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samedi 12 février 2022

Il était deux fois ~~~~ Franck Thilliez

 



A plusieurs reprises dans cet ouvrage il est fait référence à un autre du même auteur : le manuscrit inachevéIl était deux fois est une forme de suite de ce dernier qui en dépit des épisodes d'amnésie frappant ses héros nous dévoile ni plus ni moins que la vraie fin du Manuscrit inachevé, celle de la main de Caleb Taskman lui-même. On se souvient que l'épilogue du Manuscrit inachevé était de la main de son fils Jean-Luc, les dernières pages ayant disparu à la mort du célèbre auteur de polar, au grand damne de son éditeur.

Avec les troubles de la mémoire, il en est une autre constante entre ces deux romans, plus morbide celle-là, qui est le dépeçage des corps. Et sans surprise, les jeunes filles n'ont pas le beau rôle dans ces funestes intrigues. Leurs beautés insouciantes sont des proies tout désignées pour les détraqués qui peuplent les pages des thrillers version Franck Thilliez. Mais là malheureusement il n'a rien inventé. On aimerait que ce ne soit qu'œuvre d'imagination d'auteur, mais si Thilliez en a beaucoup d'imagination la réalité lui suggère trop souvent les scénarii les plus sordides.

La famille torturée par la disparition de leur enfant est cette fois-ci celle d'un gendarme. Les facultés et compétences du professionnel de l'enquête qu'il est seront ainsi mises à contribution pour le compte des sentiments qu'il porte à sa famille. Pareilles circonstances lui font prendre conscience que son métier a bouffé sa vie de famille. Il se reproche un peu tard de ne pas avoir été suffisamment démonstratif dans l'affection qu'il porte à femme et enfant. Cette enquête l'impliquant personnellement, il devra quitter l'institution et déployer ses forces et ténacité à rechercher sa fille sans désarmer des années durant. Ce sera la preuve d'amour tardive qu'il se fera à sa fille disparue. Son accident de mémoire complique les choses, il devra refaire connaissance avec lui-même et en observateur extérieur de sa propre vie faire le point sur son sort : passé qu'il faut redécouvrir, présent voué à la quête, avenir de solitude à n'en pas douter, son mariage n'ayant pas résisté aux épreuves. Cette période de sa vie occultée par l'amnésie viendra inévitablement corser les recherches. Cela deviendra une enquête dans l'enquête. Au lecteur de recoller les morceaux. Mais faisons confiance à Thilliez pour lui compliquer la tâche.

Les palindromes se rappellent à nous dans cet ouvrage avec toujours le même mystère quant à leur signification et raison d'être dans l'intrigue. Est-ce une ouverture vers un prochain tome qui permettrait de mettre la main sur un personnage à qui la vraie fin dévoilée a permis de se faire la belle ? Il y a beaucoup de dualités dans ces ouvrages auxquelles nous ouvre le titre de celui-ci. M'est avis qu'à l'heure où j'écris ces lignes le cerveau de Franck Thilliez, qui ne doit pas souvent être au repos, échafaude déjà une nouvelle conspiration entre malfrats et détraqués pour mettre notre sagacité de lecteurs à contribution.

Excellent polar que celui-ci. Il distille son épilogue au compte-gouttes au fil des chapitres. Cela ne présente pas le côté artificiel de ceux qui sortent le coupable du chapeau à la dernière page. C'est fort en névroses et en abjection. La morale n'y trouve pas forcément son compte, pas plus que la justice pour le coeur de parents privé de leur enfant dans d'horribles conditions. Il y a quand même une bonne dose d'accablement dans ces romans. Le happy end ne semble pas être une vertu chez Thilliez.


lundi 24 janvier 2022

Le manuscrit inachevé ~~~~ Franck Thilliez

 


Thilliez, commence à m'énerver grave celui-là. Non content de me voler ma liberté quand j'suis dans ses bouquins, à peine j'ai terminé le manuscrit qu'est pas fini qu'y faut que j'y r'tourne. J'aime bien avoir tout compris quand j'ferme un polar. Mais là ça va pas. Déjà que j'y ai passé une partie de la nuit. C'est dimanche, bon sang. On va aller s'aérer.

