Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

mardi 22 décembre 2015

L'enfant et la rivière ~~~~ Henri Bosco



Voilà une belle ode à la nature. Une ode à l'amitié aussi. Une plaisante histoire pour la jeunesse dans laquelle les grands y trouveront aussi leur compte, tant l'écriture faite d'une cascade de phrases courtes et simples est agréable. La lecture s'en trouve alors comme la rivière, limpide, rapide et impétueuse.

La fraîcheur des sentiments, la spontanéité des personnages donnent de la délicatesse à ce conte. J'ai aimé cet intermède dans le climat de notre monde devenu si compliqué. le texte n'est en outre pas dénué de profondeur.

Un moment de lecture bien sympathique aux délicieuses tournures poétiques. Je me fais la promesse de m'autoriser d'autres infidélités à la morosité ambiante de notre monde moderne en me hasardant avec quelqu'autre ouvrage d'Henri Bosco.

jeudi 17 décembre 2015

Le feu ~~~~ Henri Barbusse

 


En peine de décrire l'inconcevable, la plupart se sont tus.

Henri Barbusse a su trouver les mots. Il a su leur donner un sens pour exprimer ce qu'aucune imagination n'aurait pu concevoir.

Il a su écrire l'horreur des tranchées : la boue, le froid, la vermine, les odeurs nauséabondes, la peur qui glaçait le sang quand le cri du gradé commandait de monter à l'assaut.

Il a su nous parler de ces hommes fauchés par la mitraille, agonisant sans secours, des survivants qui entendaient leurs plaintes s'éteindre dans la nuit, des corps déchiquetés qui n'étaient déjà plus rien, plus que chair pourrissante, à rendre l'atmosphère irrespirable.

Il a su dire l'incompréhension de ces humbles, extirpés de leur atelier, de leur ferme, pour aller en affronter d'autres, aussi mal lotis. Il a su dire l'attente angoissée des épouses, la terreur de voir le maire du village s'arrêter devant la porte, revêtu de son costume sombre et de son écharpe tricolore.

Henri Barbusse a su écrire tout cela. Avant même que cela ne cesse. Avant même que l'abattoir officiel n'arrête sa funeste entreprise, sous couvert de patriotisme. Avant même que la folie collective ne s'éteigne. Et que renaisse l'espoir. Enfin.

La première guerre mondiale est un événement qui me fascine d'horreur. Mon imagination est dépassée par la dimension inconcevable de pareil mépris de la personne humaine.

Henri Barbusse n'a pas eu besoin d'artifice pour décrire l'horreur. Les mots de tous les jours ont suffi. Car l'horreur était le quotidien des tranchées.

Le feu. Un ouvrage qui vous prend aux tripes.


vendredi 4 décembre 2015

Magellan ~~~~ Stefan Zweig

  


Magellan aura réussi 'l'exploit le plus magnifique de toute l'histoire de la navigation" nous dit Stefan Zweig. C'est encore vrai cinq siècles plus tard. "Cet homme sombre, renfermé, taciturne, sans cesse prêt à tout mettre en jeu, y compris sa vie, pour le triomphe de son idée" aura fait preuve d'une volonté et d'une ténacité inouïes dans son combat contre l'inconnu.

Aucune entreprise humaine n'aura autant été supportée par un seul homme, y compris et surtout lorsqu'il devra imposer sa volonté, seul contre tous, au milieu des immensités marines, dans la plus parfaite ignorance de leur devenir.

C'est une force de caractère hors du commun qui a accroché son nom à jamais au bout du continent américain. Cette inscription dans la grande histoire n'est que justice à l'égard de celui qui a fait preuve d'une foi inébranlable pour que l'homme trace les contours de zones vierges de sa connaissance et dessine sur la mappemonde le passage qui relie les deux grands océans Atlantique et Pacifique.

Formidable aventure superbement contée par Stefan Zweig. Avec son style savoureux et précis, cet auteur sait faire de la vie d'un personnage, non pas une biographie, mais une jouissance romanesque.

Cet ouvrage est passionnant.

 

Fouché ~~~~ Stefan Zweig

 


Fouché : une biographie comme un roman.

Stefan Zweig ne nous assomme pas avec l'enchaînement des dates d'une chronologie fastidieuse. Il dresse un magnifique portrait, une remarquable analyse psychologique de ce citoyen pour le moins singulier dans l'histoire de notre pays. Un personnage qui aura été capable de survivre politiquement, de survivre tout court, dans une époque aussi troublée, aussi riche en bouleversements, que celle qui va de la Révolution française à l'Empire. Une prouesse quand on sait à quelle facilité les têtes roulaient dans la sciure.

La preuve est faite avec un personnage comme Fouché que pour durer en politique, il faut être un calculateur froid, un intrigant de haut vol. Stefan Zweig nous donne tous les arguments pour à la fois détester et admirer ce personnage qui surnage en ces temps d'une rare intensité dramatique.

La preuve est faite avec Stefan Zweig que la relation de l'histoire peut ne pas être ennuyeuse. Très bel ouvrage. 

mercredi 25 novembre 2015

L'écume des jours ~~~~ Boris Vian

 


L'écume des jours ! Difficile d'avoir un avis mitigé. On aime ou on n'aime pas. Je ne connaissais Boris Vian que de nom. Cette lecture m'a donné le goût de m'intéresser à ce phénomène qui a pu produire un tel ouvrage. Je me suis documenté sur sa vie, son œuvre. J'ai alors fait connaissance avec un musicien passionné de Jazz, un formidable touche-à-tout qui s'est distingué dans tellement de disciplines artistiques et culturelles. Le magnifique site Internet qui lui est dédié restitue bien l'originalité de ce personnage truculent. Je suis convaincu qu'il l'aurait aimé. De son côté Patrick Poivre d'Arvor lui a consacré une fort belle émission dans sa série "une maison, un écrivain". Combien de célébrités du monde la chanson ont chanté ses textes innombrables ?

En refermant cet ouvrage, le cartésien que je suis se demande encore comment il a pu en venir à bout. A n'en pas douter à cause de son côté émotif. Car L'écume des jours est avant tout une belle histoire d'amour. Seulement voilà, c'est loufoque au possible. Ça respire la "provoc" du courant zazou des années 40, même si Boris Vian ne l'a pas revendiqué. C'est un pied-de-nez à la société de la vieille Europe qui ne s'est pas remise du traumatisme de la guerre. Boris Vian lui désigne un nouveau modèle de vie. Celui qui a enfanté le jazz.

Dans sa vie trop courte, il n'a pas connu le succès espéré avec cet ouvrage. Ses contemporains avaient les pieds sur terre, ou plutôt dans la boue, celle du marasme des années 40. Ils n'étaient pas prêts à se faire bousculer par le saugrenu, le décalé, jusqu'à l'absurde.

Car il faut tout changer dans cette société, pour ne pas repiquer au drame. Il y a dans cet ouvrage comme une urgence à faire bouger les choses. La vie est courte. Celle de Chloé, mais peut-être aussi celle de son auteur. La vie ne doit pas être prise au sérieux. Sauf quand elle met ton amour en danger. C'est alors l'escalade dans le délire. La machine s'emballe. A sa manière, Boris Vian te jette à la figure le ridicule du quotidien, de tous les gestes, de toutes les paroles de ceux qui vivent quand d'autre meure. D'autre que l'on aime par-dessus tout.

