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mardi 27 juin 2023
Hôtel Castellana ~~~~ Ruta Sepetys
vendredi 23 septembre 2022
Les diables de Cardona ~~~~ Matthew Carr
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Pour ma 666ème chronique il fallait que j'invite le diable à la fête sur Babelio. Bien qu'avec cet ouvrage de Matthew Carr, le diable n'est pas forcément celui qu'on croit.
Dans l'Espagne de sa majesté très catholique en cette fin de XVIème siècle la
justice du roi ne peut ignorer les menées de cette autre institution qui quant
à elle veut faire appliquer la justice de Dieu : la bien nommée Inquisition. Or
nous savons depuis déjà fort longtemps qu'au Créateur du ciel de la terre on a
pu faire dire tout et son contraire, puisqu'il brille par son silence, surtout
quand il s'agissait de préserver quelque monopole bien lucratif.
En cette fin de siècle post Reconquista lorsque le prêtre de Belamar de la
sierra est assassiné l'inquisiteur a tôt fait de désigner le coupable, lequel
se ferait appeler « le Rédempteur », dans les rangs de ceux qu'on désignait
alors sous le vocable de morisques. Il n'était autre que ces maures n'ayant eu
d'autre choix que de se convertir au christianisme ou quitter l'Espagne dans
laquelle ils étaient nés.
Un magistrat, Bernardo de Mendoza, est désigné pour mener l'enquête. Sa majesté
a beau être très catholique elle ne veut pas laisser à l'Inquisition le soin de
désigner elle-même des coupables qu'elle aura tôt fait avouer sous le fer rouge
ou l'estrapade.
Enquête mouvementée et à rebondissements pour notre magistrat. Il devra faire
la part des choses entre conflits religieux et autres intérêts plus triviaux
lorsque la belle et riche comtesse de Cardona se retrouve veuve, et donc fort
convoitée. Les prétendants pourraient alors bien être à l'origine de complots
bien orchestrés pour détourner les regards de leur responsabilité. En pareille
contexte le diable est bel et bien à rechercher parmi ceux qui affichent un
visage d'ange.
L'intrigue est ponctuée de moultes péripéties qui donnent un rythme effréné à
ce roman. le fonds historique est bien documenté et témoigne d'une solide
culture de son auteur en matière de religion. Là où cela se gâte à mes yeux
c'est dans le dénouement. Les gènes américains de l'auteur ont refait surface
et transformé le roman de cape et d'épée en western. Qu'on en juge par quelques
citations : « les mains en l'air et ne bouge pas », « vous êtes en état
d'arrestation dit Mendoza », ou encore par des combats qui font plus parler les
pistolets, qui n'avaient rien d'automatique au 16ème siècle, que fendre les
épées ou piquer les dagues. Chassez le cow-boy et il revient au galop pour que
justice soit rendue et le coupable pendu haut et court. Et l'infidèle soustrait
à la justice divine au grand dépit de l'inquisiteur lequel lui aurait forcément
dicté des aveux.
Cette dérive entache quelque peu le roman d'un anachronisme de situation et de
langage. Il reste pourtant de bonne facture et trouve son intérêt quand il
s'agit se remémorer un contexte historique et dénoncer des pratiques
judiciaires d'un autre temps : selon que vous serez puissant ou misérable, etc…
etc…
samedi 16 août 2014
Les révoltés de Cordoue ~~~~ Ildefonso Falcones
Comment se faire une idée de ce que pouvait être la vie des petites gens dans le sud espagnol, à la fin de la Reconquista, si ce n'est en lisant Les révoltés de Cordoue.
Des êtres sur le qui-vive perpétuel, dans un monde où règne la loi du plus fort. Des animaux traqués en quête de leur subsistance quotidienne, dans une société régie par les coutumes et la foi. La hiérarchie était celle de la naissance, la légitimité de toute position sociale celle de Dieu et la loi dictée par la religion. Bien piètre perspective pour le mal-né, le manant. Il n'avait alors de salut que dans le choix d'une mort fidèle à sa foi religieuse.
S'il est une constante en ce monde ce sont bien les conflits inter religieux. Notre actualité nous le prouve tous les jours. En cette fin de XVIème siècle en Espagne, après les juifs, un siècle plus tôt, les musulmans d'Andalousie à leur tour n'ont d'autre choix que se convertir ou s'expatrier, après sept siècles de coexistence confessionnelle.
