Connaissance des auteurs
- ACCUEIL
- Albert Camus
- Antoine de Saint-Exupéry
- Alexandra Lapierre
- Christian Bobin
- Daphné du Maurier
- Dominique Bona
- Emmanuel Carrère
- Fernando Pessoa
- Franck Thilliez
- Haruki Murakami
- Hélène Bonafous-Murat
- Gilbert Sinoué
- George Orwell
- Jane Austen
- Joseph Kessel
- Joyce Carol Oates
- Jean-Christophe Rufin
- Marguerite Yourcenar
- Mario Vargas Llosa
- Michel Houellebecq
- Milan Kundera
- Philippe Labro
- Pierre Loti
- René Frégni
- Romain Gary
- Stefan Zweig
- Sylvain Tesson
- Yukio Mishima
Ouvrages par genre
lundi 16 août 2021
dimanche 4 février 2018
Dalva ~~~~ Jim Harrison
"Je ne sais pas pourquoi je
vous raconte tout ça." C'est Dalva qui nous parle en ces mots. Elle
n'imagine pas que sa vie puisse intéresser qui que ce soit. Et pourtant !
Dalva maudit ce destin qui lui a
fait perdre les trois hommes de sa vie. Son père, trop tôt emporté par la
guerre. Duarne, le père de son fils, jeune indien Sioux qui n'a pas trouvé sa
place dans le monde des blancs. Et ce fils qu'elle n'a pu aimer que le temps de
sa grossesse. Arrivé trop tôt dans sa vie, il a été confié à une famille
d'adoption dès son premier cri.
Dalva trompe son désenchantement
dans des aventures sans lendemain avec des hommes qui profitent des grâces de
son corps sang mêlé, magnifiquement modelé par le lointain métissage d'un de
ses aïeuls avec une indienne. Elle a confié à Mickael, l'un de ses amants et
narrateur d'un chapitre de ce roman à deux voix, la tâche de reconstituer
l'histoire de cette famille à laquelle elle appartient. A un autre celle de
retrouver ce fils qu'elle n'a pas pu voir grandir. S'il est encore de ce monde,
ce dernier décidera alors lui-même s'il veut ou non connaître sa mère
biologique. Personne ne possède jamais un enfant. Il n'appartient qu'à
lui-même.
Dans le pays où les distances se
mesurent en heures de route ou de vol, les directions se désignent par les
points cardinaux, l'histoire se rappelle à ses habitants avec d'autant plus
d'acuité que son origine est récente, à peine quatre siècles. Et qu'elle
commence par un génocide. La mémoire n'a pas d'effort à faire pour la revivre cette
histoire, mais pour qui a le courage de scruter ce passé, l'horizon est tendu
d'un voile noir. Jim Harrison est de ceux-là. Il n'a de mots assez durs pour se
mortifier de cet héritage : "Si les nazis avaient gagné la guerre,
l'holocauste aurait été mis en musique, tout comme notre chemin victorieux et
sanglant vers l'Ouest est accompagné au cinéma par mille violons et
timbales."
Les origines de Dalva ont croisé
celle des indiens Sioux. Cette trace dans ses gènes lui confère une affinité
accrue avec le peuple disséminé. Et plus que connaître l'histoire de sa
famille, elle veut la comprendre. Comment un ancêtre a-t-il pu prendre le parti
d'un peuple martyrisé et en même temps s'enrichir, et plus encore, se rabattre
sur le christianisme pour justifier sa cupidité ? Il y a comme "un lest
empoisonné qui pèse sur une partie de son coeur."
Jim Harrison rejette les
tripatouillages mentaux dont est friande la civilisation moderne à d'autre fin
que de détourner les esprits d'une quelconque culpabilité. Il raconte la vie de
ses contemporains comme elle est, regrettant toutefois ce qu'ils en font,
déplorant l'échec de l'éducation pour éliminer "la loufoquerie
fondamentale de l'esprit américain".