Mais même dans la tragédie, la dérision relève la tête. Alors quand Chloé est aux portes de la mort, il nous pose une question : "…est-ce que du point de vue moral, il est recommandable de payer des impôts, pour avoir en contrepartie le droit de se faire saisir parce que d'autres payent des impôts qui servent à entretenir la police et les hauts fonctionnaires, c'est un cercle vicieux à briser, que personne n'en paie plus pendant assez longtemps et les fonctionnaires mourront tous de consomption et la guerre n'existera plus."

Alors, on aime ou on n'aime pas ? J'avoue quand même que j'ai eu du mal. Et même si je reconnais qu'il y a quelques pépites que je resservirais volontiers, j'ai du mal à voir dans cet ouvrage ce qu'on vante dans les milieux "autorisés" comme l'un des cent meilleurs romans du XXème siècle. J'ai plus été fasciné par le personnage, son urgence prémonitoire de consommer la vie par les deux bouts, que par cette œuvre.

samedi 21 novembre 2015

Lettre d'une inconnue ~~~~ Stefan Zweig

 


Un cœur qui cherche une oreille compatissante à laquelle se confier, se soulager d'un mal qui le ronge : serait-ce une obsession chez Stefan Zweig ? Amok, Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Le joueur d'échecs, et d'autres peut être que je n'ai pas lus, sont dans cette conception.

Si certaines confidences bénéficient d'une écoute attentive pour s'épancher, La Lettre d'une inconnue force quant à elle la porte de son destinataire. Elle espère y trouver l'écho, certes posthume, auquel sa rédactrice aspirait depuis que son cœur a porté son dévolu sur un homme, un jeune écrivain déjà célèbre. Il ne l'a jusqu'alors payée en retour que d'indifférence.

On ne connaîtra pas l'identité de cet ingrat adulé. Stefan Zweig s'adresse-t-il cette lettre à lui-même ? S'accable-t-il de froideur quand une femme s'enflamme de passion à son endroit ? Se sert-il de son ressenti pour disséquer ce qui éloigne homme et femme quand une volonté supérieure voudrait les rapprocher ?

"Les femmes vivent dans le passé, nous autres dans l'avenir, …" déclare-t-il dans ses Journaux. Il cherche en quoi et comment les contraires pourraient trouver leur complémentarité dans une collusion sentimentale devenue improbable.

Les femmes vivent l'amour dans l'idéal, le rêve. Les hommes dans l'accomplissement. Pour elles, la relation charnelle est un aboutissement, pour eux c'est une conclusion. Elles savent donner quand eux ne savent que prendre. Voire peut-être même dérober. Pour elles encore, aimer est une grâce divine quand pour eux ce n'est qu'une promesse de volupté.

La passion insensée que cette femme déclare dans sa lettre est initiée dès l'adolescence, décrite avec les outrances de cette période de la vie. Ancrée au plus profond de l'être sensible, elle se prolonge dans la maturité. Elle est cependant étouffée, pour ne pas déranger. Même et surtout quand un abandon occasionnel, pourtant non récompensé de l'attention tant désirée, aura été fécond. Appropriation égoïste d'une parcelle de bonheur en forme de compensation ?

Le supplice psychologique est-il une autre obsession chez Stefan Zweig. Il aborde avec cette lettre le drame de l'amour insensé confronté à la désinvolture. Après le deuil de son amour, celui de son enfant, l'auteure de la lettre, dont on ne connaîtra pas le nom, ne pourra alors se résoudre à faire le deuil de la révélation. Certainement pas pour insuffler le remord dans les pensées de l'être idolâtré, seulement et pathétiquement pour glaner un peu d'attention de sa part.

Cette nouvelle est-elle exempte de narcissisme quand l'être adulé présente tant de ressemblances avec son concepteur ? Beaucoup de questions quant à l'intention de Stefan Zweig avec la publication de ce texte, lui qui n'a jamais voulu avoir de descendance. Il n'en reste pas moins que l'exploration de cette situation, caricaturale à dessein, est d'une intensité dramatique troublante. Un vrai travail d'orfèvre dans l'approche de la perversion du destin.


samedi 10 octobre 2015

La plus que vive ~~~~ Christian Bobin

 



Christian Bobin s'adresse à sa femme, au présent. Au gré des pages l'imparfait la lui vole. Il se reprend vite, dès qu'il s'en rend compte.

Il refuse le présent sans elle. Il refuse d'être avec elle à l'imparfait.

Sa femme est morte.

La plus que vive est un ouvrage qui nous apprend la "brume sur la terre vidée de son rire". Il nous apprend l'amour avec des mots de tous les jours.

Le bonheur c'est toujours à l'imparfait.

Ce n'est pas apitoyant. C'est bouleversant.


vendredi 2 octobre 2015

Les cerfs-volants ~~~~ Romain Gary



 

Mémoire. Amour. Espoir. Quelle apothéose !

Depuis que j'ai découvert cet auteur, chacun de ses ouvrages est pour moi une étreinte. Je me sens en harmonie avec sa pensée, sa philosophie sans dieu, sa distance avec le bien et le mal, ce ressenti intime qu'il sait insinuer en moi au travers de ses mots et trouver mon adhésion.

Ce roman est certes une histoire d'amour. C'est surtout une preuve d'amour qu'il adresse à qui voudra la cueillir. Ultime offrande. De la part de celui qui sait mais ne juge pas. Romain Gary connaît la part inhumaine qui habite l'humain. La vie est à ses yeux une souffrance qui prend figure humaine. "Son visage me parut familier et je crus d'abord que je le connaissais, mais je compris aussitôt que ce qui m'était familier, c'était l'expression de la souffrance".

Il aime, mais a des scrupules à être aimé quand un autre nourrit la même aspiration et s'en trouve délaissé. L'univers féminin est son refuge. Les femmes, à commencer par sa mère, ont toujours été sujet d'admiration pour lui : "Notre père qui êtes au ciel, mettez le monde au féminin !"

Ami qui trahit, ennemi qui épargne, rien n'est définitivement bon ou mauvais. Il conserve le fol espoir de voir l'homme changer. Il le sait esclave de ses instincts. Il voudrait le voir se satisfaire d'un cerf-volant qui "le tirerait vers le bleu". Une structure fragile qu'un souffle de vent arrache à la terre, comme un cri silencieux lancé au ciel pour dire aux hommes que l'essentiel est ailleurs.

Un livre de Romain Gary, c'est comme une respiration dans une atmosphère de convoitise et de préjugés. Mais quoi qu'il arrive il n'en veut pas aux hommes. Ils ne sont pas responsables. C'est comme ça. C'est le système, dans lequel il implique le grand ordonnateur des choses de ce monde, sans chercher à disserter sur sa nature.

On le savait libre et distant, presque froid, dans les cerfs-volants, le voilà épris et romantique : "Je passai mes dernières heures avec Lila. le bonheur avait une présence presqu'audible, comme si l'ouïe, rompant avec les superficies sonores, pénétrait enfin les profondeurs du silence, cachées jusque-là par la solitude."

