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mardi 12 novembre 2019

Piège à Bragny~~~~Bénédicte Rousset

 



On serait sur un thème léger, je dirai qu'il a voulu emprunter le chemin du Père Noël et que cela ne lui a pas porté chance. Et sa mort, puisqu'il s'agit bien de cela, va donner le coup d'envoi à une intrigue avec laquelle j'ai eu du mal à prendre mes distances avant d'en connaître le dénouement. Seulement voilà, le roman que je viens de lire de Bénédicte Rousset ne flirte pas avec la légèreté, loin s'en faut. Genre policier noir, aussi noir que peut l'être la vengeance. Aussi machiavélique que peuvent l'être ceux qui ont décidé de goûter ce plat refroidi, le temps de mettre sur pied leur manigance mortelle.

L'ouvrage est court, fort heureusement pour mon temps de sommeil. Roman haletant qui met en scène le commissaire Adrian Berthier dont Bénédicte Rousset a décidé de faire un héros récurrent. On le retrouve dans les trois ouvrages suivants selon l'avertissement de l'éditeur.

J'avais fait sa connaissance avec Romilda, quatrième roman de cette auteure prometteuse. Cet ouvrage m'avait séduit et encouragé à découvrir ses premiers pas à satisfaire son goût pour l'écriture. L'intérêt du modeste lecteur que je suis l'encourage à lancer le commissaire Berthier sur d'autres pistes criminelles.

L'imagination ne semble pas lui faire défaut pour nous procurer quelques frissons et nous priver de notre libre arbitre tant il difficile de laisser notre héros en mauvaise posture. Il nous faut à toute force connaître la façon dont il va se tirer du mauvais pas dans lequel il est venu se fourrer, poussé par une conscience professionnelle qui en contrepartie rend sa vie amoureuse chaotique.

Adrian Berthier, voilà un héros qui nous réconcilie avec notre culture nationale, nous qui sommes abreuvés jusqu'à plus soif de la concurrente américaine envahissante. Artificielle et irréaliste à souhait. Un héros vrai donc, que ce commissaire avignonnais, ancré en ce pays que nous aimons reconnaître au fil de ses pérégrinations. Un héros qui n'a pas le pistolet greffé au poignet, comme ses homologues défiant les lois de la physique à l'écran, ni la solution de son énigme sur le clavier de son ordinateur.

Mais quand même, imaginer la mort de son cambrioleur en pareilles conditions, elle ne m'a pas volé que des heures de sommeil, cette fois c'est sûr j'ai fini de croire au Père Noël. C'est un roman très noir, prenant, qui ne rebutera pas les amateurs du genre. Et puis, il s'agit d'un héros récurrent. Ce n'est rien dévoiler de dire qu'il s'en sort. Mais ce dénouement n'est qu'accessoire. Il y a d'autres intérêts à pareille lecture.


vendredi 8 novembre 2019

Romilda~~~~Bénédicte Rousset

 


"Comment pouvons-nous nous sentir plus réels dans ce que nous écrivons que dans ce que nous ressentons au fond de nous ?" C'est Romilda qui s'interroge en ces mots. Elle tente de s'extirper de la réalité. Profonde blessure que sa réalité. Son mari vient de l'abandonner. Pire que cela, il est parti avec l'autre amour de sa vie : sa complice, sa confidente, sa petite sœur.

Comment imaginer que ces paroles prêtées à Romilda pourraient ne pas s'appliquer pas à son auteure, Bénédicte Rousset. Tant filtre son implication de femme sensible dans ces lignes. En particulier dans les lettres qu'elle fera écrire à son héroïne, laquelle donne son nom à ce roman, fort réussi à mon goût.

J'ai fait connaissance avec cette auteure grâce à cet ouvrage. Mais pas seulement, elle me l'a dédicacé lors d'une rencontre en librairie. Le plaisir de l'échange s'est prolongé avec la lecture de celui-ci.

Un roman sur fonds d'enquête qui s'inscrit dans le genre policier. Étiquette que je serais tenté de contester, tant j'ai été séduit par l'autre genre qui colle à ces lignes. Dirais-je que c'est un roman d'amour qu'on l'affublerait ipso facto d'une couche de mièvrerie. Qu'il n'a pas. C'est un roman sensible dans ce qu'il touche le coeur, sensuel dans ce qu'il implique le corps. Un roman auquel il est difficile de mettre une étiquette justement. C'est un beau roman, c'est une belle histoire dit la chanson. Un roman qui restitue à l'amour ses lettres de noblesse quand il a été piétiné.

