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Ouvrages par genre
jeudi 18 janvier 2024
Les amibitieuses ~~~~ Virginie Girod
40 femmes qui ont marqué l'Histoire par leur volonté d'exister et d'agir !
Chez les hommes, elle coule de source.
Chez les femmes, elle est mal vue.
Vertu pour les uns, péché pour les autres, c’est la même ambition qui les anime pourtant – mais aux femmes elle demande plus. Plus d’audace. Plus de scandale… Les quarante indociles dont il est question entre ces pages, de Cléopâtre à Oprah Winfrey, de Jeanne d’Arc à Gisèle Halimi, ont chacune à leur manière révolutionné le monde. Mais à quel prix ?
Aux grandes ambitieuses, l’humanité reconnaissante…
dimanche 17 avril 2022
Théodora ~~~~ Virginie Girod
« Les hommes redoutent toujours le pouvoir féminin qu’ils
pressentent si supérieur au leur ». C’est une des rares citations de cet
ouvrage dans laquelle on peut dénicher une note de compensation en faveur des
femmes après des millénaires de domination par son congénère masculin. Car là
n’est pas le propos de Virginie Girod. Même s’il s’agit de faire le recentrage
de la réputation d’une femme colportée par tant de voix discordantes.
Avec l’érosion des sources historiques il y a deux autres raisons de mal connaître
la valeur et l’impact des femmes en politique. C’est qu’elles étaient femmes
justement d’une part. Que leur action politique ne pouvait se concrétiser que
par l’entremise d’un homme. Et que d’autre part, jusqu’à encore très récemment,
écrire était resté privilège masculin. Ce n’est pas Virginia Wolf qui le
contredira. Elle s’en expliquait dans Une chambre à soi. Il est donc évident
que dans pareils contexte et circonstances la voix des femmes ne pouvait être
que rapportée par celui qui n’avait aucun intérêt à déchoir de son piédestal.
Théodora ayant eu en son siècle un destin de femme, et même un destin tout
court pourrais-je dire pour ôter la notion de genre à cette allégation, un
destin donc hors du commun qui ne pouvait laisser personne insensible. Surtout
pas les hommes qui eurent à la connaître. Ils pouvaient l’aimer ou la détester
avec la subjectivité qui s’attache à chaque attitude, jamais rester
indifférents. Mais femme des tréfonds de l’histoire, sa vie, son œuvre ne sont
connues que de propos rapportés par des hommes. Au premier rang desquels son
contemporain Procope de Césarée (1), lequel ne lui vouait aucune admiration
bien au contraire. Se complaisant à supplanter l’intelligence politique qui fut
la sienne au profit de son passé moins reluisant, ne concédant à son avantage
que le charme de ses traits. Encore en faisait-il un atout pour servir son
appétit de pouvoir.
Dans cet ouvrage Virginie Girod fait le point sur les sources orientales mises
au jour depuis ce temps lointain contemporain de Théodora et de Procope. Elle
concède dans un chapitre en fin d’ouvrage « qu’écrire la biographie de Théodora
est une gageure. L’historien navigue entre les sources et les ouvrages qui lui
sont favorables ou hostiles. » Elle vient pourtant nuancer cette vision
manichéenne du personnage. La tentation de la solidarité féminine est absente
du portrait qu’elle essaie de peindre de la fille d’un dresseur d’ours devenue
impératrice. Même si la restitution d’une sensibilité féminine qui a longtemps
fait défaut à tous ceux qui ont évoqué le personnage jusqu’alors est un
éclairage appréciable de la part de cette spécialiste de l’antiquité. Comme
dans les deux précédents ouvrages que j’ai lus de sa main, je retrouve cette
volonté de rééquilibrage légitime et bien mené de la réputation d’un personnage
trop longtemps polluée par des sentiments opposés et exacerbés. Son tort n’a
après tout été que d’accéder au pouvoir en un temps où les femmes devaient s’en
tenir à leurs travaux d’aiguille.
Mais derrière toute cette histoire d’une « femme fatale, puissante, dont l’aura
n’a pas encore disparu mille cinq cents ans après sa mort », il y a une
histoire d’amour dont Virginie Girod se convainc de la sincérité. Celle qui a
uni cette femme « belle, intelligente, manipulatrice, dominatrice, déterminée »
à Justinien. Ils formèrent un couple fidèle et solidaire. L’empire byzantin
n’eut pas à souffrir de leur union, bien au contraire. A eux deux ils le
conduisirent à son apogée par la fortune de leur complémentarité. Et peut-être
même Justinien a-t-il duré au pouvoir que parce qu’il avait cette souscrit à
cette alliance tant décriée.
