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Ouvrages par genre
mardi 12 décembre 2023
vendredi 26 mai 2023
La société royale ~~~~ Robertt J. Lloyd
🌕 🌕 🌕 🌗 🌚
L'amateur de roman historique que je suis a été appâté par ce qu'on nous présente comme la premier roman Robert J. Lloyd. Il s'appuie sur l'œuvre de Robert Hooke, un scientifique anglais du XVIIème siècle qui dans cet ouvrage se trouve être le recours du roi Charles II (dynastie Stuart) afin de tenter d'élucider le mystère suscité par la mort de plusieurs jeunes enfants. Ils ont été retrouvés vidés de leur sang dans divers lieux isolés de Londres. C'est donc une forme de polar historique auquel nous convie cet auteur. Robert Hooke de la Société Royale y tient son rôle, quelque part extrapolé pour y devenir à la fois détective et médecin légiste. Il se laisse toutefois voler la vedette par son jeune assistant Henry Hunt lequel s'approprie la conduite de l'enquête. C'est en fait ce dernier qui la sort de l'enlisement.
L'écueil à éviter avec ce genre d'exercice serait celui de sombrer dans
l'anachronisme scientifique en déflorant des techniques d'analyse d'un temps
qui n'était pas le leur. L'impressionnante bibliographie qui a servi de base à
la construction de cet ouvrage nous prouve que Robert J. Llyod, si on ne
l'avait compris à la lecture de l'ouvrage, a étudié son sujet avec une
précision stupéfiante. La documentation est on ne peut plus fouillée.
Reste que la connaissance ne fait pas l'ouvrage, l'écriture doit être à la
hauteur. le style mis en œuvre par l'auteur est descriptif et pédagogique.
L'ouvrage souffre à mon sens pour le coup de quelques longueurs. Elles pourront
blaser les amateurs de rythme plus enlevé, habitués qu'ils sont désormais par
les productions modernes à la surenchère d'artifices, lesquels pallient souvent
un manque de créativité. La contrepartie étant la prise de distance avec la
vraisemblance des faits. Mais y attachons-nous beaucoup de crédit de nos jours
alors que le fantastique et le surréaliste accaparent les suffrages.
On se rend compte à l'avancée dans la lecture que l'atonie de style relève
justement a contrario de la tendance actuelle d'un souci de crédibilité. Elle
se veut le reflet des tâtonnements et atermoiements d'un personnage lui-même
dépassé par l'originalité de la mission qu'il s'est vu confier au seul motif
qu'il était un scientifique reconnu en son époque.
D'aucuns plus ouverts à la fresque historique salueront le souci de la
précision qui anime l'auteur dans la description tant des décors de l'intrigue
que de la psychologie des protagonistes foisonnant dans cet ouvrage. Autant de
personnages historiques qui rattachent l'intrigue à son contexte du moment. Une
intrigue qui est par elle-même bien imaginée et conduite avec justesse vers le
dénouement, lequel s'ébauche par petites touches.
Ce que le souci de vérité historique retire au captivant, les mœurs de l'époque
à l'humanisme aride le lui rendent bien. L'épouvante n'est pas loin quand il
s'agit d'évoquer la mort des enfants, surtout lorsqu'on en découvre le mode
opératoire et la justification.
C'est autant un roman d'imprégnation qu'un thriller qui cherche sa voie. J'ai
apprécié la justesse dans la restitution du contexte des péripéties :
l'indigence de la connaissance scientifique des contemporains de l'époque
choisie, l'influence prépondérante de la religion, les cloisons étanches entre
les couches sociales, le caractère expéditif de la justice dans la main des
puissants. Autant de données historiques fort bien rendues qui soulignent le
souci de l'auteur de ne pas échouer dans son transport dans le temps. Tout cela
fait que le résultat est une forme de polar historique supporté par une
intrigue intéressante mais dont le style manque quelque peu de saveur.
samedi 25 février 2023
La chambre des diablesses ~~~~ Isabelle Duquesnoy
mardi 8 mars 2022
Les foulards rouges ~~~~ Frédéric H. Fajardies
Le roman historique, pour autant qu'il soit crédible dans sa restitution du contexte dans lequel il incorpore son intrigue, est une façon d'aborder l'histoire de manière moins scolaire. La fiction servant de liant aux faits historiques qu'elle agglomère pour forger son intrigue.
