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Ouvrages par genre
mardi 27 février 2024
mardi 30 août 2022
Nos secrets trop bien gardés ~~~~ Lara Prescott
Nous sommes dans les années cinquante en pleine guerre froide. Le monde est partagé en deux blocs : l'Est sort de l'ère Staline mais n'a pas encore gagné sa liberté, les goulags sont toujours la villégiature des opposants au régime ; l'Ouest dans l'euphorie de l'après-guerre fait l'apprentissage de la liberté au rythme du jazz qui gagne l'Europe avec son swing enjôleur. Boris Pasternak vient de mettre le point final à son roman phare, le docteur Jivago. Se pose alors à lui le problème de le faire éditer. le régime soviétique décrète l'ouvrage sacrilège à l'idéologie socialiste et son auteur de facto ennemi du peuple.
Boris Pasternak voit quant à lui dans son ouvrage sa chance de
perpétuation au-delà des querelles politiques et du clivage majeur qu'il
induit. Un éditeur italien lui propose de le faire paraître à l'Ouest,
Pasternak accepte quel que soit le sort qui lui sera réservé par le régime
présidé alors par Khrouchtchev dont le sourire à la tribune n'est pas encore
celui de la détente.
Lara Prescott a organisé son ouvrage à l'imitation du monde d'alors, CIA,
qu'on ne présente plus, contre NKVD, le commissariat du peuple aux affaires
intérieures de l'URSS. Par chapitre alterné le lecteur est seul habilité à
franchir le rideau de fer pour d'un côté jouir de la légèreté occidentale ou de
l'autre frémir sous la chape de plomb du régime communiste.
Le concept m'avait tenté lorsque j'ai trouvé cet ouvrage sur l'étal du
libraire. Sa lecture m'a été moins heureuse. Autant l'événement de la parution
de cet ouvrage, qui avec le reste de son oeuvre a valu à Pasternak
l'attribution du prix Nobel de littérature en 1958, est passionnante, autant
l'approche qu'en fait l'auteure vue du côté occidental est assommante.
Dans le pool de dactylos de son agence américaine la CIA sélectionne parfois
quelques-unes de ses agents féminins. C'est là que la sévérité du sujet choisi
par Lara Prescott s'enlise dans les futilités de la vie quotidienne.
Des pages, des chapitres entiers évoquent les péripéties sentimentales de ces
dames avec tout ce que cela comporte d'efforts de séduction, de tergiversation
devant la garde-robe, de minauderies, jalousies et autres ragots entre
concurrentes. Le contraste est peut-être voulu pour opposer des modes de vie
aux antipodes l'un de l'autre, mais le résultat est que l'Est avec l'histoire
de Pasternak et son éditrice et amante est captivante alors que les efforts de
la CIA pour récupérer l'ouvrage original et le faire diffuser en URSS souffrent
de chapitres entiers qui éloignent du sujet et plombent l'ouvrage à mes yeux.
Même si l'écriture reste agréable, j'ai souffert des longueurs que provoquent la
description détaillée des futilités de la vie quotidienne comme savent si bien
le faire nos amis américains dont la spontanéité les pousse aux épanchements.
Le Docteur Jivago a été autorisé en URSS en 1985, vingt-cinq ans après la
disparition de son auteur. Le prix Nobel de littérature qu'il s'était vu
contraint de refuser a pu alors être reçu par son fils. Boris Pasternak a
réussi à titre posthume le défi qu'il s'était lancé de faire paraître cet
ouvrage. Il savait qu'il serait sa seule chance de survivre à sa propre mort,
sous les yeux de millions de lecteurs qui l'ont lu et le lisent encore. Mais au
final, la seule qui ait eu à pâtir de cette aventure littéraire est sa chère
éditrice Olga Vsevolodovna Ivinskaïa. Son amour et sa fidélité pour Pasternak
lui valurent deux séjours au goulag. Une pensée pour elle aussi, disparue en
1995. Cet ouvrage est aussi un hommage à ces femmes courageuses. C'est un autre
bon point à son actif, et non le moindre.
samedi 16 juillet 2022
Les enfants de la terre - tome1 ~~~~ Jean M. Auel
🌕 🌕 🌗 🌚 🌚
Les paléoanthropologues ont établi que l'homme de
Neandertal pouvait parler. Jean M. Auel évoque la particularité qui
donne cette capacité vocale : un os rattaché à aucun autre et que les
scientifiques appellent l'os hyoïde.
