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Les paléoanthropologues ont établi que l'homme de
Neandertal pouvait parler. Jean M. Auel évoque la particularité qui
donne cette capacité vocale : un os rattaché à aucun autre et que les
scientifiques appellent l'os hyoïde.
Mais si le scientifique peut se prononcer sur les caractéristiques physiques de
la fonction vocale, peut-il le faire sur le niveau de discours, de conception
et d'expression des sentiments que pouvaient mettre en œuvre les représentants
de l'espèce à l'époque où Jean M. Auel situe son intrigue, il y a 35
000 ans ?
L'auteure franchit le pas. Elle attribue à ses personnages une capacité à
émouvoir par la parole et par le geste. Une capacité qui semble cependant plus
proche de la psychologie contemporaine que celle du chasseur-cueilleur,
locataire des cavernes, dont on sait que le sang ne lui faisait pas peur tant
il faisait partie de son quotidien. On n'oubliera que pour crocs et griffes
acérés qui abondaient dans son environnement il était autant gibier que le bœuf
musqué, l'antilope saïga et autre mégacéros.
Jean-Philippe Rigaud, Directeur du centre national de préhistoire à l'époque de
la parution de la saga Les enfants de la terre, affirme en préface du premier
tome avoir été favorablement impressionné par le réalisme archéologique de cet
ouvrage et par voie de cause à effet des connaissances de son auteure. Il
cautionne donc la parution et le contenu de cette ouvre qu'on ne présente plus
au point de surfer sur le succès de la saga et écrire lui-même le monde
des enfants de la terre, sous-titré Comment vivaient les héros de la saga
de Jean M. Auel.
La grande question évoquée par Jean M. Auel, à laquelle les
paléoanthropologues s'accordent désormais à donner une réponse positive étant
de savoir si l'homme de Neandertal et Homo Sapiens se sont croisés. Jean
M. Auel fonde son intrigue sur cette certitude. Son héroïne, de la
dernière espèce, Ayla, isolée de son clan à la suite d'un tremblement de terre
est recueillie et adoptée par un clan néanderthalien. Elle y est jugée d'une
grande laideur du fait de sa différence physique, en particulier son front
plat, la blondeur de ses cheveux, la finesse de ses traits, autant de critères
qui nous sont aujourd'hui de beauté. Les néanderthaliens ayant quant à eux des
traits forcément plus frustes.
Michael Chapman a tiré un film de cette saga en 1986. le rôle de Ayla est tenu
par Daryl Christine Hannah dont le caractère préhistorique des traits du visage
réside uniquement en un savant désordre de la chevelure. Son personnage destiné
à remplir les salles obscures nous ferait croire qu'il y a 35 000 ans les
salons d'esthétique et de manucure existaient déjà. J'ai bien peur que cet
anachronisme d'apparence soit la logique mise en image du même décalage dans le
temps de ce qu'on peut lire chez Jean M. Auel au point de vue des
comportements, que la psychologie américaine l'ait entaché des prémices d'un
féminisme et de cette mièvrerie qu'on lui connaît bien lorsqu'elle veut tirer
la larme à son auditoire. « Maamaan, Maamaan » criait le petit Durc qui voyait
sa mère l'abandonner, chassée qu'elle était du clan néandertalien par le
nouveau chef lequel n'avait jamais admis sa différence, jamais admis qu'elle
puise le surpasser à la chasse à la fronde.
Je sais que dans les nombreux tomes qui vont donner suite à cette entrée en
matière que je viens de lire elle va trouver l'amour avec le beau Jondalar.
Même si j'ai confiance en la capacité de Jean M. Auel à restituer les
savoir-faire techniques et le mode de vie en vigueur à l'époque, j'avoue ne pas
avoir le goût de me frotter aux milliers de pages que comporte cette fiction
préhistorique édulcorée à la sauce anglo-saxonne dont on n'oubliera pas qu'elle
doit plaire à un lectorat formaté par les séries dégoulinantes de
sentimentalisme. J'en resterai donc au premier tome.