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samedi 3 octobre 2020

Les simples ~~~~ Yannick Grannec

 



Les plantes médicinales sont un prétexte en arrière-plan. Les simples de Yannick Grannec n'a rien d'un traité de botanique. Même si c'est bougrement bien documenté. C'est à n'en pas douter son écriture qui transporte le lecteur dans cet ouvrage. Cette écriture, elle est savoureuse, intelligente, piquante à souhait. Comme on l'aime quand il s'agit de brocarder qui mérite de l'être.

Que ce soit l'humaine nature dans ses défauts, d'autant plus grands lorsqu'elle a recours aux expédients de la religion pour combler les lacunes de son ignorance, sa peur de l'inconnu. Tout s'explique en Dieu, Satan et consort. Que ce soient les institutions lorsque la corruption en a contaminé les commis et fait d'eux les suppôts d'un démon qui a pour nom cupidité. Que ce soit la gent masculine quand elle a libéré sa semence et attribue à l'autre sexe la responsabilité de la tentation charnelle. Que ce soit la société quand elle hiérarchise les individus sur la base de leur seule naissance.

Yannick Grannec sait bien jeter à la face de tous les empuantis de vices les mots qui diront leurs quatre vérités. Elle sait bien leur concocter baume, onguent, potion, élixir et autre cordial et prescrire remède à leurs mauvais penchants. Cet ouvrage est un modèle de subtilité pour dénoncer avec les discernement et précaution de rigueur la perversion de l'esprit lorsqu'il a gagné en pouvoir, perdu en humanité.

Le verbe est moyenâgeux, autant qu'il sied au contexte. La gouaille est populaire autant qu'il faut appeler un chat par son nom. le discours se fait plus châtié quand le prétentieux se prévaut sa bonne extraction. le ton est sarcastique quand le puissant affiche son ascendant sur le gueux avec le mépris qui convient à l'adresse de l'affamé qui le restera toute sa vie du fait de sa seule naissance. L'humour est jubilatoire quand il faut souligner l'hypocrisie de ceux qui professent la vertu, se gardant bien de s'en appliquer les rigueurs. Il devient grinçant quand "les corbeaux et les serpents s'acoquinent" pour rendre non pas la justice mais leur justice.

En ce temps là, la science avait chaussé les semelles de plomb de la religion. L'Eglise, omnisciente et omnipotente, poursuivait de sa vindicte brûlante qui s'avisait de s'écarter de la vraie foi. Elle taxait volontiers d'hérésie qui se proposait de soulager les maux avec les simples, se substituant selon elle au pouvoir divin. Et l'évêque qui briguait quelque profit en lorgnant du côté de l'abbaye, la voyant prospérer de sa science empirique, accumulée depuis des siècles d'observation, se fait prendre la main. La machine s'emballe. L'inquisiteur, cet illuminé, ce fourbe, entre en scène. Et l'Eglise affichant son horreur du sang, par charité chrétienne sans doute, s'abrite derrière le temporel pour lui laisser mener à bien la question. Il n'y aura plus de gagnant.

Bien sûr les simples peinaient à aider les nourrissons à surmonter le traumatisme de la naissance, les femmes à ne pas mourir en couches, mais en ces temps d'obscurantisme ils étaient ce que la nature offrait de compensation à sa rudesse. A côté de chaque poison prospère son antidote. Sœur Clémence savait distinguer l'un de l'autre. Sœur Clémence s'est substituée au Seul qui a le pouvoir de guérir, Celui qui n'a jamais donné aucun signe et qui par son silence a laissé libre cours à toutes les appropriations, aux plus folles interprétations de ses paroles transcrites dans la Livre.
Qui l'a écrit ce Livre d'ailleurs ? "Les hommes, greffiers de leurs seuls désirs."

Superbe ouvrage. Superbe écriture. Bonheur de lecture.