Mais si le scientifique peut se prononcer sur les caractéristiques physiques de
la fonction vocale, peut-il le faire sur le niveau de discours, de conception
et d'expression des sentiments que pouvaient mettre en œuvre les représentants
de l'espèce à l'époque où Jean M. Auel situe son intrigue, il y a 35
000 ans ?
L'auteure franchit le pas. Elle attribue à ses personnages une capacité à
émouvoir par la parole et par le geste. Une capacité qui semble cependant plus
proche de la psychologie contemporaine que celle du chasseur-cueilleur,
locataire des cavernes, dont on sait que le sang ne lui faisait pas peur tant
il faisait partie de son quotidien. On n'oubliera que pour crocs et griffes
acérés qui abondaient dans son environnement il était autant gibier que le bœuf
musqué, l'antilope saïga et autre mégacéros.
Jean-Philippe Rigaud, Directeur du centre national de préhistoire à l'époque de
la parution de la saga Les enfants de la terre, affirme en préface du premier
tome avoir été favorablement impressionné par le réalisme archéologique de cet
ouvrage et par voie de cause à effet des connaissances de son auteure. Il
cautionne donc la parution et le contenu de cette ouvre qu'on ne présente plus
au point de surfer sur le succès de la saga et écrire lui-même le monde
des enfants de la terre, sous-titré Comment vivaient les héros de la saga
de Jean M. Auel.
La grande question évoquée par Jean M. Auel, à laquelle les
paléoanthropologues s'accordent désormais à donner une réponse positive étant
de savoir si l'homme de Neandertal et Homo Sapiens se sont croisés. Jean
M. Auel fonde son intrigue sur cette certitude. Son héroïne, de la
dernière espèce, Ayla, isolée de son clan à la suite d'un tremblement de terre
est recueillie et adoptée par un clan néanderthalien. Elle y est jugée d'une
grande laideur du fait de sa différence physique, en particulier son front
plat, la blondeur de ses cheveux, la finesse de ses traits, autant de critères
qui nous sont aujourd'hui de beauté. Les néanderthaliens ayant quant à eux des
traits forcément plus frustes.
Michael Chapman a tiré un film de cette saga en 1986. le rôle de Ayla est tenu
par Daryl Christine Hannah dont le caractère préhistorique des traits du visage
réside uniquement en un savant désordre de la chevelure. Son personnage destiné
à remplir les salles obscures nous ferait croire qu'il y a 35 000 ans les
salons d'esthétique et de manucure existaient déjà. J'ai bien peur que cet
anachronisme d'apparence soit la logique mise en image du même décalage dans le
temps de ce qu'on peut lire chez Jean M. Auel au point de vue des
comportements, que la psychologie américaine l'ait entaché des prémices d'un
féminisme et de cette mièvrerie qu'on lui connaît bien lorsqu'elle veut tirer
la larme à son auditoire. « Maamaan, Maamaan » criait le petit Durc qui voyait
sa mère l'abandonner, chassée qu'elle était du clan néandertalien par le
nouveau chef lequel n'avait jamais admis sa différence, jamais admis qu'elle
puise le surpasser à la chasse à la fronde.
Je sais que dans les nombreux tomes qui vont donner suite à cette entrée en
matière que je viens de lire elle va trouver l'amour avec le beau Jondalar.