C'est l'atmosphère dans laquelle évolue Ibn Hamid, alias Hernando Ruiz, maure espagnol traqué par une inquisition triomphante à l'heure où le christianisme reprend le monopole des consciences. Et pourtant, en dépit du double handicap d'être né maure et au bas de l'échelle sociale, notre héros va naviguer en eaux troubles, rejeté par les siens, mal accueillis par les chrétiens, et curieusement monter dans l'échelle sociale grâce aux sauvetages que sa philanthropie lui dicte aux hasard de ses revers de fortune.
Né d'une femme violée par un prêtre, il consacrera sa vie à tenter de mettre en
évidence les traces dans la genèse de chaque religion qui pourraient les
rapprocher et les faire vivre en harmonie. Il gardera au coeur l'amertume de
voir ces deux mondes restés irréconciliables
Les cruautés sont le lot quotidien de ces êtres enchaînés par leur foi. On
s'étonne de la froide détermination des tortionnaires à tailler dans les
chairs, briser les membres, faire couler le sang, arracher les enfants à leur
mère. On s'étonne encore plus à voir les suppliciés chevillés à leur foi, lui
rester fidèles sous le calvaire de la question. Doux euphémisme qui ne traduit
pas son lot d'horreur et de souffrance. Les sentiments, les convictions sont
d'autant plus forts que le contexte dans lequel il s'exprime est féroce.
C'est un ouvrage qui montre la force de l'ancrage de la religion transmise à la naissance, perpétuée par l'éducation, la force des femmes qui, plus que les hommes, endurent les conséquences des conflits, la force des sentiments de cette époque régie par des valeurs dont notre monde d'aujourd'hui se démunit.
Toutefois, l'écueil potentiel avec ce genre de gros volume est de provoquer des
longueurs dans l'intrigue. La plume facile d'un auteur capable de produire une
telle fresque historique romancée peut fort bien être trahie par son souci du
détail et se trouver à la peine pour conserver l'attention de son lecteur au
long de certains chapitres. C'est un peu ce qui se produit avec cet ouvrage
d'Ildefonso Falconnes. Il n'aurait pas démérité avec une réduction d'un bon
tiers de son nombre de pages. A l'instar de la
cathédrale de la mer qui m'avait incité à m'attaquer à ce nouveau
roman de son auteur.
La traduction a-t-elle aussi peut-être modernisé certaines expressions au point de les rendre presque anachroniques ? Les révoltés de Cordoue, qui aurait pu conserver son titre original, La main de Fatima, n'en reste pas moins un excellent ouvrage remarquablement documenté sur une période douloureuse de l'histoire de l'Espagne. Je le recommande aux amateurs de beaux romans historiques.
jeudi 8 mai 2014
La cathédrale de la mer ~~~~ Ildefonso Falcone
Je déconseille fortement la lecture de cet ouvrage à qui veut rester maître de son temps. Dans le train vous laisserez passer votre arrêt, votre rendez-vous chez des amis. C'est un livre qui vous soustrait à votre quotidien. On est emporté au fil des pages qui se tournent, et lorsque la lecture fait une pause, par obligation, il faut se réapproprier le présent.
Ce parcours de vie dans la Barcelone médiévale est rythmé, haletant, soutenu.
Il n'y a ni longueur, ni relâchement.
C'est un ouvrage sur l'inhumanité des relations sociales du moyen-âge avec ses
extrêmes dans les conditions de vie. C'est un ouvrage sur la force des
sentiments, sans mièvrerie ni attendrissement. C'est un livre sur la tolérance
entre religions quand le Christianisme revendique l'exclusivité.
On y ressent la douleur des corps sous le poids des charges, la moiteur de la
peau dans le labeur exténuant, les odeurs pestilentielles des locaux
d'incarcération, le frôlement de la peau duveteuse des rats dans les cachots,
l'angoisse des esprits sous la menace de l'inquisition, la ferveur des
consciences pour lesquelles la croyance est la seule bouée de sauvetage.
On touche la sécheresse des corps décharnés atteint par la maladie et la
malnutrition. On s'imprègne du désespoir et de la résignation. On enrage
d'injustice.
Heureusement qu'il y a le sourire de la Vierge.
C'est poignant de vérité, touchant de sensibilité, vibrant de ferveur, glaçant
d'angoisse, mais aussi parfois palpitant de sensualité contenue. Les cinq sens
sont mis à contribution dans ce roman d'immersion spatiale et temporelle. Mais
aussi ce que ne perçoivent pas les sens et qui fait que des corps s'attirent,
se repoussent, s'unissent, se déchirent.
Bien sûr il y a quelques raccourcis dans les parcours de vie qui s'écartent et
se recroisent et mettent à mal la vraisemblance, mais globalement c'est criant
de vérité, évocateur d'histoire.