Les
foulards rouges de Frédéric H.
Fajardie nous implique dans une page de l'histoire qui fit en son
temps douter de la longévité du règne du dauphin devenu roi à l'âge de cinq
ans. Il fut au final le règne le plus long de notre histoire. Sous la
gouvernance de la régente Anne d'Autriche sa mère et de l'homme fort du
royaume, le cardinal Mazarin, Louis XIV commençait son règne en un royaume
alors englué dans la plus grande confusion. Ce trouble est resté dans
l'histoire sous le vocable de Fronde. Terme qui dissimulait mal une guerre
civile larvée.
Et si l'histoire pouvait manquer de gloire et rengaine d'amour, le roman de
Fajardie l'en augmente à satiété. Au point de forcer le trait à couvrir de
renommée un héros devenu sous sa plume invincible, le comte de Nissac, tout
empanaché de rouge et de blanc sur son fidèle destrier noir, héros confondu
d'amour pour la plus belle femme de la capitale, il va de soi. Au point
d'outrepasser la barrière de la condition, le comte succombant aux charmes
d'une roturière. Et fort de cette passion irrépressible, la plus fine lame du
pays se bat à un contre multitude sans jamais faillir, se réclamant du service
du cardinal, se stimulant de son sentiment tout neuf.
La guerre étant la continuation de la politique par d'autres moyens selon Clausewitz,
si péripéties politiques et guerrières ne suffisaient pas à sublimer notre
héros, Fajardie l'implique dans une énigme policière lorsque ce qu'on appellera
plus tard un psychopathe tueur en série s'ingénie à écorcher vives de jolies
femmes. En exutoire sans doute à de vieilles frustrations lesquelles renvoient
comme souvent à une enfance lésée en son quota minimal d'amour pour construire
la personne. La dénonciation sera délicate, le tueur est de haute naissance.
Gageons qu'en ces temps de privilèges dans une société très cloisonnée la
justice n'y trouve pas tout à fait son compte.
Notre héros invincible, suffisamment pourvu en cicatrices de guerre attestant
de sa bravoure, s'entoure d'acolytes à la Vidocq, rescapés de justesse des
rigueurs des galères, formant une équipée improbable et crainte comme le diable
sous l'anonymat de son foulard rouge. Equipée laquelle intervient avec le plus
grand succès aux faveurs du premier ministre cardinal pour que vive ce roi
naissant à l'histoire. Un roi qui restera dans nos manuels affublé de l'astre
solaire en qualificatif.
A une époque où l'on chevauchait sus à l'ennemi en dentelle, se battait en duel
en faisant des phrases apprêtées, ennoblies de force passés du subjonctif,
c'est la restitution de cette langue sophistiquée, au point d'en devenir
précieuse dans la bouche des « bien-nés », qui donne sa saveur à cet ouvrage.
La langue d'époque mise en oeuvre dans cet ouvrage ne souffre d'aucun
anachronisme de langage. Elle nous rappelle à une grammaire que notre temps
oublieux de ses racines martyrise à souhait, la sacrifiant sur l'autel de
l'audimat à grand renfort d'onomatopées et anglicismes dont les locuteurs
modernes impénitents ignorent jusqu'au sens premier.
S'il ne cautionne pas le scenario d'un super héros échappant toutes les
chausse-trappes que ses ennemis lui placent sous ses pas, l'amateur d'histoire
sera quand même comblé par cet ouvrage pour ce qu'il semble fidèle aux faits
historiques que sa mémoire aura sauvegardés de ses lointaines universités.
Bonne mise en situation en ces temps d'ancien régime servie par une belle
langue, en contrepoids d'une fiction un peu trop édulcorée. Mais le rythme est
enlevé et l'ouvrage n'est pas pesant à lire.
jeudi 6 janvier 2022
Les graciées ~~~~ Kiran Millwood Hargrave
On pourrait dire que ce roman historique de Kiran
Millwood Hargrave nous conte une histoire de sorcières. Mais ce serait prendre le
parti de ceux qui, en qualifiant ainsi les femmes qu’ils voulaient éliminer,
exerçaient l’abus de pouvoir que leur autorisait leurs position et statut.
