Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

vendredi 18 novembre 2022

La colline aux corbeaux (Les dents noires tome 1) ~~~~ Heliane Bernard et Christian-Alexandre Faure

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Ce premier opus de la trilogie Les dents noires me donne-il le goût de lire les autres ? A cette question je réponds d'emblée que je viens de faire l'acquisition du second. Je complète ce préambule en précisant que j'ai des affinités avec l'histoire. Avec un grand H quand elle relate les faits communément admis par les spécialistes. Avec un petit h quand elle comble les lacunes de l'historiographie par une intrigue plausible. Le talent résidant en la faculté d'inclure cette intrigue dans les faits avérés. Cet ouvrage peut se lire comme une roman tout court mais, pour fixer les esprits, s'il est une date que le plus grand nombre a retenu, c'est bien 1515.

Avec Les dents noires nous remontons en effet en ce début du règne de François 1er qui connaît la naissance de l'imprimerie. De tout temps les inventions ont eu leurs détracteurs. Des nostalgiques bien sûr de voir la machine remplacer la main de l'homme. Plus souvent des craintifs de voir leur propre commerce construit sur les méthodes ancestrales s'effondrer avec la survenance des techniques nouvelles. Mais pas seulement.

L'invention de l'imprimerie c'est aussi l'accession d'un plus grand nombre à la connaissance. C'est l'assurance de voir s'éclaircir l'obscurantisme savamment entretenus par ceux, au premier rang desquels les membres du clergé, dont le pouvoir reposait sur l'ignorance des masses. Les auteurs de cette trilogie font bien ressortir cet aspect.

Mais un roman historique, c'est avant tout un roman de la vie des hommes et des femmes dans le contexte d'une période choisie. Vie des hommes avec leurs joies, si peu nombreuses, et leurs peines d'autant plus abondantes que les temps étaient rudes. Heliane Bernard et Christian-Alexandre Faure nous adressent un ouvrage bien écrit et bien construit, avec des chapitres nommés et numérotés dont les titres et sous-titres nous avertissent des faits à venir. Un ouvrage dont la pédagogie ne nuit pas à l'intrigue. On y apprend par exemple, entre autres nombreuses notions historiques ou étymologiques, l'origine du mot ghetto, celle du nom de colline aux corbeaux attribuée par ses fondateurs à la ville de Lyon. Le texte est augmenté de représentations cartographiques de l'époque qui ne manqueront pas de parler aux Lyonnais.

Bel ouvrage qui repose sur un travail de documentation sérieux et sur un talent certain pour y inclure une intrigue n'ôtant rien de leur sensibilité aux personnages de ce drame. Car c'en est un. On ne bravait pas impunément les puissants en ces temps entre bas Moyen-âge et Renaissance.




mardi 1 novembre 2022

Le cimeterre et l'épée ~~~~ Simon Scarrow

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Quelle est la vraie foi ? Celle des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem ou celle des Turcs de Soliman le magnifique. La question se pose de nos jours avec autant d'acuité puisque d'aucuns sont encore portés à entrer en guerre, dite sainte, pour imposer leur réponse. On n'a aujourd'hui pas beaucoup progressé sur le sujet, même si les luttes auxquels il donne prétexte sont moins ouvertes, plus insidieuses, mais parfois toujours aussi fatales. La croyance échappe à la raison comme le rappelle Simon Scarrow dans cet ouvrage en citant le paradoxe d'Epicure :

Ou bien Dieu veut éliminer le mal et ne le peut
Et il n'est pas tout puissant.
Ou bien il le peut et ne le veut pas,
Et il est malveillant.
Ou bien il le veut et le peut,
Et d'où vient donc le mal en ce monde.
Ou bien il ne le veut ni ne le peut,
Et pourquoi l'appeler Dieu.

L'épisode qui illustre ce mal que sont les guerres de religion, évoqué par Simon Sarrow dans son ouvrage, est celui de la tentative de prise de l'île de Malte en 1565 par les troupes turques de Soliman. Île de Malte en laquelle s'étaient réfugiés les Hospitaliers en 1530 après avoir été chassés successivement de Jérusalem, de Chypre puis de Rhodes, à chaque fois bousculés par la conquête ottomane. A Malte, ils résistèrent tant et si bien sous le commandement de Jean de la Valette - lequel laissa son nom à l'actuelle capitale de Malte - que les Ottomans abandonnèrent leur projet d'anéantir L'Ordre. Ce n'est finalement que notre empereur Napoléon qui en vint à bout en 1798.

Les récits de guerre comme celui-là rebutent très vite leur lectorat, surtout lorsque l'issue du combat est connue d'avance par le féru d'histoire. C'est à n'en pas douter ce qui pousse les auteurs de ce genre, Simon Scarrow n'échappe pas à la règle, à rehausser leur récit d'une intrigue, qu'elle soit amoureuse, politique, d'un quelconque secret de filiation ou d'un autre registre. Mais si dans les guerres comme dans la vie de ce temps foi et honneur commandaient au comportement, ce savoir être n'avait d'égal que la sauvagerie des combats. Ces derniers se faisant au corps à corps, avec le cimeterre et l'épée les amateurs de corps taillés en pièces y trouveront leur compte.

L'intrigue qui rehausse dans le cimeterre et l'épée fait la part belle à la coïncidence et à la persistance des sentiments. La première, artifice de construction, nuit quelque peu à la crédibilité de l'intrigue. Quant à la persistance des sentiments par-delà les décennies, j'ai bien peur que notre mode de vie moderne confortable ait eu raison de toute réminiscence d'esprit chevaleresque. Pour le reste, l'amateur d'histoire appréciera le talent et le travail de documentation de Simon Scarrow.