Même si j'ai confiance en la capacité de Jean M. Auel à restituer les
savoir-faire techniques et le mode de vie en vigueur à l'époque, j'avoue ne pas
avoir le goût de me frotter aux milliers de pages que comporte cette fiction
préhistorique édulcorée à la sauce anglo-saxonne dont on n'oubliera pas qu'elle
doit plaire à un lectorat formaté par les séries dégoulinantes de
sentimentalisme. J'en resterai donc au premier tome.
mardi 7 septembre 2021
Là où chantent les écrevisses ~~~~ Delia Owens
Voilà un ouvrage qui jouit d'une cote exceptionnelle sur Babelio et pas seulement. Il n'est ni plus ni moins que deuxième des meilleures ventes en poche après son succès en édition originale. Il ne m'a cependant pas touché à hauteur de cette cote, sans toutefois me déplaire. de la même façon que les amitiés ne se transmettent pas, l'engouement inconditionnel ne m'a pas gagné. Il y a entre un ouvrage et un lecteur une alchimie complexe qui s'apparente à l'inclination entre les êtres. J'ai bien peur que les lecteurs aient donné leur satisfécit en forme de soutien à la jeune fille abandonnée et rejetée par tous, plutôt qu'à la qualité de l'ouvrage proprement dite. Une forme de compassion orchestrée en rachat du comportement d'une société indigne. L'intrigue y est à mon goût très artificiellement construite et proche du naufrage dans le pathétique dégoulinant, en tout cas dans sa première partie. La phase qui concerne l'enquête sur la mort de Chase Andrews, l'accusation, le procès et l'épilogue sauvent l'ouvrage du misérabilisme définitif. La chute est surprenante et a quelque peu racheté l'ouvrage à mes yeux.
C'est le propre du genre romanesque que de s'affranchir du crédible pour se
focaliser sur l'essentiel : la stimulation des émotions. Mais à trop vouloir en
faire on aboutit à l'effet contraire, au risque de perdre en empathie pour un
personnage lequel attire sur lui, il faut bien le reconnaître, tous les
malheurs de la vie terrestre. L'auteure en fait une victime expiatoire de la
forfaiture des autres, sans évidemment la moindre part de responsabilité de
l'infortune qu'elle endosse à son corps défendant.
Mais à trop piétiner l'innocence, faisant de Kya une sauvageonne recluse en sa
cabane avec la sollicitude des seuls animaux du marais, l'auteure s'est rendue
compte à un moment qu'il fallait justifier le mauvais sort qui lui était
réservé. Elle tente alors un rétro pédalage à faire admettre au lecteur qu'une
mère puisse abandonner ses enfants répondant ainsi à une sourde prédisposition
de toute espèce à transmettre ses gènes coûte que coûte, y compris en
sacrifiant une génération. C'est assez indigeste.
La vie de la pauvre Kya est une surenchère d'atteinte à l'intégrité affective
de la toute jeune fille, histoire de bien enfoncer le clou de la commisération
: abandon, solitude, rejet, trahison amoureuse et pour finir, accusation de
meurtre. Acharnement opiniâtre du sort. Heureusement que le bon Jumping est là
pour éclaircir le tableau. Sauf que dans cette Amérique raciste des années 60
il est noir et ma foi fort démuni pour défendre le cas de la jeune Kya auprès
de ses congénères blancs. le tableau resterait désespérément sombre si ce
n'était quelques coups de baguette magique qui promeuvent la sauvageonne en
naturaliste, artiste, auteur de renom.
La deuxième partie est plus crédible parce que moins nécessairement sordide. le
suspense reprend ses droits. La justice suit son cours. L'avocat est vertueux
et compétent. Avec la tenue d'un procès à l'américaine - objection votre
honneur la question est tendancieuse et propre à orienter la réponse du témoin.
Objection rejetée, poursuivez monsieur l'avocat général – le réalisme reprend
ses droits. Anxiété de l'attente du verdict.