Faut dire que j'en ai marre de ces mecs qui soignent leur mal-être en bousillant la vie de jeunes beautés. Y paraît que ça existe. Si en plus faut remettre le nez dedans pour tout piger. Il a pas l'air de s'en douter le gars Thilliez, mais j'suis comme tout le monde, j'ai une PAL qui prend du ventre. Faut que j'envoie du bois comme y disent chez les fabricants de papier.

Alors je vais vous la faire courte. Les palindromes, moi j'ai tout compris. Un palindrome c'est un truc qui se lit pareil dans les deux sens. Et bien le gars Thilliez, y vous dit rien d'autre que ça. Son bouquin c'est comme les palindromes, faut le lire dans l'autre sens. Un aller retour pour tout comprendre. Et encore c'est pas sûr. Il abuse quand même !

« Hé toi là-bas, la vaisselle tu y penses ?
- Ouais, ouais, j'y pense, mais j'ai un métier moi ! J'suis lecteur de Thilliez, et j'peux te dire que c'est pas une scène de cure.
- Une sinécure tu veux dire sans doute ?
- Si tu veux mais veut pas me lâcher avec son bouquin. »

Bon, vous avez compris qu'y en a qui confonde pas présence avec travail comme … enfin s'cusez moi ! Faut donc que j'y aille.

Ha, au fait, j'vais vous donner un tuyau quand même avant de quitter l'antenne, si vous aussi vous êtes à la peine pour piger son truc au gars Thilliez - parce que chez moi y'a pas que les miroirs qui réfléchissent : la première et la dernière phrase, tout est dedans. Il suffit de faire comme Vic. Si vous avez suivi c'est le flic hypermnésique. C'est lui qui a décodé les lettres du tueur. Suffit de faire comme lui pour savoir qui a franchi le garde-corps à la fin. J'dis ça, c'est pour vous soulager des questions qui tournent encore dans vot tête en r'posant le bouquin.

Mais Y'a quand même un truc qui m'a tracassé tout au long du bouquin, c'est que quand un hypermnésique rencontre un amnésique, est-ce que ça remet l'aiguille au nord de la boussole et qu'ça expliquerait tout ? Parce qu'au point final, l'aiguille de ma boussole à moi elle affiche le nord à l'ouest. Et ça, pouvez comprendre que ça me perturbe. M'énerve le gars Thilliez.

Ouais parce quand même, y'est allé un peu fort avec les lettrés comme moi. C'est l'histoire d'un romancier qui écrit un bouquin sur une romancière qui se dit romancier, elle a pris un pseudo, un bouquin qu'y termine même pas d'ailleurs, que son fils est obligé de faire pour lui alors qu'y savait même pas ce que son père avait dans la tête. Et tout ça dans le bouquin de Thilliez qu'est quand même le mec qui raconte tout ça dans son bouquin à lui au final, qu'est pas un final d'ailleurs parce qu'à la fin de cette histoire on sait plus qui a dit quoi, qui a fait quoi. Enfin pauv' gamines quand même. Parce que là non plus y'est pas allé de main mort le gars Thilliez. Avec lui j'voudrais pas être légiste. Pas étonnant que quand j'arrive au bout, j'y retrouve pas mes p'tits. J'y vois double. Si vous voyez ce que je veux dire.

Cette fois faut que je vous laisse. Y'a des circonstances où la présence ça suffit pas. Faut payer d'sa personne. Bon où j'en étais ? MammaM c'est le chien, Noyon c'est en Picardie, le FNAEG c'est ce foutu fichier dans lequel y s'ont collé mes empreintes….

mercredi 20 octobre 2021

Luca~~~~Franck Thilliez


Sharko et son équipe ont migré vers le nouveau 36. Le numéro a été conservé, l’adresse a changé. Le mythique quai des orfèvres a vécu. La Crim est désormais installée au 36 rue du Bastion, aux Batignolles.