Bel ouvrage de Virgine Girod fort bien construit autour de cette « femme libre,
intelligente et insoumise [qui] pourrait être érigée en modèle. »
(1) Procope de Césarée né vers 500 et mort vers 565, est un rhéteur (avocat) et
historien byzantin dont l'œuvre est consacrée au règne de l'empereur Justinien.
(Source Wikipédia)
jeudi 14 avril 2022
Agrippine ~~~~ Virginie Girod
Voilà un ouvrage qui, autant que la biographie qu'il
dresse, fait le point sur tout ce qui a été publié à propos de cet étonnant
personnage qu'a été Agrippine, la mère de Néron.
Et voilà encore que je présente encore une femme relativement à un homme. Mais
dans ce cas c'est un peu obligatoire. Car à l'époque où vécut cette femme
ambitieuse et courageuse, ses semblables du deuxième sexe n'avaient pas voix au
chapitre en matière de politique et gouvernance. Loin s'en faut, quelles que fussent
leurs qualités et capacités. Pourtant dans les deux domaines précités,
Agrippine pouvait en remontrer à beaucoup de ses congénères masculins.
Si je devais traduire en trois mots l'impression que me laisse cet ouvrage
de Virginie
Girod, ce serait objectivité, exhaustivité et crédibilité. Tout cela
évidemment dument soupesé relativement à ma culture en histoire qui si elle se
targue d'une réelle appétence en la matière est sans commune mesure avec ce que
me confirme ce second ouvrage que je lis de la main de Virginie Girod.
Dans le rapport sexiste qui de tous temps a opposé homme et femme avec la
relation de domination que l'on sait depuis que la faute originelle a été
attribuée à cette dernière, Virginie Girod fait la part des choses
avec, à mes yeux, une grande objectivité entre l'intelligence et la possibilité
laissée à celui ou celle qui en était doué de la faire valoir. On ne trompera
personne en affirmant pour ce qui est du faire valoir que nos consœurs ont eu à
contourner l'obstacle en faisant plus largement usage de leur charme. Qualité
physique dont, selon Virginie Girod, Agrippine a eu à user avec plus de
modération que ce que l'histoire a bien voulu colporter. L'objectivité est une
disposition d'esprit d'autant plus difficile à soutenir qu'il est illusoire de
prétendre juger une époque avec les critères psycho sociaux et moraux d'une
autre. Dans la Rome Antique une femme aussi intelligente qu'elle fût ne pouvait
faire valoir cette qualité en la transposant en décisions et actions que par le
truchement d'un homme. Pour Agrippine cet homme ce fut Néron, son fils. Les
autres, ses époux en particulier, n'ayant été que des marches pour accéder au
pouvoir. Néron, né Lucius Domitius Ahenobarbus, fut malheureusement pour elle
un mauvais levier pour faire valoir son intelligence politique. Mauvais au
point de provoquer sa perte de la plus cruelle façon.
L'exhaustivité que j'évoque n'a rien à voir avec l'épaisseur d'un ouvrage qui
ne négligerait aucun détail de la vie de son sujet. L'exhaustivité je la trouve
dans la somme considérable de notes, tables, organigrammes généalogiques et
références ajoutés par l'auteure en fin d'ouvrage, lesquels témoignent de
l'étendue des connaissances de cette dernière dans sa discipline, du formidable
travail de documentation mené à bien, de l'inventaire historiographique
foisonnant ayant trait à cette femme hors du commun.
Cette objectivité, ce formidable travail d'étude et de construction de son
ouvrage présentent à mes yeux d'amateur de la discipline une grande crédibilité
dans chacune des allégations qui construisent cet ouvrage. Cette
crédibilité, Virginie Girod la doit à l'analyse critique fouillée
qu'elle fait des sources laissées à notre connaissance par l'érosion du temps.
Il y a celles des contemporains d'Agrippine : Pline l'ancien, Sénèque, celles des
historiens décalés mais ayant eu peu ou prou accès aux archives du palais
: Suétone,
Tacite, Don Cassius, et tous ceux plus tardifs qui n'ont fait qu'exploiter et
interpréter les premiers. Profitant au fil des siècles de l'avancée des
recherches et progrès dans les sciences afférentes : archéologique,
numismatique, épigraphique, ethnographique, neuro sciences et tant d'autres.
L'analyse critique qu'elle fait des différentes sources prenant en compte le
contexte dans lequel les auteurs rédigeaient leurs ouvrages, tel un Suétone qui
voulait plaire à son mentor Hadrien, un empereur de la dynastie succédant aux
julio-claudiens, les antonins ou encore un Tacite « qui se montrait un
impitoyable moraliste » vis-à-vis de femmes lorsqu'elles sortaient de leur rôle
décoratif.