Alors bien sûr, il y a l'ode à la nature. Unanimement saluée à juste titre.
C'est le côté terre nourricière savamment dépeint. Joliment dépeint. La poésie
est au rendez-vous. Il contrebalance efficacement la dérive artificielle de
l'intrigue. C'est la vie du marais. Avec Kya on hume les senteurs, on entend
les bruissements animaux, le clapotis de l'eau, on ressent humidité et
fraîcheur de l'aube. On voit le soleil percer les brumes sur le marais. La
faune s'éveille. Les nocturnes se terrent jusqu'à la nuit prochaine. On se perd
dans le marais avec délice, quand on est sûr de passer la nuit à l'abri. On
fait confiance à la jeune Kya pour nous conduire à ses lieux d'intérêt, de
fuite, de dissimulation, d'observation, de communion avec la nature. C'est le
bon aspect du roman. Il est réussi. Il est inspirant.
Un roman de valeur inégale selon moi. Il perd à mes yeux une partie de son âme
à vouloir forcer le trait de l'émouvant. La jeune Kya devient un bouc émissaire
de commisération, elle y perd en humanité. C'est dommage parce que l'aspect
communion avec la nature est plutôt réussi.
mercredi 15 avril 2020
Coule la seine~~~~Fred Vargas
Dans les commissariats il ne se passe pas que des histoires
longues et compliquées à résoudre qui pourraient donner lieu à l'écriture de
romans. Il y a aussi le tout-venant. Des histoires qu'un limier comme Adamsberg
résout en quelques cogitations de son cerveau de flic à qui on ne la fait pas.
Avec l'intuition et le sens de l'humain qu'on lui connaît, à défaut de rester
lettre morte sur la main courante, ces histoires-là peuvent avantageusement
donner matière à l'écriture de quelques nouvelles, que Fred Vargas livre
à notre divertissement.
Coule la
Seine est un petit recueil de trois nouvelles qui, lorsqu'elles
mettent Adamsberg aux prises avec des SDF, la gouaille et le détachement qu'on
leur connaît avec ce qui importe au reste du monde, donnent lieu à des joutes
désopilantes entre ces derniers et le foutu flicard qu'il reste à leur yeux.
Sur les bords de Seine, avec un Adamsberg au mieux de sa forme, j'ai oublié
pendant une heure les contraintes du confinement. Génial.
dimanche 12 avril 2020
La femme à venir ~~~~ Christian Bobin
Avec La femme à venir, Christian Bobin nous livre un texte chaotique comme il en a le secret, servi par le style qu'on lui connaît, fait de phrases très courtes qu'il scande, qu'il assène à la cadence d'une troupe en marche vers une destination qui pour le coup nous est difficile à entrevoir.
De la naissance de l'enfant à la naissance de l'amour, l'amour à l'épreuve de la vie. Encore faut-il le reconnaître, le mériter cet amour, celui qui permet d'accéder à "la douceur de la vie bienheureuse."
Pour une fois je n'ai pas été charmé par cette prose poétique qui m'a semblé trop martelée par son rythme entêtant.
jeudi 1 juin 2017
Plateau ~~~~ Franc Bouysse
De grands maux de notre société moderne se sont donné rendez-vous dans les pages de cet ouvrage. L'intensité dramatique pèse sur le lecteur dès les premiers chapitres. Dans ses étendues dépeuplées, le Plateau de Millevaches est devenu refuge de solitudes, cœurs brisés et autres dépités que le tourbillon citadin, dans sa centrifugation impitoyable, a expulsé de ses rangs.
Cory s'est extirpée des griffes de son compagnon tortionnaire et manipulateur.
Elle a échoué dans la caravane de Georges, orphelin du cru, qui ne croyait plus
en l'intérêt d'une vie désertée par la perspective d'une tendre complicité.