La guerre offre un contexte favorable au dévoilement des personnalités. On détecte alors entre tous ces personnages une connivence pour délivrer un ultime message. Ambroise qui se détourne du monde en regardant ses cerfs-volants, Julie Espinoza, le général von Tiele, Hans, Bruno, Marcelin Duprat, Lila bien sûr : ne vous dressez pas les uns contre les autres, la vie donne suffisamment d'occasion de souffrir.

Mais ce point final. Quand on pense que c'est le dernier. Peut-être prémédité ? Posé là derrière un mot, alors qu'il y en aurait eu tant d'autres à crier à la face du monde avant de rejoindre les cerfs-volants dans le ciel.

jeudi 17 septembre 2015

Dernier jur d'un condamné ~~~~ Victor Hugo

 



Cet ouvrage n'est évidemment pas de ceux propres à vous mettre du baume au cœur pour la journée. Il est nécessaire de l'intercaler entre d'autres qui aborderont des sujets plus légers si l'on ne veut pas assombrir définitivement son humeur.

Prenons garde aussi de ne pas non plus raviver la polémique du pour ou contre la peine de mort pour l'évoquer sur un site comme Babelio, mais abordons-le sous l'angle de la force suggestive de l'auteur et de sa capacité à insuffler à son lecteur l'état d'esprit d'un malheureux promis à la mort à brève échéance.

Victor Hugo est au début de son immense carrière littéraire – il a vingt-six ans - lorsqu'il ressent le besoin d'écrire sur ce thème douloureux. Il faut saluer là le courage de celui qui n'est pas encore l'auteur populaire qu'il deviendra de son vivant pour prendre une telle position, alors que la guillotine donne régulièrement le triste spectacle que l'on sait en place de grève.

On ne ressort pas indemne d'une telle lecture. Mais quand même dubitatif quant au procédé utilisé par l'écrivain sublime pour frapper les esprits. Avouons que c'est réussi. Il se refuse à aborder le motif qui a conduit le condamné dans les instants ultimes et programmés de sa vie, mais veut rester au niveau du principe qui autoriserait des hommes à disposer de la vie d'un de leur semblable. On demeure sur cette impression que c'est bien le décompte final plutôt que la mort en elle-même qui est fustigé, car finalement tout homme est promis à la mort.

Il y a en arrière-plan une forme de culpabilisation du lecteur dans la démarche de l'auteur. La culpabilité d'appartenir à une société qui autorise la peine de mort et de ne pas s'élever contre cette pratique barbare.

Mais le maître, aussi grand soit-il, a aussi sa forme de lâcheté. Il ne va pas au bout de sa démarche. Certes nul n'a le droit de prendre la vie d'autrui, fut-ce dans un cadre légal et collectif, mais que faut-il faire de ceux qui auront outrepassé ce principe en se rendant coupable d'assassinat ? Ne met-il lui-même pas dans la bouche de son condamné anonyme : plutôt la mort que le bagne. Alors quoi ?

Il n'en reste pas moins que la force de notre géant de la littérature atteint son objectif. Un tel ouvrage vous fait froid dans le dos et vous confirme dans le fait qu'être lecteur du XXIème siècle, alors que la peine de mort est abolie, est une situation plus confortable.


vendredi 11 septembre 2015

Vingt-quatre heures de la vie d'une femme




On serait dans le domaine de la pâtisserie, on parlerait de mignardise à propos de cet ouvrage de Stefan Sweig. C'est court, c'est une volupté, c'est un délice.

Le délice c'est la candeur de cette dame dépassée par l'aventure qui lui est arrivée, contre son plein gré. Comme une lacération dans une vie bien rangée. Avec pourtant presque un regret. Celui d'une pulsion qui a le goût acidulé de l'interdit.

Le délice, c'est cette langue, faite de mots doux prononcés dans le murmure de la confidence honteuse, en parfaite harmonie avec le personnage discret. Cette dame qui ne peut enfouir plus longtemps au fond d'elle-même ce qui restera comme un éclair aussi soudain qu'inattendu dans un ciel pourtant serein.

On est comblé de la voir soulagée de sa confidence.

C'est un délice.


mardi 11 août 2015

Gros-Câlin ~~~~ Romain Gary

 

  

Un lecteur non averti ferait connaissance de Romain Gary avec Gros-Câlin, il y a de grandes chances pour qu'il ne franchisse pas le cap de la cinquantaine de pages, tant il est déroutant, et classe de facto son auteur parmi les saugrenus à éviter.

N'espérez donc pas de lecture facile avec ce titre pourtant racoleur. C'est à dessein. Amateurs d'intrigues à suspens ou d'aventure sensuelle passez votre chemin. Vous êtes dans l'univers de Romain Gary, avec sa faculté d'abstraction, sa force de communication des émotions et son sens de la dérision. Dans ce registre, je recommande à ceux qui ne liraient qu'un extrait de cet ouvrage de le faire avec l'incursion de Gros-Câlin chez les voisins du dessous de chez Cousin, son héros ainsi nommé. (page 179, édition Folio) C'est du grand art.

La prouesse d'un tel ouvrage est dans sa faculté à l'énoncer de paroles sensées, portées par des propos incohérents. Et le travers du télescopage des idées. C'est l'expression de l'innocence du dément. Désordonnée mais surtout engendrée par la solitude et la carence d'amour. Et plus encore que d'amour à recevoir, d'amour à donner : "Je sais également qu'il existe des amours réciproques, mais je ne prétends pas au luxe. Quelqu'un à aimer, c'est de première nécessité". Le simple, dans sa modestie pitoyable.

Romain Gary n'a pas son pareil, non pas pour se glisser dans un personnage, mais pour y enfermer son lecteur. C'est parvenu à ce stade que ce dernier sera gagné par l'émotion. Car mieux que dans leur substance, c'est dans la forme des propos que le lecteur prend la mesure du désarroi de son héros. L'exercice est périlleux pour un auteur. Si le but c'est l'appropriation du personnage par le lecteur, il y a aussi grand risque de rejet. Il faut toutefois dire qu'à l'époque de la parution de ce livre, Romain Gary est arrivé au sommet de son art, à un stade de sa notoriété où il peut se livrer à des constructions extravagantes, des tournures syntaxiques et sémantiques qui sont autant d'outrages au bien écrire. La trivialité du vocabulaire est même dérangeante, voire choquante. C'est volontaire. Il cherche à communiquer un mal-être en mettant le lecteur lui-même mal à l'aise avec l'usage, et même l'abus, d'un langage très cru, très impudique.

Et suprême défi au monde littéraire, se jouant de la flatterie que pourrait lui valoir sa notoriété, il ira jusqu'à publier son ouvrage sous un pseudonyme, en parfait inconnu.

Mais voilà, le talent est là et on perçoit déjà dans cette publication le galop d'essai pour le prix Goncourt à venir. "J'étais en voie de disparition pour cause d'environnement" (page 285 - édition Folio) c'est déjà une expression qu'il aurait pu mettre dans la bouche de Momo, celui de La vie devant soi, qui paraîtra un an plus tard et vaudra à cet auteur "inconnu" la suprême récompense. La deuxième, pour cet arnaqueur sublime qui se sentait frustré d'avoir atteint le sommet après un premier prix.

