Si l'on convient avec Houellebecq que "seule la littérature peut vous donner la sensation de contact avec un autre esprit humain", le voici qui dans Soumission prend les commandes de celui de son lecteur pour en faire un récepteur docile du développement qu'il lui concocte. de la même façon que, selon l'exercice d'anticipation auquel il se livre, l'islam s'installe le plus légalement du monde aux manettes de notre pays, à l'occasion des élections présidentielles de 2022. Comme un certain Adolf en 1933 en le sien. Hypothèse qui en vaut une autre. Ce n'est peut-être qu'une affaire de calendrier.
C'est mon quatrième Houellebecq.
Je retrouve sans peine cette faculté qu'il a d'hypnotiser son sujet avec un
discours fluide et enveloppant. Pour ne pas échapper à la triviale réalité, il
prend soin toutefois de ramener de temps à autre son lecteur au ras des
pâquerettes en l'invitant par exemple à faire les courses au supermarché du
coin et choisir les produits qu'il mettra dans son caddie.
Houellebecq sait
entretenir son lecteur alternativement dans une forme d'ivresse des sens ou un
brouillard de solitude et de frustration en lequel pourtant, en cherchant bien,
un soupçon de sentiment doit bien exister malgré tout quelque part. Ce quelque
part, lueur vacillante dans la brume, étant certainement dans la proximité du
corps féminin. La femme fait certes aussi partie de ce paysage d'une humanité
qu'il exècre, mais elle "apporte un parfum d'exotisme" lui permettant
d'affirmer que la perte de l'envie de vivre n'est à ses yeux pas une raison
suffisante pour mourir.
Le héros de cette anticipation c'est François, universitaire au talent reconnu,
la quarantaine désabusée, âge charnière où tout bascule sur l'autre versant de
la vie. C'est le grand toboggan vers la fin. Cette dernière n'étant pas dans
son esprit l'échéance ultime qui libère de tout définitivement, mais plutôt la
perte de la capacité à séduire celles qui justement sont seules à même d'offrir
quelques instants d'éternité. Lesquels instants régénèrent le corps pendant, et
l'esprit entre deux.
En athée convaincu, ardent pourfendeur du monothéisme, il assiste pourtant avec
plus de circonspection que de peur à l'arrivée au pouvoir du parti de la
fraternité musulmane. Ledit parti installant sa marionnette à l'Élysée en la
personne du chef d'un parti composé que de lui-même : le très consensuel François Bayrou.
Les nouvelles autorités l'écartent du corps enseignant pour incompatibilité
dogmatique. Ce recul imposé lui donne par la même occasion le loisir de
remarquer que finalement ce que d'aucun présente comme le fléau qui s'est
abattu sur la France pourrait en fait bien présenter des arguments de séduction
suffisamment convainquant pour remettre en question certains préjugés.
Un ancien collègue à lui, vieux célibataire endurci pour cause de disgrâce
visuelle et olfactive, ayant déjà franchi le pas, s'est en effet vu attribuer
une épouse en gratification de sa conversion. Une épouse présentée comme la
première et ayant à peine l'âge de passer le permis de conduire. A tout bien
considérer donc, et voici le fil blanc avec lequel notre prix Goncourt coud
habilement cette chasuble littéraire qu'on endosse sans rechigner – je parle
pour les inconditionnels - à tout bien considérer donc, notre professeur de
littérature sur la touche, athée de conviction, désabusé de raison et délaissé
par la passion pourrait bien retrouver les bancs de l'université et les jeunes
étudiantes qui y prennent place. Fussent-elles voilées, elles n'en restent pas
moins candidates aux cours particuliers à domicile. Où le retrait du voile est
autorisé.
A soumission, soumission et
demie. Lui à un dogme qui aurait su faire valoir ses arguments, elles à un
nouveau maître, choisi pour elles, qui n'avait quant à lui plus beaucoup
d'arguments pour les choisir lui-même. Cela tombe bien. Précision grammaticale
au passage : "elles" étant un pronom personnel dont le pluriel qui,
dans le cas présent et eu égard à la notoriété de notre universitaire, peut
aller jusqu'à trois.
Conviction contre passion, drame cornélien à la sauce Houellebecq.
Franchira-t-il le pas ? C'est dans Soumission.
Le raisonnement est bien échafaudé, le style sans métaphore comme d'habitude.