Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire
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vendredi 14 juin 2019

La peste ~~~~ Albert camus

 

Pourquoi relire La Peste tant d'années après une première lecture ?

Je pourrais dire simplement que c'est parce que j'ai grandi depuis. Que cette lecture qui avait été prescrite à l'époque s'est imposée d'elle-même aujourd'hui. L'auteur qui rebutait autrefois par l'austérité de sa pensée me serait devenu fréquentable. Rien d'affriolant en effet, en ce naguère de première lecture, dans les lignes du prix Nobel pour un esprit juvénile qui ne rêvait que de frivolités. La complexion de l'adolescence est porteuse de tellement d'utopies, de fantasmes qu'elle verse à contre cœur aux questions existentielles. Privilège de la jeunesse, Dieu merci !

Mais le voilà donc qui sort du bois celui-là, au travers de cette expression de l'inconscient populaire. Inconscient il faut vraiment l'être pour le remercier. Camus s'en garde bien, lui qui n'a de cesse de lui reprocher son silence, l'état de perplexité dans lequel il nous abandonne, au point de rejoindre Nietzche lorsqu'il annonce que Dieu est mort.

J'ai donc relu La Peste. Edition Folio, acquisition 1973 ticket de caisse faisant foi, abandonné en marque-page. Entre des pages désormais jaunies. Des pages au grammage lourd, on avait cure des forêts en ce temps-là où l'on n'avait pas encore pris la mesure du trou dans la couche d'ozone.

Depuis cette date, encore lisible sur le ticket de caisse, j'ai eu l'occasion de faire plus ample connaissance avec l'homme révolté au travers de ses autres œuvres, dont celle éponyme. J'ai acquis désormais la certitude de bénéficier à propos de cet ouvrage d'un éclairage que ne m'avait pas autorisé mes dissipations adolescentes.

Qui a dit qu'on ne relisait jamais le même livre sous la même couverture ? Cette nouvelle lecture m'a donc autorisé un regard neuf sur l'œuvre. Elle m'a permis de dénicher le philosophe derrière le romancier. De décoder les travers et les tourments dont il s'inspire pour crier sa révolte. Quand il a pris la plume pour écrire cet ouvrage, il sortait tout juste de cette peste affublée d'un qualificatif de couleur sombre, qui pour le coup exonère le divin de toute responsabilité quant à son origine : la peste brune. Une peste d'origine bien humaine celle-là. Comme s'il ne suffisait pas des fléaux naturels pour précipiter l'homme vers son échéance ultime. Les analogies se dévoilent alors. Dans cet huis-clos à l'échelle d'une ville, on identifie toutes les postures de l'homme assiégé par l’adversité : la peur, l'individualisme, la lâcheté, la révolte, la superstition, mais aussi le courage et l'abnégation, plus rares. Les résistants de la première heure et ceux qui rejoignent le camp des vainqueurs sur le tard.

Celle nouvelle lecture m'a aussi fait donner de l'importance au plaidoyer de son auteur contre la peine de mort. Lorsque Tarrou découvre la raison pour laquelle son père, avocat général à la cour d'assise, part certains jours avant l'aube pour se rendre à son travail. Les jours où tombe le couperet.
Plus anecdotiquement, elle m'a fait relever à la page 60 de cette même édition, l'allusion faite à cet autre roman de Camus lorsque les cancans diffusent les faits divers et évoque l'assassinat d'un arabe sur une plage.

examen clinique de l'âme humaine

La Peste est la chronique froide d'un observateur dont on apprend en épilogue les qualités et rapports aux faits relatés. C'est un examen clinique de l'âme humaine en butte à l'incompréhensible de sa condition. Crédos de l'humaniste dans son œuvre, les cycles de la révolte et de l'absurde se fondent en un vortex de perdition qu'aucune philosophie ne parvient à alléger du poids de la question restée sans réponse : quelle intention supérieure derrière tout ça ?