Au XVIIème siècle la puissance était apanage d’une église qui n’admettait ni concurrence ni contradiction. Qualifier de sorcellerie et condamner pour ce motif était le moyen le plus sûr et le plus expéditif pour se débarrasser de celles et ceux qui ne se rangeaient pas sur ses bancs. L’église ayant pris la précaution de gagner le pouvoir temporel à sa cause pour en faire son bras armé. Une manière aussi de se disculper de la violence induite par sa volonté de conquérir le monopole de la gouvernance des consciences.
Cet ouvrage tient son intrigue à l’extrême nord de la Norvège, en pays lapon. En une contrée où un peuple rude vit de l’élevage du renne et n’a que faire d’un dieu voulant s’imposer dans son environnement inhospitalier. Mais c’est oublier la pugnacité des prêcheurs de ce dieu. Un dieu qui n’admet pas que des êtres, ne se connaissant pas d’âme, puissent diriger leurs dévotions vers les esprits d’une Nature qui commande à leur vie. C’est ainsi qu’Abaslom Cornet, venu de la lointaine écosse où son roi Jacques IV a rédigé un traité de démonologie, se mets en demeure de faire rejoindre le troupeau du Seigneur à ces brebis égarées. Les récalcitrants auront tôt fait d’être éradiqués. Il suffit de les taxer de sorcellerie, avec le sort qui s’attache à pareil engeance.
La technique est rodée. Il n’y a rien à prouver. Les dénonciations suffisent. Les rancœurs et jalousie fleurissent aussi bien dans les steppes glaciaires que partout sur cette vieille terre. Une chose et son contraire feront ensuite très bien l’affaire pour convaincre l’accusé du tort dont on veut l’affubler. Il n’est que de lire l’une des méthodes de persuasion pour le confirmer : l’accusé est précipité dans la mer glacée. S’il se noie il est innocent. S’il en réchappe, c’est que le diable est venu à son secours, il est donc coupable. Il se réchauffera sur le bûcher. L’alternative est engageante.
Cet inquisiteur des terres septentrionales a convolé en justes noces quelques jours avant de prendre son poste en ces terres inhospitalières. Son épouse ne tarde pas à découvrir le monstre qui partage sa couche et pour lequel elle éprouve vite de la répulsion. Celle-ci prend fait et cause pour une villageoise du cru, qui de servante est devenue sa confidente et avec laquelle elle bâtit une relation dont la spontanéité et la sincérité lui font connaître un sentiment absent de sa vie conjugale. Avec toute la prudence que le contexte historique et sociologique imposait aux femmes en particulier en ces temps d’obscurantisme.
L’intrigue monte très progressivement en intensité dramatique et impose aux sentiments une longue maturation avant de se déclarer dans leur complète ferveur. Kiran a su restituer l’austérité du siècle et du milieu au point de gagner son lecteur à l’atmosphère d’indigence et de peur qui pouvait régner sous ces latitudes et sous la férule d’une église conquérante. L’ouvrage peut même parfois en devenir rebutant, présenter des longueurs notamment en ses premières parties. Mais cela reste un bon roman dont le contexte historique est rehaussé par cette relation singulière et touchante qui s’établit entre deux femmes dans une atmosphère glaciale et tendue. J’ai trouvé toutefois que le style souffrait d’une traduction trop moderne, ôtant de la patine au texte, sauf à ce que la version originale l’impose bien entendu. Les dialogues sont intégrés au texte et manque d’évidence à la lecture, il faut être attentifs aux guillemets pour ne rien manquer des échanges.
Un ouvrage qui met aussi l’accent sur la condition féminine quand le mâle dominant veillait au grain pour ne rien perdre de ses prérogatives. Un roman que j’ai rapproché d’une lecture précédente, Les sorcières de Pendle de Stacey Hall qui abordait le même thème dans l’Angleterre de Jacques 1er. (Jacques IV d’Ecosse était devenu roi d’Angleterre sous le nom de Jacques 1er).
mercredi 8 décembre 2021
Les sorcières de Pendle ~~~~ Stacey Halls
Ce roman m’a remis en mémoire l’excellent ouvrage de Yannick Grannec : Les simples. Tous deux ont inscrit leur intrigue en un 16ème siècle où la guérison d’un malade tenait du miracle. Miracle dont la religion officielle ne voulait surtout pas se faire voler le bénéfice par quelque savoir empirique concurrent de la croyance imposée. Un guérisseur par les plantes avait tôt fait d’être qualifié de sorcier si d’aventure sa science remettait sur pieds un malade dont la toute puissante institution avait déjà fait un client au jugement dernier. Et bien entendu, cette qualification avait d’autant plus de chance d’être retenue si le guérisseur était une guérisseuse. Haro sur la sorcière.
