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Ce premier opus de la trilogie Les dents noires me
donne-il le goût de lire les autres ? A cette question je réponds d'emblée que
je viens de faire l'acquisition du second. Je complète ce préambule en
précisant que j'ai des affinités avec l'histoire. Avec un grand H quand elle
relate les faits communément admis par les spécialistes. Avec un petit h quand
elle comble les lacunes de l'historiographie par une intrigue plausible. Le
talent résidant en la faculté d'inclure cette intrigue dans les faits avérés.
Cet ouvrage peut se lire comme une roman tout court mais, pour fixer les
esprits, s'il est une date que le plus grand nombre a retenu, c'est bien 1515.
Avec Les dents noires nous remontons en effet en ce début du règne de François
1er qui connaît la naissance de l'imprimerie. De tout temps les inventions ont
eu leurs détracteurs. Des nostalgiques bien sûr de voir la machine remplacer la
main de l'homme. Plus souvent des craintifs de voir leur propre commerce
construit sur les méthodes ancestrales s'effondrer avec la survenance des
techniques nouvelles. Mais pas seulement.
L'invention de l'imprimerie c'est aussi l'accession d'un plus grand nombre à la
connaissance. C'est l'assurance de voir s'éclaircir l'obscurantisme savamment
entretenus par ceux, au premier rang desquels les membres du clergé, dont le
pouvoir reposait sur l'ignorance des masses. Les auteurs de cette trilogie font
bien ressortir cet aspect.
Mais un roman historique, c'est avant tout un roman de la vie des hommes et des
femmes dans le contexte d'une période choisie. Vie des hommes avec leurs joies,
si peu nombreuses, et leurs peines d'autant plus abondantes que les temps
étaient rudes. Heliane Bernard et Christian-Alexandre
Faure nous adressent un ouvrage bien écrit et bien construit, avec des
chapitres nommés et numérotés dont les titres et sous-titres nous avertissent
des faits à venir. Un ouvrage dont la pédagogie ne nuit pas à l'intrigue. On y
apprend par exemple, entre autres nombreuses notions historiques ou
étymologiques, l'origine du mot ghetto, celle du nom de colline aux corbeaux
attribuée par ses fondateurs à la ville de Lyon. Le texte est augmenté de
représentations cartographiques de l'époque qui ne manqueront pas de parler aux
Lyonnais.
Bel ouvrage qui repose sur un travail de documentation sérieux et sur un talent
certain pour y inclure une intrigue n'ôtant rien de leur sensibilité aux
personnages de ce drame. Car c'en est un. On ne bravait pas impunément les
puissants en ces temps entre bas Moyen-âge et Renaissance.