Gros-Câlin, c'est l'expression d'un désarroi sans lamentation. La souffrance silencieuse d'un handicap, celle que procurent la solitude et l'indifférence. Ce cancer qui ronge les êtres dans la société moderne. Le serpent tropical dans la vie citadine, c'est une manière d'attirer le regard. C'est aussi un symbole. Celui de la froideur, au propre comme au figuré. La froideur du monde qui l'entoure et ne témoigne pas de cet élan de sympathie dont chacun a le plus grand besoin. En pareille sécheresse du cœur tout est bon pour glaner quelques gouttes de rosée, un peu de la fraîcheur de l'amitié. Tout sauf les lamentations. Question de dignité. La provocation peut elle aussi être un moyen. Un python affublé d'un nom ridicule, mais évocateur, est un bon moyen. Un nom mal-seyant pour un être froid,

dénué de sentiments, mais un nom qui dit tout. Enroule-toi autour de moi, Gros-Câlin, je te communiquerai ma chaleur. Je m'occuperai de toi. J'ai besoin de m'occuper de quelqu'un, fût-il un manchot stupide qui mange des souris. Car voilà bien le problème, un serpent ça n'ingurgite que des êtres vivants. C'est là que l'auteur qui se passionne pour toute forme de vie touche aux limites de son stratagème. Et s'il est un suspens dans cet ouvrage, c'est bien le devenir de cet animal pour qui son nouveau maître se refuse à condamner la moindre parcelle de vie pour le nourrir.

Les idées se télescopent en désordre le plus complet dans l'esprit de Cousin, ce héros en souffrance. Il ira jusqu'à s'assimiler à cet être froid dont il jalouse l'indifférence face au monde qui l'entoure, et s'imaginer gobant des souris.

Dans sa schizophrénie, il explore les occasions de succès. Il se tourne vers Jean Moulin et Pierre Brossolette dont les portraits sont accrochés au mur de ce deux pièces trop banal qui constitue son univers sans chaleur. Faut-il être mort en héros pour trouver grâce aux yeux des autres ?

Je n'écarte pas l'idée que cet auteur habile et subtil eût imaginé avoir atteint son but s'il dérangeait son lecteur au point de lui faire abandonner son ouvrage avant la fin. Cela signifierait qu'il ne se supporterait pas dans la peau de Cousin.

Car la fin justement, quelle peut-t-elle être quand on a perdu la raison ? En désespoir de sympathie des autres.

Alors si d'aventure Romain Gary (alias Emile Ajar) vous a rebuté avec Gros-Câlin, réconciliez-vous d'urgence avec lui en vous délectant de La vie devant soi, par exemple. C'est du garanti. Et plus si affinité, bien entendu.


dimanche 2 août 2015

Terre des Hommes ~~~~ Antoine de Saint-Exupéry

 



Terre des hommes. 180 pages aux éditions Folio. Si on apprécie un tel ouvrage au poids on le méprisera. Si on l'apprécie à sa densité on l'honorera.

A consommer comme un bon vieux whisky, en plaisir égoïste, par petites gorgées entrecoupées de pauses silencieuses. Les arômes alléchants entêtent d'abord, puis le palais reçoit le coup de chaleur de la force alcoolique. Enfin, en le mâchant comme s'il était solide, viendront les saveurs. Elles déploieront alors toute leur complexité.

Pas une phrase creuse dans ce concentré d'humanité. Il ne faut pas hésiter à revenir sur l'une d'elle quand les yeux auront couru plus vite que l'appropriation de sa substance par l'esprit. Car il y a des formulations qui, faisant usage d'un langage d'une totale abstraction, n'auront de signification dans l'esprit du lecteur que par l'interprétation qu'il s'en fera. C'est le propre des œuvres contemporaines, ayant pris de la distance avec le figuratif, que de promouvoir le ressenti suggéré au détriment de l'imagé.

Saint-Exupéry, c'est une force de pensée philosophique prise entre le sable et les étoiles. Il est frappant de constater le nombre incalculable de fois avec lequel ces deux éléments reviennent dans ses pages.

Mais l'eau est noire. Il n'aime pas la mer. Prémonition pour celui qui s'y abîmera en 1944 ?
Voler n'est pas un but pour lui. C'est le moyen de s'affranchir de la pesanteur d'un corps, de se placer entre la petitesse de l'humanité engoncée dans ses contingences matérielles et la grandeur de l'univers au mystère insondable.

Le capital philosophique des ouvrages de Saint-Exupéry est suscité par les anecdotes autobiographiques de son auteur au travers d'une vie riche en aventures. C'est le cas de Terre des hommes. S'il fallait souligner un passage dans cette prospérité littéraire, la perdition dans le désert libyen a trouvé grâce à mes yeux avec la description de l'assèchement du corps par le manque d'eau. Saint-Exupéry y fait entorse à sa pudeur et se dévoile plus qu'à tout autre moment. N'est-il pas alors dans l'état d'esprit de celui qui vit ces derniers instants. Sans angoisse.

Point de texte anodin dans l'œuvre de cet auteur. Tout est prétexte à réflexion sur la condition humaine. Thème cher à Saint-Exupéry et au cœur duquel Terre des hommes trouve bonne place.


jeudi 30 juillet 2015

Les mangeurs d'étoiles ~~~~ Romain Gary

 


"Dans les vallées, les paysans mâchent des feuilles de mastala depuis des siècles. On les appelle les "mangeurs d'étoiles" en dialecte cujon. Cela leur procure beaucoup de bonheur et de bien-être, cela compense leur sous-alimentation, et on ne peut pas leur ôter ça, sans rien leur donner d'autre à la place. "

Voilà un ouvrage qui ne dément pas le formidable talent d'écriture de Romain Gary. Il se livre là à une dénonciation de la grande Comédie humaine chère à Honoré de Balzac, poussée ici dans les retranchements de la déraison.

C'est un ouvrage construit en deux parties d'inégales longueurs et intensités. Une première partie titrée "La nouvelle frontière" qui nous fait osciller autour de valeurs et leur contraire. Comme une frontière mouvante entre les cultures, les religions, que l'histoire d'un pays d'Amérique latine - qui ne dit pas son nom mais dont on apprend qu'il a été colonisé par les Espagnols - a fait s'entremêler dans la contrainte, pour parvenir au 20ème siècle à cette émulsion instable, laquelle profite de la moindre saute d'humeur pour redissocier les densités inégales.

Dans son exploration de la nature humaine, toutes les oppositions sont à la fête sous la plume de Romain Gary. La folie et la raison, la vérité et le mensonge, le bien et le mal, le beau et le laid, la grandeur et la bassesse, le talent et la médiocrité, la trahison et la loyauté, pour finir dans un exercice de funambule ivre au-dessus du gouffre du désespoir. le désespoir d'un indien, José Almayo, devenu président de son pays et qui, dans sa revanche sur l'histoire de son peuple, se brûlera les ailes au mirage d'un pouvoir illusoire. Car il faut "bien autre chose que "l'indépendance" pour tirer les "primitifs" des pattes des colonisateurs."