L'artifice de construction choisi par Bénédicte Rousset pour son ouvrage est très original. Il parvient à magnifier l'amour avec une étonnante force suggestive. Une force qui assujettit le lecteur. Romilda a découvert des lettres. Un paquet de lettres étiqueté "correspondance militaire". Elles datent de 1914 pour les premières. Les hommes sont partis s'engluer dans les tranchées. Les épouses, les fiancées livrées à l'attente angoissée. Des lettres pour relier les deux. Des mots simples pour se rappeler la vie ensemble. Douceur devenue souvenir et espoir d'avenir en même temps. Des lettres d'amour. Des lettres qui retracent des moments de vie. Des lettres qui figent sur le papier à l'encre bleue les confidences de gens simples. Ils se confient sous leur plume souvent beaucoup plus qu'ils ne l'ont jamais fait de vive voix. C'est la force de l'écrit que célèbre Bénédicte Rousset.

Ces lettres découvertes au hasard, Romilda se les approprie. Commence alors pour elle un sauvetage. Le sien accessoirement. Mais aussi et surtout celui de l'Amour.

Elle se les approprie au point de répondre à Félix. Il avait été mobilisé lui aussi, même s'il a échappé au cloaque des tranchées. Tant pis si elle prend la place de l'autre, la destinataire. Il y a prescription. Elle écrit des réponses aux lettres de Félix. Des lettres dans lesquelles elle se livre corps et âme, sans amertume. Avec la conviction de reconstruire quelque chose. Des lettres qui pourtant ne partiront pas, mais qu'importe. Des lettres qu'elle destine à elle-même finalement. Une correspondance audacieuse pour se dire qu'elle peut encore aimer. Des lettres pour réhabiliter l'amour. Lui redonner son statut dans la vie des hommes.

Romilda se construit ainsi un amour intouchable. Personne ne lui volera plus. Et pour cause, Félix est mort depuis longtemps. Son amie Laura se moque d'elle. Romilda n'en a cure. Les lettres de Romilda sont une évasion du gouffre de l'abandon dans lequel elle a été précipitée depuis la trahison d'Adam, son mari.

"L'écriture c'est aussi donner la parole à nos émotions et leur accorder un sens à partager". Romilda écrit ce trop-plein d'amour qui bout en elle et qui vient d'être foulé aux pieds. Ses lettres soulagent son coeur, sèchent ses larmes. Romilda les nimbe du fantasme de l'amour célébré. Ambitieux, souverain. L'amour dans l'absence ne craint pas l'usure du quotidien. L'amour au féminin, intérieur. L'amour dans lequel la sensualité n'est pas une fin mais une manifestation, une preuve. Une preuve brûlante comme la main qui effleure la peau de l'être aimé. L'amour incarné.

L'amour se réalise, enfin. Promesse d'un avenir tendre, qui dure au-delà de la vie.

Alors roman policier ? Le croirez-vous après avoir lu ces lignes ? C'est pourtant écrit sur la couverture. Oui, il y a bien une enquête. Une enquête qui n'attend pas la dernière page pour dénouer l'énigme et dénoncer l'assassin. Parce que cette enquête, elle met à jour une autre facette de la nature humaine. Un autre sauvetage. Celui d'une grandeur de la nature humaine. Une fois n'est pas coutume. C'est tout sauf compassé, c'est bien construit. J'ai aimé votre roman Bénédicte Rousset. "L'heureux moment partagé" de votre dédicace en conclusion de notre brève rencontre s'est prolongé sous mes yeux avec Romilda.

J'ai aimé votre intelligence d'écriture pour dire l'amour. J'ai aimé que le roman prenne de la hauteur avec les références culturelles que votre compétence vous autorise. J'ai aimé que ce ne soit pas un ouvrage féministe, ni un plaidoyer larmoyant en faveur de la femme abandonnée. C'est un ouvrage sur la vie des Hommes, dans ce que cela englobe des deux sexes, confrontés à leur incompréhension réciproque dans ce qui les unit et finit par les séparer. Mystère insondable de l'amour. La naissance du désir qui porte les êtres l'un vers l'autre et les met en danger dans le même temps. Le danger de l'assouvissement. L'amour peut-il survivre à son assouvissement ?

La réponse c'est vous qui la donnez. Quand on lit ces mots de vous page 45. L'amour peut s'accomplir quand il débouche sur … "La famille, ce soupirail sur un monde enchanté".