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mardi 11 janvier 2022

Le consentement ~~~~ Vanessa Springora

 


J’avais un a priori défavorable vis-à-vis de cet ouvrage, au point de m’être promis de ne pas en faire l’acquisition. Convaincu que j’étais de succomber au grand déballage en vogue avec son déferlement d’accusations rétrospectives tous azimuts.

Puis j’ai eu l’occasion de voir la vidéo de l’émission d’Apostrophe (2 mars 1990 ; lien ci-dessous) au cours de laquelle Bernard Pivot recevait celui dont Vanessa Springora ne veut plus prononcer le nom et ne l’appeler que par ses initiales : GM. J’ai été tellement sidéré par la suffisance, la certitude affichée de son bon droit, le cynisme et l’abjection du personnage que je me suis reproché mon préjugé (une fois de plus, mais je me soigne, je lis) et n’ai plus hésité lorsqu’une amie m’a tendu l’ouvrage.

Dans cette vidéo de l’émission de Bernard Pivot j’avais été à la fois interloqué par la complaisance dont a été l’objet GM de la part du célèbre animateur et interpelé par le courage dont a fait preuve Denise Bombardier pour avoir été la seule à apporter la contradiction, à faire état de la nausée que lui inspirait non seulement le mode de vie du personnage, mais aussi et surtout la gloire qu’il en tirait et le blanc-seing qui lui était donné par la communauté littéraire.

Et que dire de mon effarement lorsqu’en fouillant un peu le sujet, j’ai appris que l’auteur prolifique en matière de récits autobiographiques inconvenants s’était vu attribuer le Prix Renaudot en 2013. La censure est un spectre effrayant. Mais entre laisser faire et primer il y a un pas à ne pas franchir.

Je reste sur la conviction qu’il est fallacieux de juger une époque avec les codes moraux d’une autre, forcément postérieure. Mais les années Matzneff, celles de sa gloire éditoriale, ne sont pas si lointaines que cela et suis encore abasourdi par le fait qu’en 1990, un homme affiche, écrive, se glorifie de pédophilie, puissent l’assumer au grand jour et, cerise sur le gâteau, se voit couronné d’un prix littéraire. C’était nier que le talent qu’on voulait récompenser avait été mis, avec le même succès, au service de la manipulation d’esprits immatures à des fins condamnables.

Ma réticence à lire l’ouvrage de Vanessa Springora était en partie due à ma certitude que cette dernière sacrifiait à la tendance actuelle qui défraye la chronique avec les #metoo, #balancetonporc  et autre slogans racoleurs des réseaux sociaux, histoire d’endosser le costume du moment et ne pas rester sur le bord du chemin de celles et ceux qui avaient jusqu’alors tu leur mal-être d’avoir été abusés, en s’en attribuant la culpabilité, comme c’est toujours le cas.

Abusés parce qu’insuffisamment armés pour affronter ceux dont la sexualité n’est pas l’aboutissement d’une démarche sentimentale, une preuve d’amour, mais un exutoire à pulsions égoïstes. Méprisant la personne, l’être sensible, le cœur qui bat dans ce corps dont il se servent comme d’un objet vivant pour satisfaire leurs bas instincts. Même et surtout si le discours qu’ils tiennent argumente de sentiments authentiques. Comment peut-on justifier d’authentiques sentiments pour une personne quand on est un « amoureux » vagabond qui multiplie les conquêtes à l’infini.

Le début de cette lecture m’a fait penser à la crise d’une adolescente qui veut faire un pied de nez à l’autorité parentale, quand elle ne sait que contraindre et non guider. Quels parents d’ailleurs ? Un père démissionnaire de son rôle du fait de l’entrave à sa liberté qu’est la paternité. Une mère post soixante-huitarde démissionnaire elle aussi, pour une autre raison, parce qu’adepte de l’interdit-d’interdire. Plus de jalon, de repère, de guide, de préparation aux contraintes d’une vie qui en comporte beaucoup. Résultat : une jeune fille à la dérive, qui se raccrochera à ce qu’elle croit être une bouée de sauvetage. Parce qu’elle entend le discours, trouve l’attention qui lui ont fait défaut. Une attention qui s’avérera être l’obsession de s’abreuver aux charmes d’un corps juvénile. Sous couvert de délicate initiation, il va de soi, puisque les partenaires de l’âge de la victime ne peuvent être que de piètres éducateurs.