Il ne parviendra jamais à faire rêver, ses congénères encore moins que les autres. En mythe expiatoire, il se fascinera alors pour les artistes, les illusionnistes en particulier. Ceux qui savent hypnotiser leur auditoire et quitter la scène en triomphant de la grandeur du mystère qu'ils ont répandu sur lui, y compris sur les plus incrédules. Quand lui, petit indien d'un village reculé auquel personne ne croyait, devenu maître du pays, devrait se contenter du mystère de la mort.
"Jack" est le titre de la deuxième partie. C'est aussi le nom de ce maître de l'illusion que José Almayo poursuit de sa convoitise. Dans sa course folle et désespérée, imaginant tous les stratagèmes pour gagner les puissants à sa cause - même celui de tuer sa mère pour se conférer un statut de victime - il veut capter le pouvoir de ce saltimbanque. Il veut s'approprier sa force. Car "Il savait qu'il y avait une chose que les indiens ne pardonnaient jamais, et c'était la faiblesse." de faiblesse, il n'aura donc jamais avec quiconque. Pas même pour lui.

Cependant, même avec ses blessures d'orgueil de dictateur déchu, il conserve à nos yeux un fond de sympathie. Car on sait que sa rancoeur vient du fond des âges, transmise dans le sang, de génération en génération, depuis que des êtres casqués venus à bord de galions ont fait main basse sur leur richesse, au premier rang desquelles leur fierté de peuple libre.

Point d'intrigue sulfureuse dans cette fiction. Romain Gary sait que la complexité de la nature humaine se suffit à elle-même pour entretenir l'intérêt du lecteur. Il a raison.
Quant à moi, je ne suis plus un lecteur crédible lorsqu'il s'agit de Romain Gary. J'ai perdu toute objectivité pour la critique. Je suis acquis à la cause de cette sagesse subtile qui a fait sienne la souffrance de l'humanité. J'achète ses ouvrages les yeux fermés.


dimanche 12 juillet 2015

Les racines du ciel ~~~~ Romain Gary

 



"C'était une allemande et sa présence dans cette affaire prouvait bien qu'il ne fallait pas désespérer de ce peuple. C'était bien leur tour de faire quelque chose pour les éléphants. Il était temps, après Auschwitz, qu'ils puissent manifester eux aussi leur amour de la nature, se porter à leur tour au secours de la marge humaine… qui doit nous contenir tous, par-delà les races, les nations et les idéologies."

Tout Romain Gary est dans cette phrase. L'humaniste forcené. Le déraciné. Le compagnon de la libération. L'avocat de toute forme de vie. L'adorateur de la nature. Celui qui n'a jamais tergiversé pour choisir sa voie. Celui qui, en dépit des horreurs inqualifiables commises par l'espèce humaine, a voulu lui conserver "une confiance absurde" en son coeur. Morel, c'est Romain Gary.

Dans Les racines du ciel, il se donne corps et âme à la mission d'instruire, à charge et à décharge, pas seulement comme il se doit mais surtout comme il se l'impose, la cause de l'espèce humaine. Car c'est bien de cela dont il s'agit dans cet ouvrage. Opposer une philanthropie chevillée au corps et au coeur à la misanthropie de "la marge humaine", cette part de la création qui revendique l'intelligence. Suprême orgueil d'une espèce qui prouve sa bassesse au quotidien par des actes ignobles contre un symbole de noblesse : l'éléphant.

Qui peut envisager qu'une espèce ne puisse exister qu'en en éliminant une autre de la surface de la terre, en se glorifiant d'un "beau coup de fusil" ? Qui peut imaginer qu'en imposant son exclusivité avide et arrogante au reste de la nature, l'humanité ne courre pas elle-même à sa propre perte ? Surtout pas Romain Gary. Lui qui se réjouit de redresser le hanneton tombé sur le dos et le rendre ainsi à la liberté, à la vie.

Précurseur et visionnaire, Romain Gary a imaginé tous les maux qui conduiront, cinquante ans plus tard, nos contemporains à mettre sur pied un ministère de l'écologie. Mais ce sera seulement pour se donner bonne conscience. Pas pour sauver l'éléphant. Aussi imposant, aussi noble soit-il, il n'est pas de taille à lutter contre l'orgueil et la cupidité de l'espèce qui a inventé la poudre.

Je salue en toi, Romain Gary, le génie issu d'un humanisme sans concession, l'auteur d'une oeuvre monumentale qui te fait survivre à ta propre disparition.

Toi qui as " bu à la source empoisonnée : celle de l'espoir", tu n'as pas supporté de voir cette "marge humaine" rester sourde à tes cris d'alarme maintes fois réitérés, tout au long d'une oeuvre éclatante d'un talent transcendant, et décidé finalement de verser dans ce "malentendu physiologique qu'on appelle la mort", plutôt que de persévérer en spectateur engourdi devant un "paysage de persécution universelle".

Je t'ai imaginé devant ta page blanche, aux prémices de ce qui est devenu un roman philosophique sans dérive sectaire, un roman psychologique sans prétention intellectuelle, un roman physiologique sans déviation charnelle. Je contemple ce résultat que tu as laissé entre mes mains, sous mes yeux, à la merci de ma sensibilité et de mon entendement. Je reste ébahi devant le fruit de cette intelligence inspirée, que l'académie Goncourt n'a pu que consacrer au rang de chef d'oeuvre.

Comment aurait-il pu en être autrement ?


mardi 23 juin 2015

Aliocha ~~~~ Henri Troyat



Aliocha c'est d'abord un adolescent. Avec tout ce que cette période de la vie comporte comme interrogation, rejet, espoir d'avenir.

Aliocha c'est un immigré russe blanc. Mais ça, il ne veut plus en entendre parler. Il veut tourner la page et construire sa vie dans cette terre d'accueil qu'est devenue la France pour lui et sa famille. Il ne veut même plus parler ou écrire le russe. Il veut que la culture française gomme celle qu'il n'a fait qu'effleurer en son pays natal.

Aliocha c'est un fils unique. Il est aimé par des parents attentifs. Il leur rend le même amour. Même s'il leur reproche parfois de s'accrocher à cette culture qui a fait leur malheur. Elle les a ruinés et chassés de leur vie bien établie.

Aussi lorsque sa scolarité lui permet de se lier d'amitié avec un fils de bonne famille française, il y voit un espoir d'intégration dans une société qu'il a prise en admiration. Il en fait son exclusivité, son unique but.

Aliocha n'envie pas la richesse. Il a soif de devenir un jeune homme plus français que les autres. Son ami lui fait le reproche de ne pas cultiver sa singularité. Mais il n'en a cure. Comment peut-on être riche d'une culture qui vous a rejeté ?

Ah oui, j'oubliais. Aliocha veut qu'on l'appelle Alexis ! Mais Alexis va faire l'expérience de la stabilité d'un monde qui ne repose que sur un pilier, un seul. Certainement le plus autobiographique des romans d'Henri Troyat. Un roman sur l'intégration. Un thème de tout temps, raconté avec la force évocatrice pondérée d'un auteur prolifique dont on sent qu'il cultive la langue française. En forme de revanche pour en remontrer aux natifs qui négligent leur patrimoine.

