A plusieurs reprises dans cet ouvrage il est fait référence à un autre du même auteur : le manuscrit inachevé. Il était deux fois est une forme de suite de ce dernier qui en dépit des épisodes d'amnésie frappant ses héros nous dévoile ni plus ni moins que la vraie fin du Manuscrit inachevé, celle de la main de Caleb Taskman lui-même. On se souvient que l'épilogue du Manuscrit inachevé était de la main de son fils Jean-Luc, les dernières pages ayant disparu à la mort du célèbre auteur de polar, au grand damne de son éditeur.
Avec les troubles de la mémoire, il en est une autre constante entre ces deux
romans, plus morbide celle-là, qui est le dépeçage des corps. Et sans surprise,
les jeunes filles n'ont pas le beau rôle dans ces funestes intrigues. Leurs
beautés insouciantes sont des proies tout désignées pour les détraqués qui
peuplent les pages des thrillers version Franck Thilliez.
Mais là malheureusement il n'a rien inventé. On aimerait que ce ne soit qu'œuvre
d'imagination d'auteur, mais si Thilliez en
a beaucoup d'imagination la réalité lui suggère trop souvent les scénarii les
plus sordides.
La famille torturée par la disparition de leur enfant est cette fois-ci celle
d'un gendarme. Les facultés et compétences du professionnel de l'enquête qu'il
est seront ainsi mises à contribution pour le compte des sentiments qu'il porte
à sa famille. Pareilles circonstances lui font prendre conscience que son
métier a bouffé sa vie de famille. Il se reproche un peu tard de ne pas avoir été
suffisamment démonstratif dans l'affection qu'il porte à femme et enfant. Cette
enquête l'impliquant personnellement, il devra quitter l'institution et
déployer ses forces et ténacité à rechercher sa fille sans désarmer des années
durant. Ce sera la preuve d'amour tardive qu'il se fera à sa fille disparue.
Son accident de mémoire complique les choses, il devra refaire connaissance
avec lui-même et en observateur extérieur de sa propre vie faire le point sur
son sort : passé qu'il faut redécouvrir, présent voué à la quête, avenir de
solitude à n'en pas douter, son mariage n'ayant pas résisté aux épreuves. Cette
période de sa vie occultée par l'amnésie viendra inévitablement corser les
recherches. Cela deviendra une enquête dans l'enquête. Au lecteur de recoller
les morceaux. Mais faisons confiance à Thilliez pour
lui compliquer la tâche.
Les palindromes se rappellent à nous dans cet ouvrage avec toujours le même
mystère quant à leur signification et raison d'être dans l'intrigue. Est-ce une
ouverture vers
un prochain tome qui permettrait de mettre la main sur un personnage à qui la
vraie fin dévoilée a permis de se faire la belle ? Il y a beaucoup de dualités
dans ces ouvrages auxquelles nous ouvre le titre de celui-ci. M'est avis qu'à
l'heure où j'écris ces lignes le cerveau de Franck Thilliez,
qui ne doit pas souvent être au repos, échafaude déjà une nouvelle conspiration
entre malfrats et détraqués pour mettre notre sagacité de lecteurs à
contribution.
Excellent polar que celui-ci. Il distille son épilogue au compte-gouttes au fil
des chapitres. Cela ne présente pas le côté artificiel de ceux qui sortent le
coupable du chapeau à la dernière page. C'est fort en névroses et en abjection.
La morale n'y trouve pas forcément son compte, pas plus que la justice pour le
coeur de parents privé de leur enfant dans d'horribles conditions. Il y a quand
même une bonne dose d'accablement dans ces romans. Le happy end ne semble pas
être une vertu chez Thilliez.