« Etes-vous comme le roi, à penser que toutes les guérisseuses et les sages-femmes exécutent l’œuvre du diable ? ». Le roi en question c’est Jacques 1er d’Angleterre- conjointement 4ème du nom en Ecosse. Il avait fait de la chasse aux sorcières une obsession, y compris en écrivant un traité de démonologie lequel laissait aux accusées bien peu de chance d’échapper à la vindicte royale, sous légitimation de volonté divine bien évidemment. Le drame étant que pour être accusée point n’était besoin de preuve. Une simple dénonciation suffisait et peu importe si celle-ci était dictée par quelque rancœur ou jalousie.
A l’instar de celui de Yannick Grannec, on retrouve dans
cet ouvrage des femmes douées de la connaissance des plantes - l’écorce de
saule notamment dont on sait qu’elle sera à la base de l’aspirine quelques
siècles plus tard. Ce pouvoir donné à des femmes est aux yeux de la gent masculine
une source de suspicion quant à une velléité d’émergence de la condition dans laquelle
elles sont entretenues. Condition qui s’apparente à celle du bétail selon l’héroïne
de cet ouvrage, faisant référence au rôle qui les cantonnait à la reproduction
de l’espèce. Chaque naissance suscitant au passage l’espérance d’une descendance
mâle, au point de faire dire à l’héroïne des Sorcières de Pendle : « Je
ne souhaite de fille à personne ».
On aura compris que ce roman est aussi et surtout un roman féministe. Fleetwood Shuttleworth, l’héroïne de cet ouvrage se bat pour extirper des griffes d’une justice aux ordres, arbitraire et expéditive des femmes accusées de sorcellerie, dont sa propre sage-femme. Mais le propos est plus général quant à la condition de la femme. Stacey Halls se joint à sa compatriote Virginia Woolf (*) pour regretter, du fait de ce statut avilissant « d’objet décoratif » dont elles sont affublées dans la société contemporaine de Shakespeare, de savoir ses consœurs avoir été empêchées d’écrire. Stacey Halls participe au rattrapage avec bonheur avec cet ouvrage.
Les sorcières de Pendle est ouvrage intéressant, fondé
sur des faits historiques. J’ai regretté toutefois le vocabulaire et les
tournures syntaxiques quelque peu anachroniques qui ôte à cet ouvrage une part
de sa teinte séculaire. Stacy Halls a toutefois le mérite d’avoir défendu avec
ferveur la mémoire de ces pauvres femmes sans produire une diatribe enflammée
contre une misogynie institutionnalisée. On ne refait pas l’histoire avec des
colères rétrospectives. Mais on peut en tirer des enseignements …
Même si l’eau qui a coulé sous les ponts depuis Jacques 1er n’a pas encore lavé toute l’avanie d’un rapport de force déséquilibré, les sorcières modernes ont aujourd’hui pignon sur rue. Mais un maléfice ne pouvant être annulé que par celui qui l’a infligé, il reste encore du travail pour que le mâle concède le rééquilibrage des genres. Si l’on en croit ce qu’on nous assène régulièrement à nous qui nous accrochons à notre piédestal.
(*) Une chambre à soi – Virginia Woolf
dimanche 20 septembre 2020
La caravane du Pape ~~~~ Hélène Bonafous-Murat
Imagine-t-on de nos jours ce que pouvait être la traversée
des Alpes pour une caravane à dos de mulets au 17ème siècle quand routes et
pistes n'existaient pas, qu'en outre les dangers de la montagne pourtant
redoutables étaient loin d'être les seuls à mettre l'entreprise en péril ?
Certes non. Hélène
Bonafous-Murat nous le fait entrevoir dans ce roman historique aux
allures d'épopée.
