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vendredi 16 juin 2023

Les philosophes sur le divan ~~~~ Charles Pépin

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À se creuser la tête à force de raisonner les philosophes deviendraient-ils névrosés ?
La confrontation de la psychanalyse avec la philosophie est une situation que j'avais déjà expérimentée avec un auteur comme Irvin Yalom et ses excellents ouvrages tels que Et Nietzsche a pleuré, La méthode Schopenhauer ou encore le problème Spinoza.

Mais pour le coup avec cet ouvrage, Charles Pépin nous propose une mise en scène aussi inattendue qu'intéressante. Débarrassée de la notion de chronologie elle convoque sur le divan du pape de la psychanalyse, Sigmund Freud, les philosophes tout aussi éminents dans leur domaine que sont PlatonKant et Sartre.

Une façon d'éclairer les esprits livrés aux questions existentielles, et leur corallaire de la quête du salut obsèdant tout un chacun confronté la finitude de sa vie, avec les théories de trois grands philosophes aujourd'hui disparus. Ils s'épanchent tous trois bon gré mal gré sur le divan de celui, « qui réduit les grands délires à Papa Maman », théoricien d'un inconscient auquel il attribue les manifestations échappant à la rationalité. Inconscient que l'un et l'autre s'emploient à dénigrer sous le sceau de la morale ou de la contingence.

Platon et le « ciel des idées ». La vie est ailleurs. Philosopher c'est apprendre à mourir. Sartre catéchumène de l'existentialisme. Dieu n'existe pas. Nous ne sommes déterminés par rien. L'homme n'est que la somme de ses actes. Kant le moraliste, bien que misogyne, pour qui la raison offrira la liberté et énonce ses trois grandes questions de la philosophie : que puis-je connaître ? Que dois-je faire ? Que m'est-il permis d'espérer ?

Charles Pépin a trouvé avec cet artifice de la psychanalyse sur un divan bien contemporain de nous autres lecteurs du 21ème siècle l'espace-temps propice à développer sans autre justification forcément difficile à concevoir l'intemporalité et l'universalité de la philosophie. C'est une façon de rendre abordable au profane les grandes théories qui depuis Socrate battent en brèche la croyance pour trouver un sens à la vie et accessoirement ne faire de la mort qu'une étape de celle-ci.

Nul ne peut dire qu'il n'a pas réfléchi au sens de la vie. Tout un chacun est donc philosophe sans le savoir. A son niveau. Approfondir le sujet avec les grands penseurs est en revanche entreprise ardue qui rebute facilement. Charles Pépin nous ouvre une fenêtre sur quelques grands thèmes défendus par des éminents de la discipline en tentant cette libération de la parole salvatrice. Surement pas pour les sujets sur le divan. Ils ont tant dit et écrit. Et vécu. Mais peut-être pour le lecteur qui a quant à lui tant à s'entendre dire.

Charles Pépin nous suggère avec cet ouvrage à « entrer en philosophie pour mieux supporter sa situation en la peignant comme étant celle de tous les hommes. »

dimanche 11 juin 2023

Présentation de la philosophie ~~~~ André Comte Sponville

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Pour qui réfléchit un peu à sa raison d'être sur terre, au mystère de la vie, et donc sa finitude, et surtout à la quête du salut qui fait espérer une plénitude heureuse après la mort, s'offre à celui-là deux voies : la religion et ses dogmes, selon celle qu'il choisit, ou la raison qui dans ses développements s'exprime en philosophie. L'amour du savoir, l'amour de la sagesse.

La religion nous invite à croire. En un dieu, et un seul de nos jours. Car celles qui ont cours désormais sont monothéistes. En un dieu qui est amour, même si tous les jours on a des démonstrations du contraire. En un paradis, même si aucun signe n'est de nature à le confirmer. En devenant croyant, on règle la question du salut. Il suffit d'écouter les prophètes et leurs porte-voix. Je crois en Dieu, au paradis. Mon esprit est soulagé de cette obsession de l'après-vie. Elle ne peut-être que merveilleuse. Dieu est amour et nous accueille auprès de Lui. Je peux donc vivre ma vie dans la certitude de la félicité après la mort. Alléluia.

Pour celui qui ne croit pas, la démarche est plus compliquée. Il faut réfléchir. Il faut raisonner. Il faut philosopher. Philosopher c'est apprendre à mourir nous dit Montaigne qui l'a repris de quelqu'un d'autre. Philosopher pour vivre sa vie pleinement, humainement.

Tout le monde philosophe sans le savoir. À son niveau. Avec ses moyens intellectuels et sa culture. Mais si l'on veut approfondir le sujet et accéder à la sagesse, qui seule peut permettre de vivre sa vie d'homme, il faudra s'investir personnellement. Travailler, lire les ouvrages de tous ces gens qui sont devenus des philosophes reconnus depuis que l'écriture nous en rapporte les réflexions. Même celles de ceux qui n'ont rien écrit, tel Socrate. Il avait pourtant pignon sur rue dans le domaine. Platon a fait ce travail de laisser la trace écrite de ce que Socrate confiait à l'oreille, à l'esprit de qui voulait lui prêter attention et crédit.

André Comte-Sponville qu'on ne présente plus en la matière nous adresse cet opuscule dans lequel il a rassemblé douze textes de son cru. Des sujets choisis par lui pour mettre le pied à l'étrier de la philosophie à qui voudrait s'ouvrir à cette discipline alternative à la croyance. Nous mettant en garde en disant que l'effort de vulgarisation qu'il fait n'est pas l'ouverture d'un chemin facile. Philosopher de manière avisée demande de s'atteler aux écrits des philosophes, les vrais, les anciens et les modernes, autant d'éminents penseurs qu'il appelle à son argumentation, et là c'est du sérieux.

Pour les autres, ceux qui ne croient pas et qui ne veulent pas s'investir à acquérir quelque sagesse, il y a la fête. le divertissement. Divertissement qu'il faut entendre au sens de détournement de l'esprit : oubli, ou plutôt mépris de sa condition de mortel. Tous les moyens leur sont bons depuis le grand huit de la Foire du trône jusqu'aux paradis artificiels de l'alcool et de la drogue en passant par la discothèque où les décibels martèlent à ce point les neurones qu'ils en chassent l'idée de la mort.

Alors, disons-le tout net, les temps sont durs pour la croyance et la raison. L'époque n'est plus à l'ascétisme ou à l'effort. Aussi pour appâter le chaland faut-il vulgariser. C'est un peu la raison d'être de pareil ouvrage de l'éminent philosophe. Car il en est, de plus en plus nombreux, pour croire en une troisième voie : la science. Elle sait déjà nous soulager de la douleur. Elle saura bien le faire de la mort. Sans compter sur l'intelligence artificielle. Elle va supplanter celle qui jusqu'à aujourd'hui a différencié l'homme de l'animal. Elle n'aura pas d'obsessions macabres. L'éternité est peut-être là ?