lecteur vers le camp de ceux qui n'ont que des moyens odieux pour faire connaître leur désarroi à la face du monde.