Rien ne lui sera épargné à cette caravane : intempéries,
incendie, trahison, vol, attaques de pillards, rivalités confessionnelles,
disette, enlèvement des femmes du convoi à fin de servilité sexuelle, autant
d'infortunes qui émailleront son périple conduit par la volonté d'un seul homme
: Leone Allacci. Animé d'une foi à toute épreuve, d'une autorité inflexible et
opiniâtre, il était tout désigné pour mener à bien la mission divine reçue de
la bouche du pape Grégoire XV: extraire du Palatinat du Rhin, contrée autrefois
gagnée à l'hérésie et reconquise par la Ligue catholique, et ramener en lieu
sûr, à Rome, une bibliothèque connue pour être une des plus riches d'Europe.
Elle comportait aux yeux de la papauté des ouvrages d'une valeur inestimable,
tant civile que religieuse, dont l'évangéliaire de Lorsch écrit vers 810 à la
cour de Charlemagne.
Leone Allacci n'était résolument pas un homme comme les
autres. Galvanisé par une foi dévote chevillée à l'âme, un dévouement sans
faille à l'Église de Rome, il n'avait de passion que pour les livres. Pourtant
lorsque la jeune Lotte, au charme discret mais entêtant, témoigne de l'intérêt
pour la lecture et devient son élève, point en son for intérieur une douleur jusque-là
ignorée de lui. Une douleur qui embrase son corps et obsède son esprit.
Tiraillé entre l'appel des sens et la chasteté qu'il s'était imposée en règle
de vie, il perçoit ce combat comme une mise à l'épreuve supplémentaire que lui
inflige ce dieu qu'il avait choisi en optant pour la foi catholique. L'épreuve
tourne à la torture lorsqu'il voit sa protégée s'éprendre du beau capitaine
lequel assure la sécurité de leur expédition. La jalousie est un sentiment
nouveau dont il peine à s'émanciper.
Gagné à la panique de voir son élève lui échapper et à la
crainte de la voir faire de l'ombre au maître qu'il avait été pour elle, Leone
Allacci se reprochera cet engouement pour celle qu'il perçoit alors comme
l'instrument du démon : "N'avais-je pas cependant commis une erreur,
oubliant qu'elle n'était qu'une femme, en conséquence gouvernée, non par la
raison, mais par ses sens ?" Et l'auteure d'ouvrir à juste raison l'esprit
de son lecteur, en thème corollaire à celui de la sauvegarde de la fameuse
bibliothèque, sur le sort trop longtemps réservé à ses congénères du beau sexe
en ces temps d'obscurantisme tant religieux que discriminatoire sexiste.
La gageure avec ce genre littéraire est de ne pas faire de
l'intrigue prétexte à se glorifier d'une érudition poudre aux yeux. Hélène
Bonafous-Murat évite l'écueil. Quand elle fait du narrateur de ce
récit un contemporain des faits qu'il rapporte, elle sait lui faire tenir le
vocabulaire, les idiomes et les tournures syntaxiques de l'époque et éviter les
anachronismes de langage. le style devient alors garant de crédibilité. Les références
historiques en tous domaines, dont mythologiques et bibliques dans pareil
ouvrage, témoignent aussi de l'imprégnation et de l'érudition de son auteure.
Elle nous livre un très bel ouvrage qui établit son éclectisme d'écriture.
N'est-elle pas l'auteure de polars contemporains - Avancez
masqués, Morsures entre
autres, qui m'ont fait faire connaissance avec son écriture - même si ces
derniers ne sont pas dénués de références historiques.
Aux portes de la mort, Leone Allacci évoque cet épisode de
sa jeunesse qu'il avait gardé en mémoire, en étalon de la souffrance quand
d'autres épreuves étaient venues mettre sa vie en difficulté et sa foi à
l'épreuve. Avec le souvenir de Lotte en repoussoir des appels du corps qu'il savait
dans la main du Malin.
Cette aventure tirée de faits réels, nous dit l'auteure en
note finale, assura la postérité d'ouvrages exceptionnels qui existent encore
de nos jours. Elle s'inscrit à la gloire de l'érudition quand cette dernière
est perspective pour changer la face du monde. Même si l'obscurantisme
religieux de l'église catholique de l'époque imaginait en arrière-pensée ce
changement à son profit, soutenu par un prosélytisme outrancier que lui
commandait son monopole sur la direction des consciences, qui plus est lorsque
ce monopole était mis à mal par la montée de fois concurrentes.
Superbe ouvrage qui vaut tant par le récit de l'aventure
humaine, surhumaine serait-on tenter d'enchérir, que pour l'insertion de
celle-ci dans un contexte historico religieux savamment documenté.