La Peste fait partie de ces ouvrages dont on ne se sépare pas. Même quand on pèche par insouciance juvénile, on comprend quand même que les mots simples qui le peuplent expriment une pensée lourde, à valeur intemporelle. Il n'est point question d'effet de mode avec pareille œuvre. A conserver donc, pour une autre lecture dont on sait déjà qu'elle sera différente.


samedi 13 octobre 2018

L'homme révolté ~~~~ Albert Camus

 



A se heurter aux confins du rationnel, sur cette frontière épaisse et floue qui ouvre sur l'irrationnel, Camus, et sans doute tous les confrères philosophes qu'il appelle à son argumentation avec une préférence pour Nietzsche, me fait penser à cet insecte sous une cloche de verre qui cherche en vain mais avec obstination l'ouverture à l'air libre. La quête de l'absolu pour le philosophe. Après nous avoir convaincus de l'absurde de la condition humaine avec le Mythe de Sisyphe, de cette Création qui ne dit rien de ses intentions, nous voici quelques dix années plus tard, dans la même absence de réponse, et contraint avec Camus à la révolte.

Lautréamont, Sade, Rimbaud, Kafka, et tant d'autres qui peuplent cet ouvrage, autant d'insectes sous la cloche de verre. Tant d'autres qui, de révolte en révolution n'en déplaise à feu le roi Louis XVI, viennent au secours, appelés par lui, d'un Albert Camus qui établit le panégyrique de la révolte, seule conclusion possible à des siècles d'exploration raisonnée.

Camus a le tort de poser les bonnes questions, de remettre en cause si ce n'est en accusation le responsable de tout cela. Tout cela n'étant au final que la condition précaire de l'homme. Dieu nous donne la vie et la reprend. Dieu est donc criminel. Un criminel qui ne manifeste aucunement ses raisons.

Après tout ce temps, depuis que l'intelligence a investi le corps du mammifère pour en faire un homme, force est donc de conclure avec Nietzsche que Dieu est mort. Et l'homme devenu Dieu ? Cela lui rendrait-il justice du sort qui lui est réservé ? Nullement. Et la révolte qui le gagne ne lui apporte pas pour autant de consolation. L'homme devenu Dieu reste mortel. Dans un relatif trop humain, ou tout ne s'entend que par comparaison. Point d'absolu.

La philosophie ne serait-elle au final que l'art de poser les questions ? Et de désespérer des réponses ?

Nous voilà donc revenu au point de départ. A quoi peut alors servir pareil ouvrage à son lecteur, s'il reste sur cette conclusion ? Il sert en tout cas à son auteur à faire entendre son cri, d'autant mieux que quiconque puisqu'érudit et fin lettré. Et moi lecteur j'entends ce cri qui le fait émerger, Albert Camus, du grand concert de l'humanité, ce cri de l'homme enfermé dans sa condition, sa cloche de verre, et qui sait dire mieux que je ne pourrais le faire l'état de souffrance auquel on ne peut que convenir, puisqu'affublé de la même condition.

J'apprends quant à moi maintenant au moins une chose grâce à cet ouvrage. J'apprends pourquoi le philosophe se fait aussi romancier. Il nous le dit page 328 : "le monde romanesque n'est que la correction de ce monde-ci".

La quête de l'absolu serait donc là. Dans l'imaginaire.


dimanche 22 juillet 2018

Les Justes~~~~Albert camus

 



"Je n'aime pas la vie, mais la justice qui est au dessus de la vie". Avec cette réplique qu'Albert Camus met dans la bouche de Stepan, personnage de sa pièce Les Justes, on effleure en compréhension l'humanisme du Prix Noel de Littérature 1957. Un esprit de justice qu'il s'empresse toutefois de tempérer en précisant qu'il ne donne pas le droit de sacrifier des innocents à sa cause. Aussi généreuses et légitimes que soient les idées qui sous-tendent la cause. C'est tout le thème de cette pièce.

C'est aussi le déchirement qui a torturé Camus les dix dernières années de sa vie, lorsque son pays de naissance s'est jeté dans la guerre d'indépendance. Les combattants du FLN reprocheront son ambiguïté à Camus. Ambiguïté qui sera exploitée et dévoyée lorsqu'un jour pour répondre à un étudiant qui lui demandait de clarifier son point de vue il déclare : «En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d'Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c'est cela la justice, je préfère ma mère.» Cette phrase sera sortie de son contexte et détournée pour devenir : «Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère.»

Cette malversation viendra augmenter la meurtrissure que ressentait Camus à l'égard d'une société humaine qu'il percevait comme immorale et injuste.

Homme de théâtre avant tout, il y trouvait à n'en pas douter le moyen de faire passer les messages de son idéal humaniste, avec la complicité de ceux qui montaient en scène sur ses propres textes. Cette pièce, Les Justes, est un de ces messages.