La mutation pèse lourd dans les esprits. Les flics de la Crim ont aussi leur nostalgie. Le 36, l’ancien, le vrai, c’était quelque chose. Les glorieux anciens hantaient les murs. Les truands célèbres aussi. Au Bastion ni les premiers ni les seconds n’auront le code d’accès pour franchir les sas et se rappeler à la connaissance des petits nouveaux. Tout est hyper sécurisé : caméras, badges, portiques, lecteur d’empreintes, le Bastion est un concentré de technologies modernes. Fini la cavalcade dans le célèbre grand escalier de PJ, cinq étages que flics et truands ont arpentés pendant des décennies, il faut désormais prendre l’ascenseur. Seulement voilà, Sharko, les nouvelles technologies c’est pas son truc !

Et pourtant avec la nouvelle affaire qui lui tombe sur le dos, il va falloir qu’il s’y colle aux nouvelles technologies. Un fou furieux, un fortiche en ce domaine justement va leur en faire baver. Sharko n’aime pas ça. Les gens qui trafiquent les corps pour en faire des êtres numériques encore moins, mi-homme mi-robot, ça assombrit l’horizon déjà gris du paysage en chantier qu’il a sous les fenêtres de son nouveau bureau. Lui ce qu’il sait faire c’est se confronter à la part humaine de la nature du même nom. L’homme augmenté, l’homme 2.0, ça lui file le bourdon.

Luca, c’est une affaire dont les prolongements et les rebondissements n’en finissent pas. Les cadavres n’ont pas dit leur dernier mot. Les machines les font parler même quand ils sont morts. Les biohackers jouent les apprentis sorciers : intelligence artificielle, accroissement des capacités humaines, manipulations de la vie en éprouvette, conquête de l’immortalité. Sharko est précipité dans le monde des transhumanistes. Des fêlés qui lui volent ses nuits. Qui lui font regarder ses enfants avec la crainte de les voir happés par le monde de violence qu’il côtoie tous les jours, de leur voler l’espoir de nature qui a déjà disparu du paysage des Batignolles, de les priver de sa présence quand des fous lui font arpenter la ville jour et nuit. Déformation professionnelle qu’il partage désormais avec la mère des jumeaux, Lucie Hennebelle sa compagne et collègue dans le travail.

Frank Thilliez m’a encore volé une part de liberté. Son polar m’est resté collé aux mains. Difficile de m’en défaire. Je reste admiratif de cette capacité à bâtir une intrigue complexe sans perdre le fil dans l’écheveau et la mettre en page. J’allais dire admiratif de l’imagination, mais peut être tout cela n’est-il pas totalement imaginaire. Peut-être sommes-nous déjà phagocytés par la grande bulle de données, que quelques labos dans le monde travaillent déjà à faire de l’homme, corps et esprit, un matériau ductile, façonnable à volonté pour devenir ce que l’on attend de lui : un consommateur docile. Dormez en paix bonnes gens les GAFA veillent sur vous. Vous leur êtes très chers. Ils travaillent à prolonger la vie du consommateur que vous êtes. Et peut-être même mieux. Ils travaillent à faire de vous un être virtuel qui consommera même lorsque votre corps sera réduit en poussière. Le rêve, non ?


mardi 13 juillet 2021

1991~~~~Franck Thilliez


"Il allait enfin retrouver un rythme de vie normal, profiter de ses week-ends avec Suzanne avant qu'elle ne s'installe définitivement avec lui, essayer de lui faire aimer cette ville qui lui réserverait vraisemblablement de nombreuses autres affaires compliquées et sordides. Combien de temps tiendrait-il la route ?"

Combien de temps Suzanne tiendra-t-elle peut-on aussi se demander dans une vie de femme de flic du 36 quai des Orfèvres à laquelle Franck Sharko la destine ?

Alors que nombre de lecteurs fidèles de Franck Thilliez, si l'on en juge par sa popularité, ont sans doute déjà les réponses à ces questions, j'avoue quant à moi n'être pas mécontent de débarquer dans les couloirs du 36 sur les traces de Sharko avec ce premier roman de Thilliez pour moi. S'il remonte le temps pour les fidèles, il me fait quant à moi prendre l'histoire à sa source. Je sais d'ores et déjà que je suivrai le cours des aventures, promises "compliquées et sordides", de celui qui est devenu commissaire sous la plume de Franck Thilliez. Cette mise en bouche m'a ouvert l'appétit pour le reste du menu qui s'affiche depuis longtemps déjà sur les étals des libraires, et que j'avais méprisé jusqu'alors.

