Ce n'est pas une crise de conviction qui torture l'abbé
Donissan, sa foi lui reste chevillée au corps, mais bien une crise de
conscience. Il se sait comme tout un chacun la cible de Satan, lequel est aux
aguets du moindre défaut de la cuirasse du croyant, laissant les athées et
autres agnostiques au désespoir de la sainte église.
Alors que Dieu reste définitivement muet et inaccessible, faisant dire à Saint-Exupéry qu'un
dieu qui se laisse toucher n'est plus un dieu, Satan quant à lui sait prendre
figure humaine pour séduire celui dont la foi vacille. Ce sont les traits de
Mouchette la jeune dévergondée qui séduit Pierre et Paul et les détourne du
droit chemin tracé par les évangiles, ou encore les traits du maquignon qui se
propose de remettre l'abbé sur le bon chemin alors qu'il est perdu dans la
nuit. L'abbé Donissan doit compter sur la voix intérieure silencieuse que fait
vibrer sa foi pour contrecarrer ces tentatives de séduction, elles bien
audibles, du mal incarné.
Cette lecture est à l'image de l'abbé perdu dans la nuit. Elle tourne en rond
et revient inexorablement à son point central d'obsession. Faisant de cet
ouvrage un sempiternel combat spirituel du croyant dans toute la candeur de sa
conviction. Un combat intérieur qui rend les événements, car il y en a quand
même, marginaux au regard de cette claustrophobie spirituelle obsédante.
Une torture de l'abbé que Bernanos a
bien communiqué au lecteur baptisé que je suis, me faisant de la lecture de cet
ouvrage un véritable supplice chinois. Mais Satan ne m'a pas convaincu à
l'autodafé auquel il m'exhortait dans le tuyau de l'oreille, je me suis fait le
devoir d'aller au bout de ce chemin de croix. J'ai fait ma BA de l'année en
matière de respect du travail de l'écrivain.