C'est juste, sans fioriture, et ça fait mouche pour qui aime notre belle langue.

 


dimanche 14 juin 2015

Viou ~~~~ Henri Troyat

 



Comme la neige qui arrive fort à propos la veille de Noël, tout dans ce roman d'Henri Troyat jouit du même opportunisme. Même la mort du patriarche.

Je ferme le premier tome de la trilogie Viou. J'ai été heureux d'y retrouver cette belle langue d'une grande précision et pourtant nourrie de mots simples que j'avais appréciée dans la série Des semailles et des moissons. La langue d'un auteur prolifique, grand témoin de ce vingtième siècle, balloté entre la course effrénée du progrès technologique et les grands cataclysmes qui ont meurtri l'Europe. Une langue qui procure un grand confort de lecture et fait descendre sur vous la nostalgie de l'ambiance des grandes sagas à l'époque où la famille constituait l'assise structurelle de la société.
Dans les romans d'Henri Troyat, le tumulte des événements de l'existence est lissé dans la course du temps sur le rail de la destinée. Il décrit la vie comme elle est. C'est un regard élevé au-dessus des joies et des chagrins qui alternent et s'enchaînent sans ralentir les aiguilles de l'horloge.

Henri Troyat nous parle d'un temps où l'autorité des parents, des instituteurs, plaçait encore ses jalons dans l'éducation des jeunes générations. Une époque où le respect était une notion vivante. Les énergies étaient canalisées par des codes de conduite. C'est une époque qui connaît encore les interdits. C'est pour cette raison que la vie y était plus exaltante. Nul besoin alors d'avoir recours à des artifices pour pimenter l'existence. Il suffisait de braver les interdits, comme par exemple mentir sur ses résultats scolaires, ce que Viou commettra, à s'en torturer de remords.

Viou est née avec la guerre. Son père y a perdu la vie. Son souvenir est trop flou dans sa mémoire pour lui en procurer du chagrin. Elle souffre en revanche de l'absence de sa mère, partie refaire sa vie à Paris. Elle découvre l'univers des adultes entre ses grands-parents paternels, une vieille tante et une servante de la famille un peu sourde, son institutrice. Elle n'est pas malheureuse. Sans vraie passion, elle jouit de bonheurs simples avec les visites trop rares de sa mère, la complicité d'un grand-père en butte à une épouse rébarbative et bigote ou encore l'amour de son chien.

Et tout à coup sa vie change. Mais pour savoir de quelle manière il faut se plonger le deuxième tome de la trilogie, ce que je ferai avec plaisir.


vendredi 1 mai 2015

Au delà de cette limite votre ticket n'est plus valable ~~~~ Romain Gary

 



Voilà un ouvrage à ne pas mettre entre toutes les mains. Des mains de femmes en particulier. Il décrit trop bien ce sur quoi les hommes bâtissent souvent leur ascendant sur leur entourage, féminin en particulier : le concept illusoire de la virilité. Et comme de juste, lorsque le fondement de ce pouvoir fallacieux vacille, ce n'est pas un pan de ce monde qui s'écroule, mais le monde tout entier.

Sur un thème comme celui-ci, abordé de manière très crue par Romain Gary, quel que soit le dénouement qu'il pourra apporter à son sujet, avec peut-être un rebondissement heureux, on sait qu'il ne sera que provisoire ou compensatoire. Faut-il donc irrémédiablement verser dans la philosophie et abandonner tout de go le principe souverain sur lequel l'homme fonde instinctivement sa position dominante ? Difficile à faire admettre à celui dont la vigueur du corps autorise des espoirs de conquête. La nature est ainsi faite.

Romain Gary place tous les êtres que cette Nature a conçus sur un pied d'égalité. Il déteste l'idée que le seul hasard de la naissance puisse autoriser l'un ou l'autre de s'arroger des prétentions de supériorité. Démonter le mécanisme qui organise la déchéance d'une telle ambition lui a paru approprié pour faire valoir ce point de vue. C'est ainsi que Jacques, le soixantenaire enamouré d'une jeunette, vit l'enfer de celui perd sa légitimité de mâle dominant en déplorant l'impuissance qui le gagne.

Quand on est, comme je le suis, représentant de la communauté des lecteurs, que j'oppose ici à lectrices, ce roman a quelque chose de déstabilisant. Nos tentations narcissiques en prennent un coup. Mais ce n'est que justice. Cela ouvre les yeux sur le caractère dérisoire et éphémère de toute tendance à faire prévaloir les aspirations corporelles aux dépens de celles de l'esprit.
“Vivre est une prière que seul l'amour d'une femme permet d'exaucer”. Voilà qui coupe court à toute velléité de contester la vénération que Romain Gary voue aux femmes. Sa mère en tête de liste. Relisons La promesse de l'aube.

Dans les infidélités qu'il fait au souvenir de cette dernière, en s'abandonnant dans les bras d'autres femmes, il ne conçoit de relation amoureuse que dans le partage. A parts égales. Aussi quand le déséquilibre s'installe, son humanisme est malmené. C'est le thème sous tendu par la mésaventure de Jacques, son héros.

Cet ouvrage est à mes yeux en retrait par rapport au reste de son oeuvre, assez inégal dans ses chapitres, mais cela reste du Romain Gary et constitue un éclairage supplémentaire dans la connaissance de cet auteur fabuleux.


jeudi 16 avril 2015

La promesse de l'aube ~~~~ Romain Gary

 



J'avais la tentation d'écrire. Puis j'ai lu Romain Gary. Je me suis laissé emporter par le flot impétueux des phrases longues et ardentes de La promesse de l'aube. J'ai alors mesuré le gouffre qu'il y a entre la limpidité du talent et la turbidité de mon intention prétentieuse. Je me suis donc ravisé. Merci maître de m'avoir rendu quelque modestie et calmé ainsi mes ardeurs brouillonnes. Je me contenterai donc d'essayer de traduire mon enthousiasme pour les belles pages de littérature moderne que je viens d'ingurgiter goulûment.

Voilà un ouvrage auto biographique qui, de la première à la dernière page, fait l'apologie d'un amour particulier, inaltérable. Celui que partagent une mère et son fils.

Romain Gary a toutefois bien imaginé l'embarras qui pourrait s'installer dans l'esprit de son lecteur avec une telle confidence. Il se sent alors obligé d'anticiper sur les suspicions que cette relation pourrait faire naître chez les " frétillants parasites suceurs de l'âme" et se défend de toute connotation incestueuse quant à cet élan partagé : "Je ne crois donc avoir éprouvé à l'égard de ma mère, que je n'ai jamais connue vraiment jeune, que des sentiments platoniques et affectueux".
Etonnante la soif de célébrité pour son fils qui obsède cette mère. Peu importe la voie ou le moyen d'y parvenir. Rien ne la rebute, ni ne la décourage. Le destin lui donnera raison. A notre plus grand bénéfice, nous, lecteurs d'un temps où ce magicien du verbe n'est plus.

Mais l'amour confère des devoirs envers son objet. Même s'il faut se mettre en danger pour le manifester et le préserver. Cela vaudra à Romain Gary, alors adolescent, de recevoir la plus belle paire de gifles de sa vie de la part de sa mère. Sans rancune. Une leçon d'amour. C'est tout.