C'est donc un bleu qui débarque dans le sanctuaire de la Crim en 1991, au 36. Ce seul numéro sur un quai suffisait à évoquer le lieu mythique. Il y est accueilli avec circonspection par les anciens. On ne s'en étonne pas. Intégrer la Crim du 36 n'est pas y être admis. Sharko va devoir faire ses preuves, à commencer par sortir de cette forme de placard dans lequel on l'affecte d'emblée, à compulser les archives pour une affaire restée non résolue sans être encore classée : le meurtre de trois femmes quelques années avant son arrivée. Cadeau de bienvenue au petit nouveau pour qu'il se fasse les dents et montre de quoi il est capable par la même occasion.

Mais s'il est jeune, cet inspecteur qui postule au nec plus ultra de la Crim, il n'est pas dénué de personnalité pour autant. Et plus que de personnalité, de psychologie. Il a compris qu'il ne fallait pas jouer les gros bras avec les anciens, sans toutefois se laisser marcher sur les pieds. Il saura faire sa place en leur montrant qu'il a de l'intuition et de la persévérance. Les fervents de Sharko le savent bien, eux qui attendaient de Franck Thillier qu'il leur parle de ses débuts. C'est chose faite avec 1991. Ce dernier nous dresse la caricature de son héros fétiche plus par ses qualités morales et intellectuelles que physiques. Au lecteur de se faire le portrait d'un homme qui ne manque ni de disponibilité, c'est le moins qu'on attende d'un jeune à la Crim, ni de courage. Mais pas le courage de l'inconscience, le courage lucide de celui qui veut réussir sa carrière autant que sa vie amoureuse. Une gageure ? Dans le métier ce n'est pas gagné d'avance. Les exemples ne manquent pas de ceux qui n'ont pas été au bout de leur contrat de mariage quand ce n'est pas au bout de leur carrière.

Ce personnage me paraît d'emblée engageant, voire sympathique. Il n'a rien du super héros qui bouscule tout sur son passage, monopolise le regard des femmes et terrorise les truands. C'est ce qu'on peut appeler un mec normal - le langage populaire n'est pas déplacé dans le contexte. Un homme de la vraie vie, un authentique. On peut même dire que dans 1991, il ne focalise pas particulièrement l'attention. Il est celui qui débarque, mais à qui on promet quand même un bel avenir en épilogue, parce qu'on sait que les malfrats travaillent pour lui, pour lui construire un avenir. Aussi parce que c'est Sharko, et que son personnage peuple déjà les étals des libraires. Une dizaine de romans témoigne des "affaires compliquées et sordides" desquelles il s'est sorti, pour la plus grande popularité de son auteur.

1991 est un ouvrage réaliste à plus d'un titre. Outre les timides débuts du novice qui doit s'intégrer dans la prestigieuse brigade, il s'agissait de restituer le contexte d'une époque où pour téléphoner il fallait trouver une cabine, où l'ADN n'avait pas encore déployé toutes ses possibilités et l'informatique balbutiait. Il fallait aussi concevoir une intrigue dans laquelle dédoublement de la personnalité et les troubles psychiques liés à l'orientation sexuelle se concevaient dans l'environnement d'une société encore empesée par les non-dits dans ce domaine.

Cet ouvrage à l'écriture agréable et fluide qui implique avec bonheur l'univers de la magie et les pratiques vaudous clandestines. Ces milieux occultes s'entrelacent à merveille dans cette première affaire qui donne l'occasion au petit nouveau de la Crim de montrer qu'il n'a ni les deux pieds dans le même sabot ni le cerveau comprimé par la pression du métier. Et disons-le tout net, sans ne rien dévoiler de l'intrigue, Sharko aura gagné son ticket d'admission à la célèbre brigade. Mais ces premières enquêtes lui auront donné quelques sueurs froides et un joli cas de conscience quand un collègue, un ancien, pourrait bien avoir fait quelque entorse à la déontologie. Des enquêtes qui, accessoirement, auront fait passé un drôle de réveillon à notre jeune inspecteur, mais il n'est pas nécessaire de le dire à Suzanne. Elle pourrait bien remettre en question ses projets d'alliance et de vie parisienne.