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vendredi 9 août 2019

Soumission ~~~~ Michel Houellebecq


 
Si l'on convient avec Houellebecq que "seule la littérature peut vous donner la sensation de contact avec un autre esprit humain", le voici qui dans Soumission prend les commandes de celui de son lecteur pour en faire un récepteur docile du développement qu'il lui concocte. de la même façon que, selon l'exercice d'anticipation auquel il se livre, l'islam s'installe le plus légalement du monde aux manettes de notre pays, à l'occasion des élections présidentielles de 2022. Comme un certain Adolf en 1933 en le sien. Hypothèse qui en vaut une autre. Ce n'est peut-être qu'une affaire de calendrier.

C'est mon quatrième Houellebecq. Je retrouve sans peine cette faculté qu'il a d'hypnotiser son sujet avec un discours fluide et enveloppant. Pour ne pas échapper à la triviale réalité, il prend soin toutefois de ramener de temps à autre son lecteur au ras des pâquerettes en l'invitant par exemple à faire les courses au supermarché du coin et choisir les produits qu'il mettra dans son caddie.

Houellebecq sait entretenir son lecteur alternativement dans une forme d'ivresse des sens ou un brouillard de solitude et de frustration en lequel pourtant, en cherchant bien, un soupçon de sentiment doit bien exister malgré tout quelque part. Ce quelque part, lueur vacillante dans la brume, étant certainement dans la proximité du corps féminin. La femme fait certes aussi partie de ce paysage d'une humanité qu'il exècre, mais elle "apporte un parfum d'exotisme" lui permettant d'affirmer que la perte de l'envie de vivre n'est à ses yeux pas une raison suffisante pour mourir.

Le héros de cette anticipation c'est François, universitaire au talent reconnu, la quarantaine désabusée, âge charnière où tout bascule sur l'autre versant de la vie. C'est le grand toboggan vers la fin. Cette dernière n'étant pas dans son esprit l'échéance ultime qui libère de tout définitivement, mais plutôt la perte de la capacité à séduire celles qui justement sont seules à même d'offrir quelques instants d'éternité. Lesquels instants régénèrent le corps pendant, et l'esprit entre deux.

En athée convaincu, ardent pourfendeur du monothéisme, il assiste pourtant avec plus de circonspection que de peur à l'arrivée au pouvoir du parti de la fraternité musulmane. Ledit parti installant sa marionnette à l'Élysée en la personne du chef d'un parti composé que de lui-même : le très consensuel François Bayrou.

Les nouvelles autorités l'écartent du corps enseignant pour incompatibilité dogmatique. Ce recul imposé lui donne par la même occasion le loisir de remarquer que finalement ce que d'aucun présente comme le fléau qui s'est abattu sur la France pourrait en fait bien présenter des arguments de séduction suffisamment convainquant pour remettre en question certains préjugés.

Un ancien collègue à lui, vieux célibataire endurci pour cause de disgrâce visuelle et olfactive, ayant déjà franchi le pas, s'est en effet vu attribuer une épouse en gratification de sa conversion. Une épouse présentée comme la première et ayant à peine l'âge de passer le permis de conduire. A tout bien considérer donc, et voici le fil blanc avec lequel notre prix Goncourt coud habilement cette chasuble littéraire qu'on endosse sans rechigner – je parle pour les inconditionnels - à tout bien considérer donc, notre professeur de littérature sur la touche, athée de conviction, désabusé de raison et délaissé par la passion pourrait bien retrouver les bancs de l'université et les jeunes étudiantes qui y prennent place. Fussent-elles voilées, elles n'en restent pas moins candidates aux cours particuliers à domicile. Où le retrait du voile est autorisé.

A soumission, soumission et demie. Lui à un dogme qui aurait su faire valoir ses arguments, elles à un nouveau maître, choisi pour elles, qui n'avait quant à lui plus beaucoup d'arguments pour les choisir lui-même. Cela tombe bien. Précision grammaticale au passage : "elles" étant un pronom personnel dont le pluriel qui, dans le cas présent et eu égard à la notoriété de notre universitaire, peut aller jusqu'à trois.

Conviction contre passion, drame cornélien à la sauce Houellebecq. Franchira-t-il le pas ? C'est dans Soumission. Le raisonnement est bien échafaudé, le style sans métaphore comme d'habitude.





mardi 19 août 2014

Les hirondelles de Kaboul ~~~~ Yasmina Khadra




« Laisse-la crever. Je t'assure qu'elle est à sa place là où elle est. Après tout, ce n'est qu'une femme. » Dans la bouche du milicien taliban Qassim Abul Jabbar, cette phrase résume le livre. C'est un ouvrage court et cinglant, comme un coup de cravache. Tels ceux avec lesquels ces fous de Dieu, dans Kaboul, rabattent les fidèles vers la mosquée.

C'est un ouvrage sur la disparition de la femme du paysage humain. Reléguée au rang de vecteur de procréation, à la seule fin de perpétuer les adorateurs de Dieu. La femme chosifiée, ainsi que se qualifie Zunaira, l'avocate condamnée à dissimuler sa beauté sous ce tchadri qu'elle exècre.
C'est un ouvrage sur l'effacement des cultures, sur le détournement des écritures saintes à des fins d'appropriation du pouvoir.

C'est un ouvrage dans lequel des créatures sanguinaires, avec pour toute culture celle de la Kalachnikov, y parachèvent un obscurantisme nauséabond. C'est l'ouvrage du désespoir fait homme.

Kaboul n'est plus qu'un épiderme squameux où les tumulus des tombes comblées à la hâte, au gré des exécutions, sont autant de bubons qui témoignent de sa maladie.

Et pourtant, quelques sentiments émergent avec prudence de l'océan noir qui a englouti la joie de vivre dans ses abysses de haine. Des relents d'humanité se raniment alors, comme la flamme d'une bougie dans l'obscurité des catacombes. C'est ce qui arrive à Atiq, le geôlier malgré lui, qui laisse dépérir sa femme malade, sans le moindre secours. Il découvre un jour la grandeur d'âme de celle-ci, lorsqu'elle lui propose de prendre la place de Zunaira, condamnée à mort, à la faveur du tchadri, le voleur d'identité, qui pourra tromper les bourreaux.

Yasmina Khadra n'a pas son pareil pour traduire les ressentis, les infiltrer dans l'esprit de son lecteur et le convertir aux états d'âme de ses personnages.

Et au final le message qui passe. Prends garde ! Toi qui vis dans l'insouciance du confort. le sournois est dans ton dos. Jaloux de ton succès, il sera d'autant plus cruel qu'il aura forgé son ignorance et trompé son discernement au discours du prêcheur.

A lire absolument, d'un seul trait, comme un coup de cravache en travers de la figure.