Il en sera pour son pays d'adoption comme pour sa mère. Un amour absolu et inconditionnel. Même loin des yeux. "De toute mon existence, je n'ai entendu que deux êtres parler de la France avec le même accent : ma mère et le général de Gaulle".

Romain Gary a été un combattant de la France libre de la première heure. Dès la défaite de juin 1940 il a compris que son devoir lui commandait de ne pas accepter la défaite. Mais il n'en veut à personne, ni aux ennemis de la France, ni à ceux qui leur serrent la main. Il n'est pas avec eux c'est tout. C'est un humaniste convaincu. En dépit des épreuves qui jalonnent sa vie, il conserve foi en l'espèce humaine. En l'être vivant devrait-on dire, car il respecte tout ce qui naît et croît sur terre. Il va jusqu'à regretter de faire du mal à ses semblables en participant à des actions de guerre. Son amour pour ce pays d'adoption en fait un Eden patriotique. Il lui dicte un devoir sans arrière-pensée.

Romain Gary a un regard lucide sur l'existence. C'est un spectateur de sa propre vie. "Je ne triche pas avec moi-même et je sais que, pour l'essentiel, j'ai été et ne serai plus jamais".

A plusieurs reprises, dans cet ouvrage publié en 1960, avec une lecture avisée - car il est facile de refaire l'histoire quand on en connaît la fin - on perçoit la germination de ce qu'il qualifie "d'intention sublime". Celle qui lui fera écourter sa vie 20 ans plus tard. Tant pis pour nous. Mais peut-être avait-il alors la conviction d'avoir été au bout de ses écrits. Peut-être avait-il perçu les limites de son humanisme. Ou peut-être cet homme, qui avait besoin d'être materné, ne supportait-il pas l'idée que l'élue de son cœur ait choisi de le confier à la plus fidèle amie de l'écrivain : la solitude.

Aussi, entre deux œuvres de solitude, préférera-t-il la mort. A le lire, on comprend que cette échéance ne le rebute pas. Cette prédestination n'est que l'ultime chance de débarrasser l'âme d'un corps devenu fardeau. Rien de plus normal lorsqu'il fait le décompte précis de ceux de ses amis que la guerre a gommés du monde. En avait-il des amis d'ailleurs ? Il n'en exprime pas le moindre regret. Il a de toute façon la certitude de les retrouver un jour.

Fabuleux créateur de beaux textes, au langage alternant humour et froideur, toujours pudique. Il a vis-à-vis du destin le détachement de ceux qu'habite le fatalisme. Avec l'air de vous dire: voilà les choses comme elles sont. Je vous l'aurai dit. Faites-en ce que vous voulez.

Quel sentiment m'anime en fermant cet ouvrage, si ce n'est une admiration inconditionnelle ? Et bien sûr un peu de jalousie ! Mais je partage son approche quant à la destinée.


mardi 14 avril 2015

Les âmes grises ~~~~ Philippe Claudel

 


Les âmes grises ! Y'a-t-il une leur d'espoir à la page suivante ? A voir les sourires s'effacer les uns après les autres, nul n'échapper à la suspicion, on perçoit aussi "le ciel bas et lourd qui pèse comme un couvercle" (*), au-dessus de ce village dont on ne connaîtra pas le nom, mais dont on apprend qu'il voisine avec la ligne de front. de ses hauteurs on peut même percevoir au loin la marche inexorable de la grande faucheuse. Elle couche les hommes comme la moissonneuse les épis de blé mûr.

La quête, l'espoir de l'embellie donne de l'appétence et fait avaler les chapitres. Mais pas seulement. Elle est exhaussée par le beau talent d'un narrateur qui s'adresse parfois à son lecteur et sait le tenir en haleine. Avec sa maîtrise du style imagé et de la personnification, Philippe Claudel s'ingénie à faire exprimer aux choses les vérités que l'infamie de la nature humaine tente de dissimuler.

Le destin qui broie une génération dans la fleur de l'âge, à portée de regard, n'a pas son content de vie humaine. Il se plaît aussi à reprocher aux crédules la jouissance de quelques instants de bonheur. Telle Lysia Verhareine, la jeune et belle, trop belle, institutrice remplaçante du village, lasse de l'inquiétude qui lui ronge le cœur, elle est venue aux confins de la zone de guerre tutoyer le malheur. Elle est venue là pour tenter de discerner dans le grondement du canon le battement du cœur de son aimé. En forme d'exorcisme.

Ou bien celle qu'on surnomme Belle de jour. Une pauvrette d'une dizaine d'années dont le seul tort aura été de croiser son assassin. Ce qui deviendra l'Affaire. Mais en ces périodes sombres où la justice n'est pas trop regardante sur le bon droit, on cherchera plus à l'expédier cette affaire qu'à l'élucider. Un bouc émissaire ira donc tout aussi bien qu'un vrai coupable. D'autant que la vérité pourrait bien déranger quelque notabilité. Deux déserteurs seront donc tout désignés pour endosser le crime, même s'il faut user de quelque procédé d'un autre âge pour obtenir des aveux. Ne sont-ils pas déjà coupables. Terrorisés à l'idée de retourner dans les tranchées, hantés par le souvenir des corps déchiquetés, des cris de désespoir de ces hommes cloués dans les barbelés qui appellent leur mère, ils préféreront précipiter la mort plutôt que de la laisser continuer à les narguer.

Le narrateur acteur de cet ouvrage ne sera pas en reste enfin. On ne connaîtra pas son nom mais le destin lui fera comprendre que lui aussi a consommé son capital bonheur.

Est-ce un ouvrage immoral dans lequel règne l'injustice ? A reconnaître la perversité du juge et de son acolyte galonné on serait tenté de le croire. Toute innocence dissimule-t-elle des traces de culpabilité ? "Les salauds, les saints, j'en ai jamais vu. Rien n'est ni tout noir, ni tout blanc. C'est le gris qui gagne. Les hommes et leur âme c'est pareil… T'es une âme grise, joliment grise, comme nous tous…"

Le Renaudot est réputé réparer les injustices du Goncourt. C'est au moins ça pour ce beau roman. Ce n'est pas volé.

(*) Baudelaire : Spleen

lundi 2 février 2015

Le mystère Napoléon ~~~~ Steve Berry

 



Inventez une énigme improbable impliquant un personnage historique célèbre. Brodez autour de celle-ci quelques événements mettant en scène des super héros au pistolet greffé et échappant à la pesanteur. Saupoudrez de mots magiques : trésor, secret, services spéciaux. Confiez cela à un nègre-scénariste scotché à son clavier et payé avec un lance-pierre. Mettez-lui la pression et vous obtiendrez un de ces fameux scenario pour série TV dont les productions américaines ont le secret. En prime, il vous servira le compte à rebours fatal, le Malone Cotton qui saute d’un hélicoptère sur un avion en plein vol et un bouquet final en forme de fusillade dans la pénombre d’une crypte, à portée de main du trésor.

A l’instar de leur nourriture riche en sucre et en graisse, qui flatte les papilles mais masque les saveurs, le produit de nos scénaristes américains sera bourré d’effets spéciaux dont le seul but est de faire oublier sa pauvreté en émotions.