J'ai retrouvé dans ces pages les personnages rustres, au visage buriné par la
dureté de la vie paysanne, obsédés par la précarité de leur condition et
parfois hantés par des souvenirs inavouables, qui avaient animé l'intrigue de
Grossir le ciel. Ouvrage qui m'avait fait découvrir ce style d'écriture si
particulier de Franck Bouysse. Style qui participe, peut être plus que
l'histoire elle-même, à l'intérêt de ces deux seuls ouvrages que j'ai lus de sa
bibliographie
Ce deuxième bain dans pareil univers d'allusions suggestives m'a toutefois
confirmé dans mon opinion que la sophistication peut être un grand piège. À
trop vouloir faire vibrer la corde sensible par la métaphore tarabiscotée, on
peut verser dans l'artificiel et rater son objectif, perdre en naturel et en
spontanéité.
Un autre facteur dévastateur est à mon sens l'obligation que se fait l'auteur
d'inclure dans son texte des termes parfaitement inaccessibles au commun des
autodidactes besogneux dont je suis un pur spécimen. Cet aveu me vaudra
peut-être quelques sourires compatissants, mais avant d'esquisser le rictus
moqueur du lettré de haut-vol, essayez-vous aux exemples que je vous livre. Ils
ont mis Google à la peine pour en exhumer la définition des tréfonds de ses
bases de données mondiales. Cette pratique laisse imaginer que l'ouvrage a été
travaillé à grand renfort d'encyclopédies spécialisées ouvertes à côté de
l'écritoire : érythrocytes, sot-l'y-laisse, ampoule hottentote, fétuque, dipneuste.
Et j'en passe. Auxquels il faut ajouter le lexique de la flore du Plateau dont
on n'imagine pas qu'elle puisse faire partie du vocabulaire des simples (les
hommes, pas les plantes) qui survivent dans ces contrées de solitude. Ça sent
le défi que l'on se lance entre amis pour placer dans la conversation des
termes improbables. Cet exercice de culture au forceps m'a fait perdre en
intérêt pour un ouvrage qui n'en manque pourtant pas.
Sans rancune, Franck Bouysse, mais attention quand même à la sophistication.
Cela peut faire disparaître en chemin les lecteurs au vocabulaire SMS qui ont
pourtant trouvé de l'intérêt à tes ambiances terroir-polar. Il y a quand même
un fonds d'humanité ouverte aux grandes préoccupations de notre société :
mourir dans la dignité, femmes battues, gloire déchue, qui aiguillonne notre
sensibilité.
jeudi 4 août 2016
Une petite robe de fête ~~~~ Christian Bobin
Un livre de Bobin, c'est comme une compression de César. Ça
procède d'une intention insondable. Ça ne sert qu'à vous exalter ou au
contraire vous offusquer.
Il l'écrit lui-même : de cette lecture " vous ne retenez rien, ou juste
une phrase. Vous êtes comme un enfant à qui on montrerait un château et qui
n'en verrait qu'un détail, une herbe entre deux pierres, comme si le château
tenait sa vraie puissance du tremblement d'une herbe folle".
Un livre de Bobin ne raconte pas d'histoire. N'a ni intrigue, ni suspense. Ni
début ni fin. Ne répond à aucune question. Ne fait que vous interpeler, vous
interroger, vous déconcerter. De sa lecture vous ressortirez agacé ou
dithyrambique, mais pas indifférent. Mais de la gangue vous pourrez quand même
extraire quelques pépites.
"C'est quoi au juste prier. C'est faire silence. C'est s'éloigner de soi
dans le silence".
"Partout l'appel, partout l'impatience de la gloire d'être aimé, reconnu,
partout cette langueur de l'exil et cette faim d'une vraie demeure – les yeux
d'un autre".
"Un livre est grand par la grandeur du désespoir dont il procède, par
toute cette nuit qui pèse sur lui et le retient longtemps de naître".
C'est ça un livre de Bobin. C'est court. Ça vous laisse perplexe. On se dit
qu'on n'y retouchera plus. Puis on y revient.