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vendredi 6 décembre 2019

La femme de trente ans ~~~~ Honoré de Balzac

 



Ce fut bel et bien un coup de coeur. Julie était tombée sous le charme de l'officier portant beau dans son uniforme chamarré. La lune de miel n'aura pourtant pas duré longtemps. Les élans de celui qui sera devenu son mari feront dire à l'histoire que le coup de coeur ne fut qu'un coup de tête de la jeune écervelée, mais entêtée Julie, que son père n'aura su réprimer.

Cette entrée en matière donne à Balzac le champ pour se lancer dans une analyse sur les déboires et déconvenues de la vie matrimoniale, venus se substituer à tous les rêves insensés que peut nourrir le coeur tendre d'une jeune fille. Il nous dresse un tableau calamiteux de la noble institution du mariage sous le sceau de laquelle "l'homme a toutes les libertés et la femme tous les devoirs".

Un ouvrage qui fait s'étonner le lecteur quant au titre que Balzac a voulu lui donner, car il s'agit bien de suivre la malheureuse Julie d'Aiglemont sa vie durant, de sa prime jeunesse jusqu'à son dernier souffle. Mais il coupe court aux interrogations quand ce même lecteur découvre son engouement pour "ce bel âge de trente ans, sommité poétique de la vie des femmes" parvenues à ce stade où "elles connaissent tout le prix de l'amour et en jouissent avec la crainte de le perdre". Autour des trente ans, il n'est que frivolité inconséquente en amont, regret d'une jeunesse qui s'enfuit en aval. Comment ne pas y lire le secret fantasme d'un auteur prolixe pour ce qui est en ce siècle une majorité accomplie.

Et pour perdre Julie corps et bien dans son naufrage, sa déconvenue sur le mariage ne lui fera pas pour autant reporter son affection vers sa progéniture. A ses yeux les enfants qui naîtront de l'union avec son époux ne seront que des "enfants du devoir" et non ceux de l'amour, auxquels elle ne s'imposera pas en outre le devoir de leur consentir un amour maternel assidu. Ses échappatoires romanesques dans les bras de quelques amants touchés par sa beauté auront la même conclusion périssable. Femme, mère, épouse, la vie de Julie aura été un champ de ruines. C'est pourtant elle qui survécut à toute la famille.

Triste fresque que nous dépeint Balzac sur l'institution du mariage, contrainte par les codes moraux de la bonne société de l'époque. Ils ne laissaient que peu de latitude à la jeune épousée. On ne défait pas en ce temps un mariage qui n'a pas répondu aux aspirations légitimes. On le subit. Et la soumission étend son préjudice sur plusieurs générations quand les enfants n'y trouvent pas leur compte en termes d'affection. Les solitudes s'additionnent sans se compenser, les rancoeurs se multiplient sans s'abolir.

Si l'on n'est pas surpris dans un roman balzacien par les longueurs descriptives et l'interprétation des sentiments au travers de chaque geste ou attitude, on l'est plus par la structure de cet ouvrage qui agglomère ce qui aurait pu s'éditer en six nouvelles. On est encore plus déstabilisé par les alternances de rythme qu'il imprime à ce périple romanesque dans lequel certains passages nous versent sans transition des atermoiements du cœur à l'aventure la plus folle. Y compris quand il faut déchoir une fortune bien assise par des spéculations hasardeuses et jeter sa victime dans un exil américain. Le roman sentimental se fait roman d'aventure aux multiples rebondissements.

Une lecture en forme de goutte d'eau dans l'océan qu'a été la production littéraire de Balzac. Immense bibliographie qui a le mérite de nous dépeindre par le détail les mœurs de son temps. Un ouvrage qui est arrivé à point dans mon parcours de lecture pour compléter un de ces cycles historiques auquel je m'adonne parfois avec appétit. Je venais de refermer le siècle des lumières et l'Été des quatre rois (Charles X et consort) que j'avais beaucoup apprécié, au-delà des références historiques précises, par la qualité de sons écriture.


mercredi 29 juin 2016

Le Colonel Chabert ~~~~ Honoré de Balzac

 


Honoré de Balzac a trouvé le titre universel qui peut contenir tous les ouvrages de la création. Quels qu'ils soient, ils ne seront jamais que des actes de la Comédie humaine.

Je regardais mes compagnons de voyage dans le TGV qui me transportait vers Marseille. Qui à faire l'important en ouvrant son ordinateur, qui à faire l'importun en parlant fort, qui à lire son journal, et m'adressais à eux en moi-même : n'avez-vous pas le sentiment que ce qui vous occupe et vous distrait de l'essentiel n'est que futilité, qu'agitation dans la grande comédie humaine ? Jusqu'à ce que le grand rideau tombe sur cet acte qui vous donne la vedette.

Et moi donc ? Et bien figurez-vous qu'en ce moment même où vous êtes persuadé d'avoir le premier rôle, je suis en compagnie d'un certain Honoré de Balzac. Il me ravit de sa langue, de son imagination, de son humour parfois, de son humanisme toujours. Je suis avec le Colonel Chabert, vivant parmi les morts, mort parmi les vivants, et qui sacrifiera les importances de la vie terrestre à la tranquillité de son âme.

Marseille, déjà. Je n'ai pas vu le paysage.