Mais nous sommes dans un roman, oublions réalisme et vraisemblance. Apprécions imagination et habileté à intégrer la fiction dans la réalité historique.

Et là, patatras, deuxième déconvenue. L’auteur nous sert des rappels à l’histoire de France façon cours de fac passés au travers du filtre de la psychologie américaine. Ça gratouille le citoyen franchouillard qui se défend de brader sa culture millénaire. S’il ne s’enorgueillit certes pas des incursions napoléoniennes chez nos voisins européens, il ne veut pas non plus lui faire assumer tous les maux du 20ème siècle. Car lorsque l’histoire de France est revisitée par un auteur en vogue version Oncle Sam, vous aurez la délicieuse déconvenue de lui voir attribuer à Napoléon la responsabilité directe des deux dernières guerres mondiales. Le raccourci est saisissant. En cherchant bien d’ailleurs, il a certainement raison. Charlemagne, Clovis et consorts sont aussi dans le coup.

Steeve Berry a bien compris que tout événement remarquable trouve ses germes dans le passé, ça s’appelle l’Histoire, la grande. De là à faire des raccourcis du style Bonaparte-fou-sanguinaire-inspirateur-d’Hitler, c’est se faire prendre de vitesse par son processeur. L’histoire, c’est ce qui manque à nos amis américains. Mais cette frustration, si elle a le mérite de leur conférer un sentiment patriotique farouche qu’on peut leur envier, ne doit pas non plus les placer en donneur de leçon et leur faire oublier que la leur d'histoire commence par un génocide. Il n’y a pas si longtemps que ça.
Restons alliés. Ne devenons pas aliénés.

Nous voilà donc devant un scenario à la cohérence aussi incertaine que sa géo localisation est dispersée, servi par des personnages froids, bâtis sur des stéréotypes racoleurs. C’est fumeux, ça somme faux comme une cloche fêlée. Le prétendu trésor de Napoléon sert plus de prétexte occasionnel que de fil conducteur. Et je ne parle pas du final grotesque.

L’accumulation des événements tente de compenser la pauvreté des analyses psychologiques. Les personnages restent falots et inconsistants. Ils sont tout sauf attachants.

Le traducteur s’est donné du mal pour humaniser la langue des onomatopées, mais le style descriptif reste heurté, lapidaire et dépourvu de sensualité. On y perçoit ces images aux couleurs éclatantes mais sans chaleur, dépoussiérées, version haute définition plus vraies que nature. Du numérique pur jus. Les décors prestigieux de notre belle capitale sont choisis pour flatter l’image - la fusillade dans le musée de Cluny - ou les effets spéciaux - l’avion qui fonce sur la tour Eiffel - mais certainement pas pour ce qu’ils apportent à l’intrigue. On navigue entre subterfuges et incongruités.

C’est artificiel et indigeste au possible. Je n’aurais pas été surpris de voir surgir des pages de pub entre deux chapitres de cet ouvrage.

Mais la littérature conserve quand même une supériorité sur le cinéma. A déconfiture culturelle égale, elle nous épargne les horripilants fonds sonores qui accompagnent désormais les changements de plan séquence et veulent susciter la peur ou l’excitation.

On comprend désormais que lorsqu’on a abusé de la naïveté du gogo qui avale tout cru ces soi-disant super productions, il ne lui reste plus que les psychotropes pour trouver un peu de rêve et d’évasion.

Bon voilà, ça fait du bien, ça défoule. J’embrasse ma petite sœur qui m’a offert ce livre. Cela faisait longtemps que je voulais me révolter contre cette culture du toujours plus qui happe les jeunes cerveaux fragiles de notre époque et les fait passer à côté des vraies émotions. J’ai bien conscience de marcher à contre-courant. Je n’arrive pas à me faire à l’idée d’appartenir à une culture sur le déclin, bradée sur l’autel de l’audience, la grande flatterie des bas instincts. Mais il vaut mieux aller seul vers la vérité qu’accompagner les autres dans l’erreur. Steeve Berry m’a fourni une bonne occasion. Tant pis pour lui.

Cependant, peut-être ai-je eu tort de lire Romain Gary dans la même semaine ?


samedi 31 janvier 2015

La vie devant soi ~~~~ Romain Gary

 


C'est un roman d'amour porté par des mots d'enfant. C'est un roman d'humour qui colporte une histoire triste. C'est Splendide.

La supercherie du pseudonyme a valu à Romain Gary un second prix Goncourt, ce que le règlement de la prestigieuse récompense n'autorise pas. Fallait-il qu'il se sache convaincu de la prouesse littéraire pour oser un tel pied de nez à la profession. Ô combien a-t-il eu raison !
Sans cet artifice, il aurait alors fallu inventer un autre prix. Un super prix, comme on dit de nos jours quand on est parvenu aux confins des possibilités de son pauvre vocabulaire. Un super oscar, pour ne pas laisser pareil ouvrage s'enfouir dans le grand fourre-tout des œuvres non primées.
C'est une performance que celle de tenir des propos d'enfant, de traduire une conception mentale naissante, l'ouverture au monde des adultes, sans trahir sa maturité, sa propre expérience de la vie.

La première moitié de cet ouvrage est un peu longue. La seconde nous la fait percevoir comme une nécessité pour bien amener et transmettre la teneur philosophique de cette œuvre. le bonheur, la religion, les différences, la vie et sa fin inéluctable, la quête de ses racines. Autant de thèmes qui se télescopent dans l'esprit de Momo. Fils de pute (sic), de père inconnu, il se raccroche à sa bouée, Madame Rosa. Il s'interroge sur la vie. Pourquoi ci ? Pourquoi ça ? Et déjà des certitudes sur la cruauté de l'existence.

Les différences. Des inventions d'adultes qui ont conduit madame Rosa dans les camps de déportation et qui font que Momo se refuse à sa condition d'enfant abandonné, de confession musulmane. Il a pourtant remarqué que quelques preuves d'amour, de la part de qui on ne les attendait pas, peuvent gommer beaucoup de différences justement. Mais voilà Madame Rosa ne va pas bien. Momo a bien perçu que son avenir affectif en dépend. Il sent bien que cet esquif qui le maintient à flot est en train de prendre l'eau.

Les confidences de Momo abordent des sujets graves avec une légèreté qui ne nuit pas au message, bien au contraire. L'humour naïf est le plus beau vecteur de vérité pour qui sait l'engendrer. Romain Gary nous en fait une démonstration éclatante dans cet ouvrage. Car l'humour est bien le ton général d'un bout à l'autre de ce récit. L'échange entre madame Rosa et Kadir Youssef venu récupérer son fils est une des plus belles pépites de cet exercice ô combien périlleux. Un chef d'oeuvre du genre.
C'est un livre que j'ai avalé dans un TGV qui avalait quant à lui les kilomètres vers Paris. Mes voisins de voiture ont vite compris que peine perdue était de me faire partager leur conversation. Cette merveille m'a souvent imprimé un sourire sur les lèvres et toujours inspiré de vraies émotions. J'espère trouver encore beaucoup de livres comme celui-là pour me voler le paysage vers …

Peu importe d'ailleurs, ce sera vers de belles lectures.