Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

lundi 25 juin 2018

Les énigmes d'Aurel le Consul, tome 1 : Le suspendu de Conakry ~~~~ Jean-Christophe Rufin


 

D'origine roumaine, Aurel Timescu nous expliquera lui-même comment il a pu devenir consul de France en Guinée Conakry. Mélomane à ses heures, ses accoutrements et comportements le singularisent parmi la communauté française en terre africaine. Ce modeste fonctionnaire du Ministère des affaires étrangères serait resté dans l'ombre de ses compatriotes expatriés si sa perspicacité ne l'avait poussé à sortir de sa réserve lorsque l'un d'entre eux est assassiné sur son bateau dans la marina de Conakry.

Aurel s'improvise alors enquêteur, à la manière de ce célèbre détective de série américaine endossant la même gabardine et dont la curiosité insatiable lui fait poser les bonnes questions. La similitude ne s'arrête pas là lorsqu'Aurel, peu imbu de sa personne, circule dans un véhicule qui ne témoigne pas de son statut.

On connaissait l'historien, l'observateur des civilisations, on découvre Jean-Christophe Rufin auteur de polar. Il a placé son intrigue dans un contexte qu'il connaît bien pour avoir été diplomate en Afrique de l'ouest. Cela se retrouve dans cet ouvrage très couleur locale qui respire l'authenticité. Une intrigue bien construite et un style toujours aussi limpide et efficace font du Suspendu de Conakry un roman tout public fort plaisant.


lundi 18 juin 2018

Pays de neige ~~~~ Yasunari Kawabata

 


Les saisons s'imposent encore en Pays de neige, quand elles s'effacent dans le rythme trépidant des grandes métropoles nippones qui ont repoussé la nature au-delà de leurs banlieues surpeuplées. Shimamura vient en Pays de neige renouer avec la tradition, laquelle comporte ce rapport quasi mystique à la nature, l'implication de l'art dans toutes ses disciplines. Laquelle implique aussi les geishas: dames de compagnie au rôle ambigu supposées perpétuer le raffinement d'une culture millénaire très codifiée. Rôle que la culture occidentale apprécie mal dans son féminisme triomphant, le jugeant suranné ou dégradant pour la femme, voire les deux à la fois.

Dans les mêmes élans de volupté, le regard de Yasunari Kawabata oscille entre pittoresque du paysage et sensualité du corps de la femme. La nature est femme, la femme est nature, les mêlant parfois l'une à l'autre dans des métaphores à la poésie langoureuse. L'esthétique du texte dissimule habilement la teneur réelle de la relation entre cet homme d'affaires venu de Tokyo et Komako, la geisha. Beauté juvénile au visage poudré à l'égard de qui l'émotion se prolonge pour devenir sentiment. En pure offense au rituel coutumier.

"Beauté mélancolique, univers délicieusement morose", délicatesse, frôlement, frisson, les allusions nourrissent le phantasme. Tout est suggestion dans les sages conversations entre ces personnages aux gestes empruntés, drapés du lourd kimono traditionnel. Il n'y a que les frimas du Pays de neige pour venir lacérer les ambiances feutrées et rappeler au lecteur que la nature n'est pas que douceur. A l'instar de la vie des hommes.

 Télescopage des époques entre patine de la tradition rassurante et le glacé de la modernité, plus angoissant.


mercredi 13 juin 2018

Un homme ~~~~ Philip Roth

 



Voilà un ouvrage qui réduit la personne humaine à ce qu'elle serait sans le secours de la philosophie ou de la religion : ni plus ni moins que la locataire d'un corps avec un bail à durée déterminée.

Reste l'amour de son entourage pour supporter les affres de la vieillesse. Encore faut-il que le sujet vieillissant n'ait pas consacré sa vie à creuser le fossé de la discorde. C'est ce qui arrive à cet homme dont on ne connaîtra pas le nom et qui, le grand âge venu, prend la mesure du désert affectif qu'il a cultivé. Séparé de trois épouses, fâché avec ses fils, ne lui reste que l'attachement de sa fille. Il ne lui est toutefois pas du réconfort souhaité. Il le sait plus commandé par le devoir filial que par véritable amour. Aussi quand le corps se rappelle à la personne par ses maux, la solitude est d'autant plus corrosive.

Un homme est un roman peu réjouissant. C'est le style de l'auteur et son analyse des caractères qui entretiennent l'intérêt du lecteur. Cette écriture claire et simple m'encouragera à poursuivre ma découverte de l'auteur récemment disparu. Il faudra toutefois que le prochain ouvrage me plonge dans une atmosphère moins déprimante. J'espère que ce spleen affiché dès les premières pages autour du cercueil de l'homme n'est pas une constante chez cet auteur.