Seule la terre perdure, les êtres
passent. Jim Harrison est en symbiose parfaite avec la nature. Elle le verse à
sa contemplation, fasciné qu'il est devant le spectacle de la terre, écrin de
la vie des hommes dont ils font pourtant si peu de cas. Somptueux décor qui le
transporte en méditation, inépuisable source d'inspiration dans la compagnie de
ceux qui vivent la terre sans l'avilir d'orgueil et de cupidité, les animaux.
Il y a toujours des chevaux, des chiens, dans la proximité de ses personnages.
C'est la délivrance brute et spontanée de cœurs qui se confessent plus qu'ils ne se confient
Cet ouvrage est écrit comme se
raconte l'histoire dans la conversation. Un fouillis d'idées traversent
l'esprit du narrateur et donne lieu à de longues tirades de monologues décousus
où s'enchaînent pêle-mêle des événements parfois sans rapport les uns avec les
autres. le rythme est tel qu'il n'est point de place pour l'apitoiement. C'est
la délivrance brute et spontanée de cœurs qui se confessent plus qu'ils ne se
confient. C'est un style pauvre en conjonctions propres à faire rebondir le
récit et entretenir le suspens. L'esprit se vide de ses pensées dans un flot
que ne retient aucune pudeur.
Les enfants doivent-ils se
culpabiliser des méfaits de leurs ascendants ? Dalva veut comprendre qui pleure
en elle.
Formidable texte sur les traces
que l'histoire grave dans les gènes des générations.
Formidable ode à la nature qui
doit en digérer une autre, humaine celle-là, leurrée par ses chimères.
vendredi 5 janvier 2018
La fille du fermier ~~~~ Jim Harrison
Une obsession, la vengeance. Et qui veut l'assouvir aux États-Unis n'est pas en peine de disposer d'une arme.
Sarah est une jeune adolescente
plutôt sage. Elle n'a pas d'appétence particulière pour la chose sexuelle. Elle
est séduisante avec sa beauté naturelle juvénile qu'elle ressent curieusement
pourtant plus comme un fardeau que comme atout. La solitude est son refuge
depuis qu'elle a perdu le vieux Tim. Son grand âge lui était une sécurité.
Lors d'une soirée de fête locale,
elle sera droguée et violentée par le fils d'un riche propriétaire voisin connu
pour ses frasques. Sarah ne dira rien de son malheur, de sa souffrance.
Bénéficiant de l'indépendance que lui laisse son père, elle a décidé de se
venger. Toute seule.
Jim Harisson, le vieil homme au
physique cabossé, disgracieux, à la voix d'une gravité rocailleuse parvient à
se glisser dans la peau de ce personnage aux antipodes de sa propre
personnalité. Il fait preuve d'une empathie inattendue pour adopter l'état
d'esprit de cette jeune fille meurtrie. En explorateur de la nature humaine, il
envisage dans ce roman très court qu'à seize ans une jeune fille puisse déjà
être désenchantée par la vie. Mais peut-être donne-t-il trop de lui, de son
expérience à cette adolescente.
La nature sauvage, immense,
souveraine, sert d'écrin à cette histoire de la violence des hommes. On le sait
contemplatif de ses splendeurs, son chien couché à ses pieds. Il la décrit
comme il la voit. Belle, simple, évidente. C'est sa manière de la célébrer.
Avec sa sagesse désabusée, Jim
Harrison ne se fait plus d'illusion sur le comportement des hommes dont il
connaît trop les mauvais penchants. Il les décrit quant à eux comme ils sont,
avec les défauts qu'il leur connaît si bien, dont celui de la violence, surtout
quand elle s'en prend à l'innocence.
Avec son écriture pressée comme
une folle chevauchée dans les collines, il passe d'une idée à une autre sans
transition superflue. C'est sa manière de parler des petites gens, des meurtris
par la vie, des laissés pour compte dont il prend le parti. Il y a comme une
urgence à leur donner la parole. Ce premier ouvrage que je lis de Jim Harrison
m'engage à faire plus ample connaissance de son œuvre. Et de lui au travers de
celle-ci.