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Hérétique : qui professe ou soutient des opinions
contraires à celles qui sont généralement considérées comme vraies ou justes
dans un groupe déterminé, nous dit le dictionnaire. Pour ce qui est de
l'histoire des Cathares, le groupe déterminé c'est celui de l'église catholique
apostolique et romaine. Cette dernière fondant sa légitimité sur le service
d'un dieu qui brille par son absence de manifestations. La porte est alors
grande ouverte pour parler à sa place et dire en Son nom ce qui est juste et
vrai. Et il y a grande chance pour que ce juste et ce vrai servent les intérêts
de qui le décrète. En Son nom bien entendu. Alibi suprême.
Aussi lorsque les Cathares se rendent compte que les dignitaires de cette
église ne s'appliquent pas à eux-mêmes les valeurs de pauvreté et de chasteté
dont ils ont la bouche pleine, qu'ils foulent au pied le fondement de leur
religion, les fameux dix commandements, alors ces pauvres Bonshommes tels
qu'ils se qualifient et leurs prêcheurs les Parfaits se mettent à contester ce
juste et ce vrai dictés par une église à la corruption tellement sure de son
fait qu'elle ne se dissimule pas. Église corrompue mais toute puissante. Elle
mettra alors sa puissance et sa détermination à réduire au silence avec une
cruauté inouïe ceux qui veulent faire valoir ses écarts avec la vraie parole du
Christ, dont elle se légitime justement. Elle fera de même avec les Vaudois
trois siècles plus tard en Provence.
Lire l'histoire des Cathares est toujours saisissant. Saisissement d'effroi
avant tout à l'égard du sort réservé aux pauvres bougres qui avaient trouvé en
leur nouvelle église la sincérité du discours et le secours spirituel attendu
face à la rudesse de leur vie. Dans la quête du salut puisque tout est là. Ils
ne voulaient ni plus ni moins que revenir à la parole première du Christ et
appliquer Ses préceptes, que l'église Rome avait pervertis à son profit. Mais
saisissement d'indignation aussi vis-à-vis de cette église, devenue
l'officielle de Rome, au constat du comportement de ceux qui s'en était
approprié les postes, arrogé le pouvoir, prêchant une chose et faisant son
contraire, défendant ses privilèges avec une férocité assassine qui dépasse
l'imagination. Dans l'amour de son prochain bien entendu. Au nom d'un dieu à
qui elle fait dire ce qu'elle veut puisque la seule chose incontestable qu'on
puisse attribuer au grand ordonnateur des choses de ce monde depuis qu'on
l'invoque en tout et pour tout, c'est bien son silence.
L'ouvrage d'Olivier Taveau a comblé mes attentes en cela qu'il se réfère à
des faits historiques objectivement admis et qu'en note finale de remerciement
il y associe avec une ironie mordante cette église catholique apostolique et
romaine, dénonçant ce qu'elle a sur la conscience depuis qu'elle détient le
monopole dans la gouvernance des consciences, jusqu'à nos jours avec la
protection consentie aux prêtres pédophiles. Monopole qu'elle aurait bien voulu
voir perdurer si l'ouverture des esprits n'était pas venue lui apporter la
contradiction et dénoncer tous ses crimes perpétrés au nom d'une foi, fondant
une croyance à partir de laquelle s'est construite une religion exploitant le
fabuleux commerce ouvert par la faiblesse de l'homme confronté à sa finitude.
Si toutes les religions se revendiquant d'un seul dieu, servies ou non par une
église, ont une caractéristique commune c'est bien celle de l'intolérance
vis-à-vis de toute velléité de concurrence. Se contredisant elles-mêmes en ce
qu'elles prêchent l'amour de son prochain. J'espère qu'Olivier Taveau qui
nous dresse, sur le modèle de la triste histoire des Cathares, une juste et
violente diatribe contre l'église apostolique et romaine en a autant pour les
autres religions se prévalant comme il se doit d'amour et de paix, et qui de
tous temps ont été les premières à promouvoir la guerre.
Ce n'est pas Metin Arditi qui le contredira lorsqu'il fait dire
à L'homme qui peignait les âmes : « On lui avait appris à respecter
la Loi des Juifs et à se méfier de toutes les autres. Alors il lui répondit du
mieux qu'il put, essayant de lui faire entrevoir les beautés qu'à ce jour on
lui avait interdites :
- Notre religion dit la Loi. J'ai beau l'avoir abandonnée, sa rigueur et sa
majesté m'impressionnent. La vie du Christ m'enseigne la charité, et l'Islam me
rappelle l'importance de l'humilité et de la soumission. Pourquoi devrais-je
refuser l'hospitalité de l'une de ces Maisons en faveur d'une autre ? Ce serait
dédaigner chaque fois une grande richesse. Là serait la vraie folie. »