C'est la première pièce de théâtre que je lis. Je me suis plu à entendre en moi-même, au fur et à mesure que j'avançais dans le texte, les déclamations de ces acteurs qui ont joué la première en ce 15 décembre 1949, et ont brillé par la suite par leur carrière sur les planches : Maria Casarès évidemment, mais aussi Michel Bouquet, Serge Reggiani, Jean Pommier, disparu cette année 2018, Yves Brainville.

Expérience intéressante qui m'a donné le gout de récidiver.



samedi 21 juillet 2018

Les carnets 01~~~~Albert camus

 


Les Carnets de Camus, expression d'éditeur quand l'auteur lui-même parlait de ses cahiers. Des pensées couchées sur le papier, sans cohérence de l'une à l'autre, pour un avenir indéterminé : prémices de futurs ouvrages ou simple besoin de matérialisation de réflexions faites à soi-même, mais surement pas édition en l'état. le Prix Nobel de littérature 1957 aurait pu le prendre pour de l'impudeur, voire la profanation de son intimité. Mais a contrario se serait-il peut-être aussi plu à ce surcroît de sincérité lancé à la face de la "désastreuse société intellectuelle" dont il déplorait l'immoralité ?

Les Carnets de Camus, en tout cas la mine d'un trésor inexploité par son auteur puisque le destin a choisi de mettre un terme, à 47 ans, à l'œuvre de l'humaniste épris de justice sur la route dans la région de Fontainebleau.

Des carnets qui nous permettent en tout cas de mieux connaître la pensée du philosophe "solitaire et solidaire".


vendredi 11 août 2017

Lettre à un ami allemand~~~~Albert Camus

 


Il a seize ans et va être fusillé avec d'autres innocents pris en otages comme lui.

"Je suis ton ami" lui dit l'aumônier allemand qui l'accompagne au supplice. Il n'hésitera pourtant pas à le dénoncer dans sa tentative d'évasion. L'amitié aussi a ses tyrannies.

Nous sommes en 1943 et 1944. Albert Camus écrit à son ami allemand d'avant-guerre. Quatre lettres dans lesquelles il lui clame que ceux qui ont rêvé d'un "avenir fabuleux et ensanglanté" pour l'Europe se sont fourvoyés et seront vaincus. A cette "nuit d'Europe" succédera une aube d'autant plus radieuse que les vaincus d'hier seront sans haine contre ceux de demain. Les vaincus d'hier finiront par "détruire leur puissance sans mutiler leur âme".

Quatre lettres. Quatre cris de colère d'un sans Dieu contre ce "désastre de l'intelligence".


samedi 22 juillet 2017

Le mythe de Sisyphe ~~~~ Albert Camus



 
"Il n'est pas de plus beau spectacle que l'intelligence aux prises avec une réalité qui la dépasse." Cette citation tirée de son ouvrage, le mythe de Sysiphe, s'applique à merveille à son auteur.

La réalité nous dépasse tous et le sens de la vie nous est étranger. Nous n'avons cependant à son égard pas tous le même rapport, la même façon de nous tirer d'affaire ou de nous y inclure.

Ceux qui croient en Dieu et ont choisi une religion pour L'honorer ont fait le choix de la facilité. Tout s'explique par Lui et en Lui. La mort n'est qu'une ouverture sur l'éternité en Son royaume. La messe est dite.

Pour ceux qui ne croient pas, le problème reste entier. Parmi eux les simples d'esprit. Ceux-là n'expriment ni tourments ni interrogations. Et au final, heureux les simples d'esprit, le royaume des cieux leur appartient. La célèbre parabole les raccroche aux précédents.

Albert Camus, ni simple d'esprit, excusez du peu, ni croyant, mais contempteur des grandes théories philosophiques qu'il connaît bien, surtout dans leur contradiction, veut une réponse humaine à son état de mortel en mal de pouvoir donner sens à la vie. Sa réponse à lui c'est l'homme absurde. C'est Sisyphe condamné à pousser son rocher vers le sommet de la montagne, et à recommencer éternellement chaque fois qu'il sera redescendu dans la vallée.

"Les grands romanciers sont des romanciers philosophes." Albert Camus nous le prouve avec le mythe de Sisyphe qu'on lira toujours trop vite et trop légèrement tant ces pages sont lourdes de réflexion.