Et patatras : amour égale sexe. A quatorze ans. Rêves, imaginaire, espoir, tout cela sombre dans le marigot glauque d’un écrivain au talent dévoyé lequel ne pense qu’à une chose : satisfaire ses envies dans un corps qui sert de déversoir à son trop-plein de testostérone. En le justifiant à la face du monde avec tous les arguments que son talent de manipulateur lui porte à la bouche. Un homme qui ne cache pas se « payer » des petits garçons à l’autre bout du monde. Rêve d’amour, de protection, de sécurité, d’avenir, tout cela à la poubelle des désillusions pour une jeune fille abandonnée par des géniteurs qui ont oublié d’être des parents, qu’un enfant c’est le plus noble des devoirs : c’est une personne à construire.

Au fil de l’ouvrage, le transfert s’est fait dans mon esprit. Le tort que j’attribuai a priori à l’insouciance de la jeunesse s’est converti en blâme au manipulateur pervers. C’est la victoire de cet ouvrage. Vanessa Springora a su me convaincre de la sincérité de ses propos, de la franchise avec laquelle elle raconte son histoire sans s’exonérer de torts, d’erreurs qu’elle confesse et dont on comprend qu’elles sont celles d’une enfant solitaire, en errance affective. Belle proie pour le monde de la perversion.

Ce n’est pas le genre d’ouvrage qui fait plaisir à lire, mais il mérite d’être lu. Vanessa Springora a su le construire pour faire comprendre ce que peut être la manipulation, l’abus de faiblesse. Car si pour beaucoup l’innocence est une bénédiction, pour Matzneff elle est une faille à exploiter. Pour sa jouissance égoïste. Peu importe qu’il y ait une personne porteuse de cette innocence.

https://www.youtube.com/watch?v=TjZmJkLdwN8&ab_channel=InaClashTV


samedi 11 décembre 2021

Mademoiselle Papillon ~~~~ Alia Cardyn

 


Voilà un ouvrage qui a percé la cuirasse derrière laquelle s’abrite mon émotivité. Parvenu au point final, il a fallu que je relise les passages évoquant la courte vie du petit Anatole pour l’un, le mutisme douloureux de la petite Madeleine pour l’autre. Un ouvrage qui rend hommage aux héros anonymes au travers du portrait de Mademoiselle Papillon. Elle a fait partie de ces personnes réellement désintéressées qui ne cherchent de gloire que dans le sourire des autres.

Lorsqu’elle décide de créer un préventorium pour accueillir les enfants démunis des suites de la première guerre mondiale et qu’on lui alloue l’ancienne abbaye désaffectée de Valloires dans la Somme, c’est par pur amour pour la petite personne qu’est l’enfant qu’elle s’engage dans cette prodigieuse entreprise.

Mademoiselle Papillon, un nom si beau pour si belle histoire. D’autant plus belle que celle-ci est vraie. Une histoire qui a touché Alia Cardyn à l’occasion de la visite de l’abbaye de Valloires au point de lui insuffler la volonté de faire connaître Mademoiselle Papillon pour très certainement réparer l’injustice de la savoir méconnue, sinon de façon confidentielle.

Mais Alia Cardyn a voulu aller au-delà d’une simple biographie de la courageuse demoiselle. C’est comme cela que je perçois son ouvrage. Elle a choisi le genre romanesque pour faire valoir l’abnégation de ces héros du quotidien, ceux et celles qui travaillent dans l’anonymat d’une profession et donnent leur temps, leur énergie et finalement leur cœur pour que la vie d’autres soit moins rude. Surtout s’il s’agit de préserver le capital d’innocence avec lequel naît la personne. C’est à mon avis pour cela qu’Alia Cardyn a conçu ce roman. Il érige une passerelle entre l’histoire vraie d’une héroïne la plus pure qui soit et ceux qui modestement œuvrent au bien commun en rehaussant leur action d’une vraie part d’humanité. Donnant ainsi un sens à leur vie

« Il faut vivre les mains ouvertes pour mourir les mains pleines. »

Un roman qui joue sur deux époques et fait vibrer la corde sensible sans sombrer dans la mièvrerie. Un subtil dosage entre l’hommage et le rappel à l’ordre de l’individualisme qui prévaut dans notre société contemporaine leurrée par le confort. Mais un roman optimiste malgré tout. Il comporte une aventure amoureuse, histoire de faire contrepoids aux mauvais penchants qui trop souvent ternissent l’image de la nature humaine.

Ce qui m’a séduit dans ce roman est évidemment et en premier lieu l’intention de faire connaître une héroïne discrète de notre histoire. Ce genre de personne qui déplace des montagnes grâce à leur seules volonté et force de caractère. Pour vaincre non seulement les difficultés mais aussi et surtout les peurs : mademoiselle Papillon n’a pas hésité à cacher des enfants juifs au nez et à la barbe des Allemands qui occupaient une partie de l’abbaye entre 1940 et 1944.

Ce roman a aussi une valeur universelle en matière de leçon de vie. C’est le but de cette passerelle entre l’histoire de Mademoiselle Papillon et celle de Gabrielle, la narratrice de l’époque contemporaine. Elle se bat dans son service de néonatalogie pour rendre moins techniques et plus chaleureux les soins apportés aux nouveau-nés prématurés impliquant tous les intervenants, qu’ils soient parents ou praticiens.

Un vrai beau moment de lecture qui parachève le parfait équilibre des émotions, couronné par un épilogue qu’on n’attend pas et clôt ce roman avec une belle intelligence d’auteure. 


Citations

Page 266 : "Nos heures silencieuses avaient tissé un lien dont je ne mesurais pas la force. Nos présences sans mots avaient suscité une intimité rare, celle de deux êtres qui attendent la fin de quelque chose."

Page 237 : "Rien n'est plus fort qu'un souffrance silencieuse."

Page 224 : "Le temps qui n'est pas consacré aux autres est du temps  perdu" 

Page 176 : "Est-ce immature d'espérer que le sublime demeure intact ?" 

vendredi 28 mai 2021

Le lion ~~~~ Joseph Kessel

 


Dans la première moitié du 20ème siècle, la petite Patricia vit avec ses parents dans une réserve animalière au Kenya. Elle s'est vu confier l'élevage d'un lionceau devenu orphelin dès les premiers jours de sa vie. Elle s'est inévitablement éprise de l'animal. Devenu adulte, il n'a bien sûr plus rien de la charmante peluche qu'elle avait choyée mais conserve pour celle qui lui a donné le biberon un attachement dont on ne sait trop ce qu'il peut augurer s'agissant du comportement d'un grand fauve. Sa mère est horrifiée de la voir partir dans la brousse retrouver l'animal qui ne ferait qu'une bouchée de Patricia. On le serait à moins.

...la relation que peut tisser un être humain avec un animal en général, un fauve en particulier...
Cet ouvrage est pour Joseph Kessel prétexte à engager le débat sur la complexité de la relation que peut tisser un être humain avec un animal en général, un fauve en particulier. Celui-ci ne reste jamais qu'une proie potentielle pour un prédateur parmi les plus puissants. Ce roman est une approche de la psychologie animale quant aux sentiments que d'aucuns sont tentés de lui prêter, quand d'autres ne voient en l'animal qu'une bête capable d'émotions commandées par l'instinct, servi par les sens en éveil, dont l'odorat est souvent le plus fin chez l'animal, et armé de crocs et griffes redoutables.

S'agissant d'un ouvrage publié en 1958, à une époque où l'écrivain a atteint sa maturité littéraire, on y trouve une étonnante sensibilité du baroudeur qu'a été Joseph Kessel dans l'approche de la psychologie enfantine. Approche aussi de l'étude des mœurs, traditions et coutumes des peuplades autochtones, les Massaïs en particulier. L'accession à l'âge adulte pour un garçon de cette ethnie comportait la mise à l'épreuve de son courage dans l'affrontement avec le lion.

Une lecture en 2021 ne manque pas de mettre au jour des archaïsmes de langage comportant des expressions désormais bannies, faisant référence à des postures de colonisateurs qui prêtent aujourd'hui à la culpabilisation. La promotion de la négritude au rang de culture par Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire ne lui a pas encore ôté sa connotation péjorative dans l'esprit des ex colons.

...relation insolite et inquiétante d'une petite fille avec un grand fauve...

J'ai beaucoup apprécié cet ouvrage pour l'authenticité qui caractérise son environnement tant humain que du point de vue historique. La description des mœurs, des ambiances et paysages est servie par une écriture concrète, efficace, certes peu métaphorique et qui ne verse pas dans la sensiblerie, laquelle s'avérerait décalée du contexte. Le narrateur en séjour au sein de la famille de Patricia a un œil neuf et impartial sur la situation provoquée par cette relation insolite et inquiétante d'une petite fille avec un grand fauve. L'épilogue rehausse la narration, lui conférant une intensité dramatique quelque peu attendue mais répondant à une certaine logique de ce que l'on connaît des comportements commandés par les culture et tradition, mais aussi par l'instinct.



mercredi 5 avril 2017

Confiteor ~~~~ Jaume Cabré

 



"L'acoustique d'un livre", fabuleuse expression de Marguerite Yourcenar dans sa préface d’Alexis. Elle conviendrait si bien à cet ouvrage tout aussi fabuleux de Jaume Cabré. Car un violon y est institué en personnage. Ce violon, c'est le Vial. Un parmi les meilleurs de l'histoire de la lutherie. Un Storioni.

L'acoustique de ce livre, ce pourrait aussi être l'écho d'un cœur qui bat. Celui d'Adrià Ardèvol, vibrant d'un amour à la fois intransigeant et raisonné pour la belle Sara.

Mais l'acoustique de ce livre pourrait être beaucoup plus lugubre. Elle pourrait renvoyer les cris de terreur des enfants que l'on opère à vif sous prétexte d'expérience dans les camps de la mort. Ceux de la femme déclarée adultère et lapidée par son accusateur. Elle a eu le tort d'être violée par lui-même. Ce pourrait être encore ceux de cet hérétique dans les carcans de l'inquisition. Car du Mal – avec un M majuscule - il est question dans cet ouvrage. le Mal absolu. Celui qui survit aux générations, car inscrit dans les gènes de ces êtres qui constituent le genre humain.

Une main passée dans les cheveux eut été un geste d'amour inespéré pour Adrià. Car d'amour il n'a pas connu dans son enfance. Ni de la part de son père, ni de la part de sa mère. Préoccupés qu'ils étaient de lui tracer l'avenir qu'ils n'avaient su se ménager à eux-mêmes. Un grand humaniste lettré pour l'un, un virtuose du violon pour l'autre. Heureusement qu'il y avait Carson et Aigle noir, à la sagesse légendaire, en tuteurs instruits de sa conscience orpheline. Aussi lorsque l'un et l'autre de ses parents disparaîtront, les yeux d'Adrià resteront aussi secs que le désert affectif de son enfance.

Dans l'héritage, il y a la boutique du père. Elle regorge de pièces rares, parmi lesquelles des manuscrits originaux. Il y a surtout le Vial, ce violon à la sonorité exceptionnelle. Mais accepter un héritage, c'est accepter aussi le passif. Ce sera pour Adrià le point de départ vers "les enfers de la mémoire" dans lesquels les spoliateurs et les escrocs sont légion.

Confiteor est un voyage dans les révélations, au rythme des pensées qui se télescopent dans l'esprit de son narrateur, provoquent autant de digressions et enchaînement hasardeux. Cet un ouvrage d'une exigence rare envers son lecteur. Il ne lui autorise aucun relâchement d'attention, au risque pour lui de perdre le fil d'une pensée qui, dans la même phrase, passe d'un siècle à l'autre, de Barcelone à Tübingen ou au Vatican. Il traduit ainsi la fébrilité de son narrateur. Elle va crescendo jusqu'à la frénésie de l'urgence, dans le dénouement de cet héritage assumé. Dans ce chaos des manifestations du mal au travers de l'histoire le repentir est vain. Et de la vibration des cordes du violon émerge au fil des pages celle d'une vérité honnie.

Un auteur se fond rarement avec pareille dextérité dans l'intimité de son personnage, au point de leurrer son lecteur. C'est du grand art. Dans la même phrase le "je" du narrateur-acteur, presque autobiographique, alterne avec le "il" du narrateur externe et ajoute à la sublime confusion des souvenirs. Ils surgissent en désordre et s'imposent comme les témoins d'une histoire parfois lointaine dans laquelle se trouvent les racines du mal. Ils pèsent si lourd dans cet héritage qu'ils sont le véritable écho de l'acoustique de cet ouvrage.

On regrette que les contingences quotidiennes viennent nous extirper de ce faisceau de souvenirs dans lequel l'auteur nous abîme. On regrette que notre propre rythme biologique nous oblige à fractionner la lecture d'un tel pavé de 900 pages. Cette immersion est une dérobade à sa propre vie. 

lundi 12 septembre 2016

Profession du père ~~~~ Sorj Chalandon

 



Alors qu'il enterre son père, le temps est venu pour Emile Choulans de raconter ce qu'a été son enfance. Une enfance sans amour, sans secours, entre ce père tyrannique et une mère à l'étrange indolence. Une enfance de brutalité et de solitude.

Il n'en veut pourtant pas à ce père indigne. Sans doute parce qu'avec ses scenarii fantasques sur fond de fin de guerre d'Algérie, André s'était pris au jeu de cette mythomanie guerrière. N'a-t-il pas usé lui aussi de certains subterfuges auprès de Luca Biglioni, le seul camarade dont il a pu s'attirer la sympathie.

C'est à mon sens le style qui caractérise le plus cet ouvrage. Un style fait de phrases courtes, parfois sans verbe. Un style qui veut dire qu'Emile ne s'alanguissait pas sur sa condition, n'épiloguait pas sur son sort. Sa vie de maltraitance était normale, il n'avait rien connu d'autre. C'est ce que nous dit ce style compartimenté, sans fioriture.

S'il est vrai que la fiction donne libre cours à toutes les intrigues que l'imagination peut concevoir, je n'ai toutefois pas beaucoup cru à cette vie d'insondable soumission, sans la moindre révolte, ni de la part de ce fils qui a conservé une forme amour filial obligé, étiolé, envers ce père détestable, ni de la part de cette mère effacée, transparente, à l'amour prudent, craintif. Etrange assujettissement, sans rébellion, une vie durant, puisqu'une fois éjecté de chez lui à la majorité, comme un malpropre, sans préavis, Emile reviendra pourtant vers le tyran pour jalonner les événements marquant de sa vie : son alliance avec une femme d'origine kabyle, la naissance de son fils qui aura droit quant à lui à l'amour le plus sincère.

Ce drame familial est quand même bien construit. C'est l'histoire d'un secret domestique. Une tare inavouée. Par candeur, par crainte, par pudeur, par honte, on ne sait. Une tare qui enlaidit toute une vie.


jeudi 11 février 2016

L'arbre du pays Toraja ~~~~ Philippe Claudel

 


Une âme plane dans l'infini de l'espace et du temps. Elle s'installe un jour dans une enveloppe charnelle. le temps d'une vie, l'intemporelle se contraint alors au rythme d'une horloge biologique. Devient conscience. Se tourmente de questions. Sur l'avant, l'après, le pourquoi. Puis s'arrête un jour le tic-tac du temps et retourne à son infini. N'est-ce que cela la vie ?

Les peurs, les douleurs des autres nous ramènent aux nôtres. Au chagrin de la perte de son ami, un auteur scénariste se plaît à imaginer que le livre dans lequel il évoquera son souvenir va se refermer sur son esprit, l'inclure à jamais dans son texte et le faire monter peu à peu vers les cieux. Comme le fait le peuple Toraja des enfants morts en bas âge, en plaçant leur corps dans une cavité d'un arbre majestueux. Il les emporte alors vers le ciel au rythme lent de sa croissance ligneuse.

Un texte fort. Conceptuel. Une élévation. Un texte qui dédramatise la mort.