À se creuser la tête à force de raisonner les philosophes
deviendraient-ils névrosés ?
La confrontation de la psychanalyse avec la philosophie est une situation que
j'avais déjà expérimentée avec un auteur comme Irvin Yalom et
ses excellents ouvrages tels que Et Nietzsche a
pleuré, La méthode Schopenhauer ou
encore le problème Spinoza.
Mais pour le coup avec cet ouvrage, Charles Pépin nous
propose une mise en scène aussi inattendue qu'intéressante. Débarrassée de la
notion de chronologie elle convoque sur le divan du pape de la
psychanalyse, Sigmund
Freud, les philosophes tout aussi éminents dans leur domaine que sont Platon, Kant et Sartre.
Une façon d'éclairer les esprits livrés aux questions existentielles, et leur
corallaire de la quête du salut obsèdant tout un chacun confronté la finitude
de sa vie, avec les théories de trois grands philosophes aujourd'hui disparus.
Ils s'épanchent tous trois bon gré mal gré sur le divan de celui, « qui réduit
les grands délires à Papa Maman », théoricien d'un inconscient auquel il
attribue les manifestations échappant à la rationalité. Inconscient que l'un et
l'autre s'emploient à dénigrer sous le sceau de la morale ou de la contingence.
Platon et le «
ciel des idées ». La vie est ailleurs. Philosopher c'est apprendre à
mourir. Sartre catéchumène
de l'existentialisme. Dieu n'existe pas. Nous ne sommes déterminés par rien.
L'homme n'est que la somme de ses actes. Kant le
moraliste, bien que misogyne, pour qui la raison offrira la liberté et énonce
ses trois grandes questions de la philosophie : que puis-je connaître ? Que dois-je
faire ? Que m'est-il permis d'espérer ?
Charles Pépin a
trouvé avec cet artifice de la psychanalyse sur un divan bien contemporain de
nous autres lecteurs du 21ème siècle l'espace-temps propice à développer sans
autre justification forcément difficile à concevoir l'intemporalité et
l'universalité de la philosophie. C'est une façon de rendre abordable au
profane les grandes théories qui depuis Socrate battent en brèche la croyance
pour trouver un sens à la vie et accessoirement ne faire de la mort qu'une
étape de celle-ci.
Nul ne peut dire qu'il n'a pas réfléchi au sens de la vie. Tout un chacun est
donc philosophe sans le savoir. A son niveau. Approfondir le sujet avec les
grands penseurs est en revanche entreprise ardue qui rebute facilement. Charles Pépin nous
ouvre une fenêtre sur quelques grands thèmes défendus par des éminents de la
discipline en tentant cette libération de la parole salvatrice. Surement pas
pour les sujets sur le divan. Ils ont tant dit et écrit. Et vécu. Mais
peut-être pour le lecteur qui a quant à lui tant à s'entendre dire.
Charles Pépin nous
suggère avec cet ouvrage à « entrer en philosophie pour mieux supporter sa
situation en la peignant comme étant celle de tous les hommes. »
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Ouvrages par genre
vendredi 16 juin 2023
Les philosophes sur le divan ~~~~ Charles Pépin
dimanche 11 juin 2023
Présentation de la philosophie ~~~~ André Comte Sponville
🌕 🌕 🌕 🌕 🌚
Pour qui réfléchit un peu à sa raison d'être sur terre, au
mystère de la vie, et donc sa finitude, et surtout à la quête du salut qui fait
espérer une plénitude heureuse après la mort, s'offre à celui-là deux voies :
la religion et ses dogmes, selon celle qu'il choisit, ou la raison qui dans ses
développements s'exprime en philosophie. L'amour du savoir, l'amour de la
sagesse.
La religion nous invite à croire. En un dieu, et un seul de nos jours. Car
celles qui ont cours désormais sont monothéistes. En un dieu qui est amour,
même si tous les jours on a des démonstrations du contraire. En un paradis,
même si aucun signe n'est de nature à le confirmer. En devenant croyant, on
règle la question du salut. Il suffit d'écouter les prophètes et leurs
porte-voix. Je crois en Dieu, au paradis. Mon esprit est soulagé de cette
obsession de l'après-vie. Elle ne peut-être que merveilleuse. Dieu est amour et
nous accueille auprès de Lui. Je peux donc vivre ma vie dans la certitude de la
félicité après la mort. Alléluia.
Pour celui qui ne croit pas, la démarche est plus compliquée. Il faut
réfléchir. Il faut raisonner. Il faut philosopher. Philosopher c'est apprendre
à mourir nous dit Montaigne qui
l'a repris de quelqu'un d'autre. Philosopher pour vivre sa vie pleinement,
humainement.
Tout le monde philosophe sans le savoir. À son niveau. Avec ses moyens
intellectuels et sa culture. Mais si l'on veut approfondir le sujet et accéder
à la sagesse, qui seule peut permettre de vivre sa vie d'homme, il faudra
s'investir personnellement. Travailler, lire les ouvrages de tous ces gens qui
sont devenus des philosophes reconnus depuis que l'écriture nous en rapporte
les réflexions. Même celles de ceux qui n'ont rien écrit, tel Socrate. Il avait
pourtant pignon sur rue dans le domaine. Platon a fait ce
travail de laisser la trace écrite de ce que Socrate confiait à l'oreille, à
l'esprit de qui voulait lui prêter attention et crédit.
André
Comte-Sponville qu'on ne présente plus en la matière nous adresse cet
opuscule dans lequel il a rassemblé douze textes de son cru. Des sujets choisis
par lui pour mettre le pied à l'étrier de la
philosophie à qui voudrait s'ouvrir à cette discipline alternative à
la croyance. Nous mettant en garde en disant que l'effort de vulgarisation qu'il
fait n'est pas l'ouverture d'un chemin facile. Philosopher de manière avisée
demande de s'atteler aux écrits des philosophes, les vrais, les anciens et les
modernes, autant d'éminents penseurs qu'il appelle à son argumentation, et là
c'est du sérieux.
Pour les autres, ceux qui ne croient pas et qui ne veulent pas s'investir à
acquérir quelque sagesse, il y a la fête. le divertissement. Divertissement
qu'il faut entendre au sens de détournement de l'esprit : oubli, ou plutôt
mépris de sa condition de mortel. Tous les moyens leur sont bons depuis le
grand huit de la Foire du trône jusqu'aux paradis artificiels de l'alcool et de
la drogue en passant par la discothèque où les décibels martèlent à ce point
les neurones qu'ils en chassent l'idée de la mort.
Alors, disons-le tout net, les temps sont durs pour la croyance et la raison.
L'époque n'est plus à l'ascétisme ou à l'effort. Aussi pour appâter le chaland
faut-il vulgariser. C'est un peu la raison d'être de pareil ouvrage de
l'éminent philosophe. Car il en est, de plus en plus nombreux, pour croire en
une troisième voie : la science. Elle sait déjà nous soulager de la douleur.
Elle saura bien le faire de la mort. Sans compter sur l'intelligence
artificielle. Elle va supplanter celle qui jusqu'à aujourd'hui a différencié
l'homme de l'animal. Elle n'aura pas d'obsessions macabres. L'éternité est
peut-être là ?