SI je voulais dire une énormité, je dirais que la lecture de cet ouvrage est indispensable à qui se passionne pour l'homme et son oeuvre et veut en approfondir sa connaissance. Encore faut-il être prêt à arpenter un chemin difficile. Camus, romancier-philosophe ou philosophe-romancier, le mythe de Sisyphe nous oblige à la seconde formule. En tout état de cause, un homme concerné, torturé par le sens de la vie, doué de courage et de talent pour l'exprimer.

Alors la mort de Camus contre un arbre en 1960 : accident, élimination ou suite logique d'un raisonnement et conclusion de l'homme absurde. Cette lecture élargit l'éventail des possibles.


dimanche 16 juillet 2017

La chute~~~~Albert camus

 

Quel est ce compatriote interpelé par le narrateur de cet ouvrage et qui ne dit mot ? le procédé narratif choisi par Albert Camus est à n'en pas douter la composante originale de ce texte. Moi, lecteur de la Chute, suis-je cet auditeur captif d'un monologue en forme de confession, ou bien est-ce tout bonnement le miroir dans lequel se reflète son auteur ? Peu importe, celui dont on ne connaîtra que la situation soulage sa conscience et donne à Camus l'occasion de développer un thème qui lui est cher et qu'il avait abordé quelques années auparavant dans L'Étranger.

Le châtiment est légitime. le jugement est une usurpation. "La question est d'éviter le jugement. Je ne dis pas d'éviter le châtiment. Car le châtiment sans jugement est supportable". Aucun homme n'est fondé à en juger un autre, fut-ce collégialement dans un cadre légal. Tout un chacun, y compris le juge, est enfermé dans la duplicité profonde inhérente à sa propre nature, tiraillé entre le bien et le mal, entre mensonge et vérité. Juger quelqu'un doit passer par l'étape préalable de l'expiation de ses propres fautes. Et quant au jugement dernier, n'attendez rien de cette échéance. le jugement dernier se tient tous les jours, dès lors qu'un homme prononce une sentence à l'égard d'un de ses semblables, en parfaite appropriation d'un pouvoir qu'il ne saurait détenir plus qu'un autre.

Au travers des propos de son narrateur, Camus exprime la "tristesse de la condition commune et le désespoir de ne pouvoir y échapper." Un pas de plus, pour ce qui me concerne, dans la connaissance de la philosophie de "l'humaniste subversif".


lundi 15 mai 2017

Le premier homme~~~~Albert Camus

 

Lorsque le prix Nobel de littérature lui a été décerné en 1957, Albert Camus a réservé à son ancien instituteur, monsieur Louis Germain, une lettre qui commence par ces mots : « J'ai laissé s'éteindre un peu le bruit qui m'a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler de tout mon coeur."

Cette introduction exprime déjà à elle seule ce que sera la teneur de son ouvrage, non encore ébauché en 1957, Le premier homme: une déclaration d'amour filial adressé à celui qui aura été pour Albert Camus un véritable père de substitution. Le sien ayant été soustrait à son affection dès les premiers jours de la guerre, en 1914. Une déclaration d'amour aussi à celle avec laquelle il communiquait si peu : sa mère.

Albert camus n'avait pas achevé l'écriture de cet ouvrage lorsqu'il a trouvé la mort en 1960, dans un accident de la circulation. Aussi ai-je ressenti comme une effraction de l'intimité de la personne le fait de prendre connaissance dans cette édition tardive d'un texte non abouti, que l'auteur lui-même n'aurait certainement pas voulu voir publier en l'état. Il comportait alors autant d'annotations qu'Albert Camus s'adressait à lui-même quant à la mise en forme définitive de son ouvrage, l'appellation des personnages, la teneur même de ses révélations pour un ouvrage foncièrement auto biographique. Son titre même n'était pas déterminé. La forme narrative n'aurait-elle pas été au final rédigée à la première personne ? Jacques ne serait-il devenu tout simplement Albert ?

Il n'en reste pas moins que la relation de cette volonté de vouloir faire connaissance avec son père, en recherchant des témoins de sa vie, pour un enfant qui se reproche presque d'avoir atteint un âge qui n'a pas été autorisé à ce père, est très émouvante. le manque fondamental exprimé tout au long de ce texte est d'autant plus poignant qu'il ne cherche pas à l'être. La vie, sa vie était comme ça.

