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dimanche 20 octobre 2019

L'âme brisée ~~~~ Akira Mizubayashi

 



la matière sonore
Un violon a une âme. Ce n'est pas seulement cette petite pièce d'épicéa qui, placée sous le chevalet, transfert les sons de la table d'harmonie vers le fond de l'instrument. L'âme du violon c'est aussi sa sonorité. Elle caractérise sa personnalité propre. Lorsque la mèche de l'archet évolue sur les cordes et fait naître ce qu'Akira Mizubayashi désigne comme "la matière sonore", l'instrument-objet s'éveille, s'anime, prend vie. Sa sonorité stimule la sensibilité humaine. Érigée en principe d'immortalité, l'âme de l'instrument entre alors en connivence avec celle de qui perçoit la magie des vibrations sublimes.

Kurokami doit se traduire par Dieu Noir. Choisi à dessein pour sublimer le personnage, c'était le nom de cet officier qui, dans le Japon d'avant-guerre, avait ramassé le violon piétiné par son subalterne, lequel exerçait son zèle à la chasse aux sorcières pacifistes. le lieutenant Kurokami avait alors confié l'instrument mutilé à l'enfant découvert dans sa cachette. Son père venait d'être arrêté par les siens en pleine répétition. Il n'a pu sauver le père. Il a épargné l'enfant.

Suprême communion qui fera revivre l'un et l'autre, l'instrument et l'être aimé

Une fois entré dans la compréhension du malheur qui venait de le frapper, ce dernier s'est fixé pour raison de vivre de reconstruire le violon de son père. Adopté par un couple de Français, il est devenu luthier. Reconstruire le violon c'était lui redonner son âme. C'était faire renaître celui qui avait fait vibrer ses cordes : son père. Suprême communion qui fera revivre l'un et l'autre, l'instrument et l'être aimé, dans des circonstances qu'il ne faut pas dévoiler dans ces lignes mais me font saluer une nouvelle fois cet auteur qui m'avait captivé avec Petit éloge de l'errance.

Akira Mizubayashi, l'auteur à la double culture nous adresse là encore un éloquent plaidoyer contre les dérives autoritaires et son corollaire, la haine. Sentiment aveugle et nauséabond, capable de commettre l'outrage suprême, anéantir des artisans de paix : le musicien et son instrument.

Âme brisée est ouvrage d'autant plus fort que, sur un thème artistique qui conduira les uns et les autres lecteurs à s'enquérir des références musicales qu'il comporte, le texte est doux et lent. C'est une mélodie nostalgique que le violon interprète à l'oreille du lecteur subjugué. C'est un superbe roman.


Akira Mizubayashi
Akira Mizubayashi est un écrivain japonais d'expression japonaise et française, né le 5 août 1951 à Sakata au Japon 

samedi 3 novembre 2018

Petite éloge de l'errance ~~~~ Akira Misubayashi

 




En voyant au travers des médias le comportement des Japonais en réaction à la catastrophe de Fukushima, ou encore lors de la dernière coupe du monde de football, quand leurs supporters ont été les seuls, en fin de match, à nettoyer les tribunes des reliefs de leur exubérance, je me suis dit que nous n'étions pas faits du même bois. C'est donc avec le plus vif intérêt que j'ai trouvé dans les pages de cet opuscule d'Akira Mizubayashi, Petit éloge de l'errance, l'éclairage propice à m'engager dans cette réflexion sur les différences de comportement des uns et des autres selon la formation mentale des cultures respectives.

Japonais de naissance, Akira MIzubayashi a fait ses études de lettres en France. Il en manie la langue avec un talent propre à déchoir nombre d'entre nous, pourtant nés dans le bain amniotique de la langue de Molière. Cet homme de lettre à la double culture était donc tout indiqué pour faire le distinguo des mentalités nippone et occidentale.

Avec ma propension à louer le sens collectif qui anime les Japonais, j'avais oublié que la nature humaine étant ce qu'elle est, d'un bout à l'autre de la planète, il n'est point de complexion parfaite quand on l'accommode à l'intelligence. Cela se saurait. Et Akira Mizubayashi de nous décrire les us et coutumes de ses compatriotes comme un "mode d'existence communautaire indestructible qui, foyer du conformisme rampant, entrave et empêche l'apparition d'êtres singuliers associatifs et leur avancée sur le chemin d'une véritable appropriation démocratique." le mot est lâché.

Il pousse ainsi ses craintes au point de voir le Japon en retourner à ses vieux démons, ceux-là mêmes qui ont conçu ce corps étatico-moral de l'ère Hirohito. Son pays natal s'inventerait alors une nouvelle incarnation spirituelle de morale collective, apte à "réinventer un être en commun dans une société que l'on pourrait qualifier de "tout à l'ego". Appréciez l'association d'idée qui connote une certaine répugnance pour l'agglomération des êtres singuliers en un cloaque englobant et dénaturant la personne pour la diluer dans une mouvance omnipotente et souveraine.

Vu sous cet angle, on trouve le nettoyage des tribunes moins séduisant. Où se trouve donc l'idéal humaniste ? Sans doute dans l'errance, nous convainc Akira Mizubayashi. Errance qu'il ne faut pas confondre avec itinérance, laquelle trace des chemins à suivre. Errance qui comporte ses parts de solitude et d'incertitude. Errance linguistique au final, et pourquoi pas, qui dans le choix d'une langue épousée en contre pouvoir d'une langue imposée, confère le bagage culturel, l'ouverture d'esprit indispensable à l'élévation. Sortir de l'enfermement.

Comme toujours, entre l'orient et l'occident, tous deux empesés de leurs culture et traditions, doit bien se trouver une aire de compromis, accessible à la seule errance. Il s'agit donc bien de faire l'éloge de cette dernière, puisque plus proche d'une lucidité, véritable source d'humanisme.