J'ai bien peur que notre rapport à la nature ne nous
autorise plus aujourd'hui la pleine compréhension de l'état d'esprit de ces
gens dont la vie en dépendait directement. Ils vouaient alors à la terre un
attachement respectueux dans une relation presque charnelle. Elle monopolisait
la quasi exclusivité de leurs préoccupations, usait la force de leur corps. Ils
en espéraient de quoi subsister.
Dans le Mas Théotime, Henri Bosco nous
convie chez ces gens, sur leurs terres. Défendant bec et ongles chaque arpent
de leur propriété ou de leur fermage. La force de son verbe nous dit l'âpreté
d'une vie de labeur à endurer la rigueur des saisons, à surveiller le temps, à
craindre pour la récolte.
Il fait partie de cette génération d'écrivains qui à l'inspiration allie
maîtrise de la langue, fonds d'érudition authentique, références littéraires
sous-jacentes et font de chaque phrase de leur texte une ambassadrice de leur
ressenti. Ils produisent une écriture qui analyse les caractères jusqu'à
l'indiscrétion, dépeint les décors avec la précision du figuratif. Parfois même
un peu trop quand elle s'appesantit sur le détail à longueur de page. On a
perdu l'habitude de ces exercices dont le fond est sublimé par la forme.
Henri Bosco est de ceux-là. Au mutisme des taiseux il sait puiser les
états d'âme. Au regard répandu sur la parcelle ensemencée il sait faire dire la
prière silencieuse d'une moisson généreuse. Prière adressée à ce dieu devant
qui ils courbent l'échine, qu'ils visitent en son église le dimanche, en
ruminant une sourde rancœur tant il est avare de ses faveurs, mais prudente
tant son courroux est craint.
Chez les gens de la terre le sentiment a peu de place dans la journée de
travail. L'amour est accessoire. Il ne fait pas le poids dans la balance quand
les intérêts sont en jeu, les alliances imposées. Aussi ne s'exprime-t-il que
part regard à la dérobée et rougeur au visage.
Le mas Théotime est le théâtre d'un amour qui ne s'exprime pas. Un amour
chaste, qui se contente de la présence de l'autre. Dans l'écrin de la nature
sauvage de Provence le mas Théotime est un ilot de pierre qui
voudrait s'emplir du bruit de la vie des hommes. Mais les cœurs plus arides que
les collines environnantes ne disent pas leur espoir. La terre, cette amante
ombrageuse ne partage pas les attentions. Elle boit la sueur des hommes jusqu'à
ce que vidés de force et d'espoir elle les ensevelisse dans le souvenir des
vivants.
Le mas Théotime c'est une écriture précise qui saisit son lecteur,
l'imprègne, en fait un témoin de la vie des hommes d'un autre temps. Celui où
l'homme honorait cette nature qui bruissaient des chants et battements d'ailes
de milliers d'oiseaux et la campagne embaumait d'autant de senteurs. Une
écriture qui dit la courbature des corps à la peine, la satisfaction du travail
accompli quand le soleil descend sur l'horizon. Mais aussi la frustration des cœurs.
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Ouvrages par genre
jeudi 20 avril 2023
Le mas Théotime ~~~~ Henri Bosco
dimanche 30 août 2020
Le trestoulat ~~~~ Henri Bosco
L'édition Folio du Trestoulas d'Henri Bosco comporte en fait deux nouvelles qui tiennent leur intrigue en des temps décalés. L'habitant de Sivergues est la deuxième.
Dans un Luberon aux relents de Provence non encore devenu ce lieu de villégiature aux allures de Toscane que l'on connaît aujourd'hui, les gens vivaient au rythme des saisons et aux caprices d'une terre avare de ses faveurs.
Le Trestoulas est un plateau où seuls poussent les cailloux sous le soleil brûlant de l'été. Il retrouve tout à coup de la valeur quand le ventre de la colline ouvre ses enrailles au Clapu, son propriétaire qui était sur le point de s'en défaire. Ce solitaire taiseux y a trouvé le moyen de faire rendre gorge à ceux qui avaient décidé de changer le cours de l'eau. Dans la mentalité et la culture villageoises on ne touche pas à impunément au jet de la fontaine et au miroir du bassin de la place du village qui depuis les temps immémoriaux avaient fait la prospérité du village.
Avec une écriture aussi claire qu'imagée, Henri Bosco nous restitue ce parler du fond de l'âme de ces gens simples qui n'avaient que leur honneur et la fierté de ceux qui vivent de leur travail pour tout bagage. Deux nouvelles qui a leur lecture font chanter à nos oreilles les sonorités de l'accent provençal et resplendir à nos yeux ce qui vaut à cette région l'engouement dont elle jouit aujourd'hui.
mardi 22 décembre 2015
L'enfant et la rivière ~~~~ Henri Bosco
Voilà une belle ode à
la nature. Une ode à l'amitié aussi. Une plaisante histoire pour la jeunesse
dans laquelle les grands y trouveront aussi leur compte, tant l'écriture faite
d'une cascade de phrases courtes et simples est agréable. La lecture s'en trouve
alors comme la rivière, limpide, rapide et impétueuse.
La fraîcheur des
sentiments, la spontanéité des personnages donnent de la délicatesse à ce
conte. J'ai aimé cet intermède dans le climat de notre monde devenu si
compliqué. le texte n'est en outre pas dénué de profondeur.
Un moment de lecture bien sympathique aux délicieuses tournures poétiques. Je
me fais la promesse de m'autoriser d'autres infidélités à la morosité ambiante
de notre monde moderne en me hasardant avec quelqu'autre ouvrage d'Henri Bosco.