Dans la relation de cette prime adolescence, on sent déjà poindre en germes les tiraillements qui fonderont les interrogations fondamentales de l'auteur par rapport à la vie et son côté absurde. La recherche d'une cohérence de l'état de vie par rapport à la conscience de vie. Les prédispositions politiques aussi de l'homme, dont l'enfant qu'il a été avait déjà bien compris que la colonisation comporte son lot d'interrogations, de malaises, voire d'immoralités. Autant de développements philosophiques et sociologiques qui n'auraient à n'en pas douter peuplé les idées du jeune homme et de l'adulte, héros d'autres tomes que ce premier nous laissait appeler de nos voeux.

La personne qui écrit ne devient auteur que lorsqu'elle a mis le point final à son oeuvre et décidé de la livrer à son éditeur. Avant, elle reste une personne en proie à ses doutes, à ses choix quant à ses révélations. Avant, celui qui porte les yeux sur son texte sans son consentement est un intrus. Mais avec Albert Camus, j'ai bien voulu l'être cet intrus. Intrus de l'immense talent. N'est ce pas aussi lui rendre hommage que de se passionner pour ses hésitations, ses doutes ? Se passionner pour l'homme donc, avant qu'il ne devienne l'auteur de son ouvrage en lui mettant son point final.


mardi 17 janvier 2017

L'étranger ~~~~ Albert Camus


Justice est rendue. On n'abat pas un arabe de cinq coups de feu en invoquant la légitime défense, encore moins un coup de soleil, sans en outre en exprimer le moindre remord. Même au temps de l'Algérie française.

Meursault, narrateur-acteur de ce récit nous relate la tranche de sa vie, de sa fin de vie, qui l'a conduit au pied de celle que l'homme rejoint "comme on marche à la rencontre d'une personne" : la guillotine. Quand a contrario la personne qui réside en tout être humain le laisse de marbre.

Les juges ont estimé que la froideur de son tempérament était propice à la préméditation du crime qu'il a commis. Meursault fait preuve de la même insensibilité à l'énoncé du verdict qui le condamne que celle qui l'a engourdi dans ses relations avec son entourage, les femmes de sa vie en particulier : sa mère, qu'il a placée à l'asile puis enterrée sans verser la moindre larme, la douce Marie qui s'est éprise de lui et ne deviendra son épouse que si elle insiste. Côté sentiment, c'est un peu chiche.

Point de révolte chez ce "coeur aveugle". Il ne remet pas en cause la justice des hommes. Il ne peut toutefois se résoudre à la "certitude Insolente" d'une fin décidée. Il s'interroge sur l'utilité d'abréger une vie qui, de toute façon, est promise à s'éteindre d'elle-même. Pourquoi interférer dans le cours des choses ?

Raisonner en pareille circonstance est encore faire preuve de distance avec le cours des choses. C'est être étranger à soi-même. Etranger au monde, étranger à la vie.

Voilà un ouvrage dans lequel le verbe est dépouillé, comme le décor dans lequel se noue le drame, comme la palette sentimentale de ce héros qui n'inspire pas l'empathie. Les phrases sont courtes et sèches. Il en est ainsi de tout le roman. le style est direct et froid comme l'austère mécanique qui enchaîne les événements de la vie. Comme la justice qui condamne.

Meursault n'aura pas su se réchauffer au coeur des hommes, il n'attend rien non plus du secours de l'ambassadeur d'un dieu qu'il ne veut pas connaître. Plus que le drame qui se déroule sous les yeux du lecteur, c'est la part d'inhumain qui habite tout homme, lorsqu'elle le domine, qui surprend. Certains l'évacuent dans la sauvagerie, lui, c'est dans l'indifférence.

Encore Meursault se dit-il à lui-même, puisque personne ne recueille ses confidences, que l'essentiel est de donner une chance au condamné. C'est le peu que l'on percevra de son ressenti. Encore répond-t'il plus à une logique qu'à un trait d'humanité. Aussi, plus qu'un ultime sursaut d'intérêt pour la vie, ne s'agit-il pas de la crainte de l'inconnu ? Au-delà de l'oeuvre du couperet.

Albert Camus lui en a t'il donné une de chance pour qu'il nous relate son histoire, ou le fait-il intervenir d'outre-tombe, pour nous parler de la vie ?