C'est donc mis en confiance par ces qualités que j'attribue aux deux premiers
ouvrages que je lis de la main de Virginie Girod que je vais faire
connaissance avec Théodora, l'impératrice de Byzance qui a fait ses premières
armes dans le plus vieux métier du monde.
samedi 2 avril 2022
La véritable vie des douze Césars ~~~~ Virginie Girod
Par les temps qui courent, voilà une citation qu’il y a urgence de replacer dans son contexte : … « Il escompte bien rester préfet du prétoire sous le principat de Caligula. »
Nous sommes dans la Rome au temps des Julio-Claudiens, puis des Flaviens. Ceux que l’histoire retiendra sur la liste dressée par Suétone (*) dans son ouvrage biographique La vie des douze Césars. Ouvrage que Virginie Girod a décidé de revisiter au point d’intituler son ouvrage La « véritable » vie des douze Césars.
Car l’éminente historienne, bien contemporaine de nous autres lecteurs de ce temps d’un autre Macron, a appris à connaître ce secrétaire d’Hadrien, en particulier pour son goût du trivial. Un goût quelque peu imposé par le contexte dans lequel il rédige ses écrits, rangés à l’époque dans l’art mineur de la biographie nous dit-elle. Elle imagine que lesdites biographies, si elles ne sont pas sujettes à caution, sont moins soucieuses du rôle historique de ses sujets que de leurs frasques. Un de ses confrères historien du 19ème siècle, Alexis Pierron, ira jusqu’à qualifier Suétone de « colporteur d'histoires d'antichambre ».
La motivation de Virginie Girod est donc là : ajouter le qualificatif véritable au titre de l’ouvrage de Suétone et tenter de corriger cette tendance à l’errance entre vices et travers des Césars, à faire fi de leur rôle politique. Sans négliger le formidable apport pour les historiens du futur qu’est l’œuvre de Suétone ni le contexte dans lequel il écrit, Virginie Girod justifie en avant-propos bénéficier à la fois des avancées dans la connaissance historique et des neurosciences entre autres, mais se défend de juger une époque avec les acquis des millénaires en termes de morale, d’esprit de justice, d’avancée sociale mais aussi d’empathie, dernière qualité qui eut pu figurer source de faiblesse dans une époque de violences psychologique et physique.
Comment comprendre en effet qu’on puisse se débarrasser du « princeps », premier citoyen de l’empire, intermédiaire entre les dieux et les hommes, parce que grisé par son pouvoir il avait sombré dans la folie paranoïaque, était devenu incontrôlable par des contre-pouvoirs muselés, voire inexistants. Comment comprendre aussi que le grand César, qui n’était quant à lui pas empereur puisque sous le régime d’une république laquelle n’avait de ce régime plus que le nom, s’était vu honoré du titre, car c’en était un, de dictateur à vie, s’étant vu confier tous les pouvoirs par le Sénat. Comment comprendre encore que le suicide soit institué en porte de sortie honorable et restaure sa noblesse à un empereur qui avait perdu sa crédibilité aux yeux de ses sujets. Comment comprendre enfin que l’on puisse créer une succession patrilinéaire du pouvoir en adoptant son successeur, comme on le ferait d’un enfant, y compris à titre posthume.
Les temps ont bien changé. Les mœurs, les croyances et les valeurs qui vont avec. Ces dernières ayant pratiquement disparu, les croyances se focalisant en une croyance unique, ou pas, désormais. Les Césars étaient loin d’être exempts des travers dont Suétone faisait ses choux gras pour plaire à son maître du moment, l’empereur Hadrien, nous confirme Virginie Girod. Elle réussit à nous faire comprendre avec cet ouvrage rationnel, foisonnant, qui se veut aussi objectif que l’autorisent les avancées dans la connaissance de l’époque, en quoi leur personnalité et leurs actes étaient en harmonie avec le contexte d’une Rome onirique. Il faut l’avoir étudiée comme l’a fait cette spécialiste de l’antiquité pour comprendre à quel point le pouvoir corrompt les puissants et fascine ses spectateurs, qui voudraient peut-être leur ressembler.
J’aime l’histoire. Et quand elle est bien écrite, je suis
comblé. Cet ouvrage de Virginie Girod remplit les conditions pour me faire plébisciter
le formidable travail d’étude qu’il a fallu pour sa gestation.
A écrire La véritable histoire des douze césars, il faut s’attendre à une lecture critique des sources, à usage du conditionnel quand elles font naître le doute. Virginie Girod le fait avec une intelligence qui inspire le respect, un naturel qui fait recevoir ses allégations comme une évidence. Elle nous adresse un fort bel ouvrage propre à entretenir notre intérêt pour ceux « qui incarnent les figures paroxystiques de nos passions ».
(*) Suétone (70-122 apr. J.C.) haut fonctionnaire romain, membre de l'ordre équestre, auteur de nombreux ouvrages dont la Vie des douze Césars qui rassemble les biographies de Jules César à Domitien en passant chronologiquement par Octave (Auguste), Tibère, Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus.