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dimanche 2 mars 2014

Le grand Cœur ~~~~ Jean Christophe Rufin


 

Ce roman nous entraîne dans l'entourage de Charles VII, un monarque à la personnalité peu avenante. Un être faible que l'histoire a pourtant retenu sous le qualificatif de « victorieux ». Il est vrai que sous son règne se termine la guerre de cent ans contre l'Angleterre. Mais Charles VII est un roi victorieux malgré lui. Aussi le second vocable que l'histoire a retenu lui convient-il mieux : Charles VII, le bien servi. A commencer par Jeanne d'Arc pour motiver ses armées, puis par Jacques Cœur pour remplir les caisses du royaume.

Le héros principal de ce roman historique est de la même façon célèbre malgré lui. Tout autant qu'Agnès Sorel, placée dans le lit du roi contre son gré, et qui finira par s'émouvoir de se voir supplantée dans ses faveurs. Il faut dire qu'elle a pris goût à côtoyer le pouvoir.

Cet ouvrage nous laisse l'impression d'un Jacques Coeur devenu la plus grande fortune de l'époque, en même temps que le grand argentier de Charles VII, sans l'avoir vraiment voulu. le succès dans les affaires collait à ses pas, les précédait même souvent, sublimé par une forme d'ironie du sort. Celle qui veut auréoler de gloire un personnage qui ne le cherche pas vraiment.

C'est l'époque ou l'on comprend que la Chevalerie a vécu. L'esprit chevaleresque avec son sens du panache et sacrifice n'est plus suffisant pour conduire la politique et combattre les ennemis du royaume. Il faut de l'argent, beaucoup d'argent, que les princes n'ont plus. La guerre se modernise avec l'apparition de l'artillerie, le courage des chevaliers n'est plus suffisant pour emporter la décision. La guerre coûte cher.

La bourgeoisie émerge comme nouvelle classe sociale. Elle est celle qui ne rechigne pas à s'abaisser à faire du commerce. Elle va bientôt tenir les princes désargentés à sa merci, en ayant la capacité de leur prêter de l'argent, et en venant au secours d'un pouvoir royal essoufflé par des décennies de guerre. Mais il est des travers qui franchissent les époques sans s'éroder à la modernisation. La jalousie en est un et Jacques Cœur y perdra sa liberté et au final sa vie.

Ce détachement de la gloire et de la fortune qui lui collent à la peau sans l'enfiévrer rend ce personnage sympathique. Sa connivence avec Agnès Sorel, dont l'Histoire ne dit pas jusqu'où elle est allée, a contrario de Jean-Christophe Ruffin, lui confère une dimension affective charnelle.

Jacques Coeur, qui avait une prédisposition à l'enrichissement, qui a côtoyé les grands de son siècle sans feindre son désamour pour les intrigues, était un homme au grand cœur. C'est la conviction de Jean-Christophe Ruffin. Il la communique aisément à son lecteur par la richesse de son verbe.