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lundi 4 janvier 2021

Tristesse et beauté ~~~~ Yasunari Kawabata

 



Oki Toshio, romancier japonais à succès, père de famille, a vécu une histoire d'amour adultère avec Otoko, une adolescente de quinze ans sa cadette. L'enfant né de cette union est mort dans les premiers jours de sa vie. La mère d'Otoko a décidé d'éloigner sa fille de cet amour impossible.

Vingt-quatre ans plus tard, Oki apprend qu'Otoko est devenue une artiste peintre reconnue. Il décide de la revoir. Restée célibataire Otoko vit avec Keiko, une jeune fille qu'elle a prise comme élève. Elles entretiennent une histoire sentimentale ambigüe.

Keiko apprend le passé douloureux de celle qui est devenue son maître dans l'art de la peinture. Jalouse, elle craint, à la réapparition de Oki, de se voir dépossédée de l'exclusivité de l'attention de sa professeure. Elle s'investit alors à la mission de venger rétrospectivement le chagrin que cette dernière a pu endurer à la perte de son amant et de leur enfant.

Dans une ambiance toujours très équivoque, les personnages oscillent entre relation physique et spirituelle. Esthétique de l'art à la japonaise entre le figuratif et l'abstrait. Les mentalités progressent sur le chemin de la perdition consciente, mues par leurs pulsions sensuelles. de la contemplation à la vengeance les armes s'affutent. La jeune Keiko échafaude son plan, faisant preuve d'un machiavélisme juvénile mais déterminé.

Un roman assez troublant, bien nommé, entre Tristesse et beauté.


lundi 18 juin 2018

Pays de neige ~~~~ Yasunari Kawabata

 


Les saisons s'imposent encore en Pays de neige, quand elles s'effacent dans le rythme trépidant des grandes métropoles nippones qui ont repoussé la nature au-delà de leurs banlieues surpeuplées. Shimamura vient en Pays de neige renouer avec la tradition, laquelle comporte ce rapport quasi mystique à la nature, l'implication de l'art dans toutes ses disciplines. Laquelle implique aussi les geishas: dames de compagnie au rôle ambigu supposées perpétuer le raffinement d'une culture millénaire très codifiée. Rôle que la culture occidentale apprécie mal dans son féminisme triomphant, le jugeant suranné ou dégradant pour la femme, voire les deux à la fois.

Dans les mêmes élans de volupté, le regard de Yasunari Kawabata oscille entre pittoresque du paysage et sensualité du corps de la femme. La nature est femme, la femme est nature, les mêlant parfois l'une à l'autre dans des métaphores à la poésie langoureuse. L'esthétique du texte dissimule habilement la teneur réelle de la relation entre cet homme d'affaires venu de Tokyo et Komako, la geisha. Beauté juvénile au visage poudré à l'égard de qui l'émotion se prolonge pour devenir sentiment. En pure offense au rituel coutumier.

"Beauté mélancolique, univers délicieusement morose", délicatesse, frôlement, frisson, les allusions nourrissent le phantasme. Tout est suggestion dans les sages conversations entre ces personnages aux gestes empruntés, drapés du lourd kimono traditionnel. Il n'y a que les frimas du Pays de neige pour venir lacérer les ambiances feutrées et rappeler au lecteur que la nature n'est pas que douceur. A l'instar de la vie des hommes.

 Télescopage des époques entre patine de la tradition rassurante et le glacé de la modernité, plus angoissant.


jeudi 14 septembre 2017

Les belles endormies ~~~~ Yasunari Kawabata



ils peuvent jouir à souhait du fantasme absolu de tout homme

Des vieillards sont placés dans la sphère d'influence au sein de laquelle les charmes du corps de la femme règnent sans partage. Étendus au contact de la nudité de jeunes filles vierges, endormies sous l'effet d'une drogue, ils peuvent jouir à souhait du fantasme absolu de tout homme : disposer du corps d'une jeune femme, offerte, privée de toute résistance.

 Il s'agit de donner à des mâles déchus, à la veille de leur trépas, l'occasion de faire pénitence pour avoir tenu sous le joug celles qui ont été les partenaires de leur vie, pour les avoir asservies à leurs instincts primaires. Car à cette offrande sublime de la féminité se confronte désormais la disgrâce de leur force d'homme.

La beauté provocante de jeunes corps nubiles

 Tous les sens sont mis en éveil dans ces pages. La beauté provocante de jeunes corps nubiles, l'éclat et la douceur de la peau sous la caresse, le goût des lèvres pulpeuses, l'odeur de lait d'un corps juvénile, y compris le murmure de la respiration de la beauté endormie. Tous les sens pour susciter "l'insondable profondeur du désir", pour attiser une joie qui demeurera cependant sans aboutissement du fait de l'effroyable décrépitude de la vieillesse. Virginité offerte, tentation divine pour une impotence démoniaque, pour que le regret de ne pouvoir jouir devienne remords d'y avoir trop succombé.

une forme d'expiation proposée à ceux qui ont imposé leur domination à la beauté

 L'invitation à la vie devient alors aspiration à mourir; avec pour unique réconfort la beauté divine du visage de la belle endormie. Visage de Bouddha. Quand eux, ces mâles, autrefois triomphants, que rien ne peut plus désormais guérir de leur triste apathie, ils prennent conscience d'avoir été leur vie durant précipité dans le monde des démons par le corps de la femme, d'avoir exercé sur lui la tyrannie de l'assouvissement.

 Court roman, chaste, ô combien suggestif, troublant, culpabilisant, une forme d'expiation proposée à ceux qui ont imposé leur domination à la beauté. Supplice psychologique du repentir, avant que de passer.