En 1971, aux lendemains de la
perte de l'Indochine et de l'Algérie, Romain Gary est
le témoin avisé de la fin des empires occidentaux. Dans ce soleil qui descend
sur l'horizon, il voit aussi la fin " de l'égoïsme, du mépris et de la
rapine."
Pour trouver des raisons
d'espérer en l'homme, il est capable d'aller au bout du monde, se confronter à
l'un des climats le plus hostile de la planète : la corne de l'Afrique,
Djibouti, l'Ethiopie, et de l'autre côté du golfe le Yémen. Cette région parmi
plus chaudes du globe, qui a vu naître l'homme selon Yves Coppens, et
où Romain Gary -
en visionnaire ? - y voit "le lieu de la fin de l'histoire."
Il sait que les héros de
l'humanité ne se trouvent pas dans la salons parisiens ni sous le feu des
caméras. Ce sont ceux qui sont capables de faire "la révolution. La vraie.
Pas celle des putes verbales à la Cohn-Bendit". On comprend avec cette
virulence de l'écrit inhabituelle chez Romain Gary, dans ce
recueil de reportages qu'il avait écrits pour le Journal le Monde, que la vraie
révolution selon Gary est celle qui porte haut des valeurs humaines :
abnégation, désintéressement, dévouement au profit de ceux qui ont la vie dure
sur cette terre. Et Dieu sait si sur les rives de la mer rouge la vie est dure
pour ceux qui n'ont pas l'eau au robinet, pour qui la terre est avare de ses
bienfaits et les médecins loin d'un soleil accablant.
Les
trésors de la mer rouge sont pour lui immatériels. Il nous le dit
lui-même. Ils sont à trouver dans l'action de ceux qui ont cru naïvement au
rôle généreux qu'aurait pu être celui d'une civilisation qui s'ouvre aux
autres. Leur apportant ce qui a fait sa grandeur plutôt que la laideur de
l'appropriation. Tel cet infirmier qui soulage les populations indigènes de la
douleur et de la faim sans autre contrepartie que de les voir repartir sur
leurs deux jambes, l'estomac amadoué pour un temps. Et de façon plus symbolique
ces yeux d'enfant qui lui ont dit la richesse d'une culture ancestrale dans
leur vérité sans fard.
Une écriture toujours aussi
imaginative, haute en couleur, au service d'un idéal qui coure le monde pour
croire encore en l'homme, quand tant de pérégrinations en société lui en ont
montré le mauvais visage.