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vendredi 17 décembre 2021

L'aube à Birkenau ~~~~ Simone Veil



Dans les camps, des barbelés les enfermaient à l’écart du reste du monde. Rescapés, une barrière est restée. Une séparation persiste entre ceux qui ont connu cette funeste expérience des camps de la mort et les autres. Il y avait ceux qui étaient dedans et les autres nous dit George Semprun dans Le grand voyage. Les premiers savent que nul ne peut envisager, imaginer et même croire à cette vie hors du temps, hors de l’humanité. Mais au-delà de ce souvenir de l’enfer, l’amertume qui assombrit renaissance à la vie des rescapés est de constater, de déplorer que leur expérience ne rend pas le monde meilleur.

Voilà un ouvrage auquel nul ne peut rester insensible. Emotion pure que les paroles retranscrites par David Teboul dans ce recueil d’entretiens en forme de témoignage de la part de cette grande dame dont la gravité nous troublait lorsqu’il nous arrivait de la voir à l’écran : Simone Veil.

Outre le texte, cet ouvrage comporte nombre de photos : les visages fermés de ceux qui ont échappés au sinistre destin auxquels ils étaient promis, les visages juvéniles de ceux qui le resteront parce que figés pour l’éternité. Des photos qui fendent le cœur quand on sait qu’elles nous disent l’innocence, l’espoir d’avenir qu’il y avait dans les yeux des enfants. Que leur sourire a été effacé par une volonté humaine, laquelle avait conçu et mis en œuvre une industrie de mort.

Simone Veil nous raconte les camps. Et la vie après. Quand il a fallu vivre avec ce souvenir qui lui a volé son adolescence. David Teboul lui a suggéré des entretiens avec d’anciens déportés : sa sœur Denise, Marceline Loridan-Ivens, Paul Schaffer pour qu’ils échangent leurs souvenirs. Sachant qu’entre eux il n’y aurait pas cette barrière de l’incrédulité. Car même ceux qui ont visité Auschwitz-Birkenau ou autre sinistre lieu de mémoire ne peuvent se faire la moindre idée de ce que c’est d’avoir été déchu de son statut de personne humaine, et promis au sort des choses : l’incinération ou l’enfouissement sans autre forme de considération.

Les chapitres sont séparés de pages entièrement noires. Les mots sont lourds de souvenirs glaçants. Les visages sont beaux et graves. Les sourires appartiennent au passé, avant les camps. Après, c’est la maturité sévère. Le regard tourné vers l’intérieur, vers la mémoire. Voile noir tendu au travers d’un chemin de vie.

Ils resteront des personnages solitaires de ne pas être compris à hauteur du traumatisme subi par un monde oublieux et futile. Leur peur est désormais de voir à nouveau le voile noir fermer l’horizon. Tant que l’enfant n’est pas tombé, on peut lui dire que le sol est glissant. Il ne le croit pas.

Grande, grande restera cette dame qui a mis toute ses forces dans le combat pour que l’humaine nature n’oublie pas qu’elle porte aussi en elle le gène du mal, et que celui-là il ne faut le laisser prospérer. Pour que cela ne recommence pas. Jamais. 


Citations de Simone Veil

" Quand on vous a traitée comme de la viande, il est difficile de se convaincre qu'on est resté un être humain."

" Pourrions-nous à nouveau vivre normalement ? Une frontière séparait les humains, ceux qui revenaient des camps et les autres. Nous étions passés de l'autre côté. Je crois que nous ne sommes jamais redevenues Normales. En apparence nous avons vécu comme les autres, mais nos réactions intimes sont restées différentes..." 
"On peut accuser les Français de ne pas avoir accueilli plus grand monde, mais il faut restituer les événements dans leur contexte."

Citations de Paul Schaffer (entretien avec Simone Veil)

"Ce qui m'attriste, c'est de penser que notre expérience et le prix si élevé que nous avons payé n'ont pas réussi à rendre l'humanité un tant soit peu meilleure, plus pacifique, plus respectueuse d'autrui."

" Nous sommes devenus des personnes sans ombre. Nous n'avons pas vécu notre adolescence. A la place, il y a un trou béant. Ce vide a joué un rôle important dans notre comportement ultérieur." 

" Cette expérience-là est particulièrement intransmissible."