Lorsque je me suis vu proposé de confier ma perception de ce nouvel ouvrage de Paula McLain, je n'ai pas hésité une seconde. Persuadé que j'étais de retrouver dans La troisième Hemingway, ce talent avec lequel l'auteure avait su me faire entrer dans l'intimité de ses personnages, sans sombrer dans le parti pris ou le voyeurisme. Paula McLain sait convaincre de la sincérité sentimentale, de la force de caractère qu'il a fallu à ces femmes pour exister en des époques où la notoriété ne pouvait être que masculine.
Avec un style agréable et limpide, l'auteure fait revivre ses personnages avec une incroyable authenticité. Personnages féminins qu'elle évoque avec une complicité subtile, sans se laisser déborder par la solidarité féminine qui ne peut pas ne pas l'animer. Surtout lorsque ces femmes sont confrontées à des monstres de célébrité comme cela a pu être le cas avec Hemingway.
Martha Gellhorn s'est battue pour exister, ne pas rester à l'ombre de ce mari célèbre et envahissant, être reconnue pour elle-même puisqu'elle écrivait elle-aussi. C'est sans doute une des raisons qui l'a poussée à prendre tous les risques dans ce métier de reporter de guerre qui répondait à ses aspirations aventurières. C'est ce combat-là, d'être soi-même et non le faire valoir d'un autre, ou la femme de …, que Paula McLain nous fait appréhender dans cet ouvrage consacré à la troisième épouse du futur prix Nobel de littérature.
En contre poids de ses sentiments à l'égard de l'écrivain repu de son succès, consciente de la faiblesse de sa position, Martha Gellhorn a tenu à préserver son indépendance. Elle a eu l'intelligence de dominer ses sentiments, en forme de mise à l'épreuve de ceux de son illustre époux. Prudente, elle n'a pas voulu avoir d'enfant de son héros tout en se prenant d'affectation pour les trois garçons qu'il avait eus avec ses deux premières épouses. Une mise à l'épreuve qui dévoilera malheureusement la volatilité de cet époux et sa soif d'exclusivité. le talent est exigent, le succès est égoïste. Martha Gellhorn s'est brûlé les ailes au contact de cet homme des cavernes avide de la reconnaissance des autres, avare de la sienne.
C'est à chaque fois un univers féminin dans lequel Paula McLain nous
incorpore. C'est tellement bien écrit qu'on voudrait qu'il soit objectif. Elle
choisit des personnages forts qui n'inspirent pas la compassion. Je repense à
cet autre ouvrage de son cru qui m'avait séduit, L'aviatrice.
Il y a chez cette auteure cette grande faculté à lier les références
historiques avec une atmosphère du quotidien des plus crédibles. Y aurait-t-il
de sa plume un ouvrage sur les autres madame Hemingway que
je m'empresserais de me le procurer.