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Ouvrages par genre
mercredi 22 novembre 2023
lundi 13 novembre 2023
dimanche 5 novembre 2023
lundi 30 octobre 2023
L'entreprise des Indes ~~~~ Eric Orsenna
🌕🌗🌚🌚🌚
C’est le frère de Christophe Colomb, Bartolomé, qui mobilise
son auditoire sous la plume d’Eric Orsenna. Il nous tient depuis Hispaniola où
il est demeuré mille considérations qui ont présidé et ont succédé à l’épopée
que l’on sait dans la découverte de l’Amérique par son frère.
Eric Orsenna écrit comme certains s’écoutent parler. C’est
la rançon de la notoriété. Il y a dans cette écriture une forme de suffisance
qui alourdit la lecture. C’est très ennuyeux.
mardi 3 octobre 2023
L'Odyssée de Pénélope ~~~~ Margaret Atwood
Quand on parle d’Odyssée, on pense immédiatement au périple
d’Ulysse de retour de la guerre de Troie. A croire que Margaret Atwood en avait
soupé de ce point de vue par trop masculin. Elle nous soumet ce périple mythique
avec un autre regard, celui de Pénélope bien sûr. Mais pour que les femmes
aient droit à la parole dans cette épopée choisit-elle l’artifice, si ce n’est
la précaution, de le faire d’outre-tombe. Qui plus est au 21ème
siècle, allant jusqu’à faire tenir un procès en reconnaissance de mérite,
recommandant en outre aux magistrats et avocats, bien modernes ceux-là, de se
garder de tout anachronisme et tenir compte des données du moment, celles d’il
y a trois ou quatre mille ans. Epoque bénie pour la fantasmagorie mythologique au
cours de laquelle les dieux régnaient en maître depuis l’Olympe.
Il s’agît-là bien entendu d’une démarche féministe. L’auteure
allant jusqu’à faire dire à Pénélope, en guise de mise en garde adressée à son
lecteur du 21ème siècle, de ne pas considérer sa théorie comme
« un ramassis de foutaises féministe sans fondement. » Ecornant au
passage la gent masculine, toutes époques confondues, prévenant son lectorat,
fût-il masculin, qu’il « est toujours imprudent de s’interposer entre un
homme et l’idée qu’il se fait de sa propre intelligence. »
Margaret Atwood se garde bien toutefois de faire du point de
vue féminin, depuis Ithaque donc dans l’attente du retour du héros, un monde
idéal pavé de nobles sentiments. On connaît le stratagème que Pénélope mit en
œuvre pour surseoir aux appétits de ses prétendants, briguant en fait le trône
on l’aura compris, on découvre la vie domestique du palais. Entre Anticlée, la
belle-mère, Euryclée, la nourrice, celle que Laërte considérait comme une
seconde mère pour son fils, les douze servantes versatiles quant à leur
fidélité, et enfin Télémaque le rejeton indocile, cette vie donc n’avait rien
d’une sinécure pour Pénélope, fût-elle reine. Augmentant d’autant son mérite à
attendre chastement son époux. Contrarié qu’il fût quant à lui dans son voyage
retour par le courroux de Poséidon, les entraves de la nymphe Calypso, et
autres égarements fomentés par Circé, le chant des sirènes et consort.
« Dans les Chants on raconte que…, on insiste sur
…, si vous croyez pareille chimère » vous serez un lecteur bien naïf
nous fait entendre Pénélope depuis les rivages célestes où s’alanguissent les
âmes. « Je me sens l’obligation de faire le point sur les calomnies dont
je fais l’objet depuis deux ou trois mille ans. Toutes ces histoires sont
totalement fausses. » Voilà qui remet les pendules à l’heure. Voilà donc
la raison pour laquelle est intenté ce procès, en réparation de tant de siècles
de suprématie masculine.
L’idée est originale. La mise en scène au demeurant fort judicieuse
ne nous semble nullement incongrue. On l’aura compris, le procédé est inusité et
le propos non dénué d’humour pour restituer à qui de droit les mérites du
succès de la plus célèbre épopée du monde. Ecrit de main d’homme, à la gloire
des seuls hommes, le plus vieux texte du monde qui ne fait de la femme que l’enjeu
d’un conflit ou le jouet d’une convoitise méritait sa correction. Voilà qui est
fait de la main de Margaret Atwood.
Et toi lecteur du 21ème siècle, ne perçois ni légèreté ni futilité dans cette mise au point. Ce n’est pas Margaret Atwood qui te le dit, c’est Pénélope. De l’expérience de ses trois mille ans d’observation du monde elle s’autorise une recommandation à ton adresse, celle de ne pas regarder avec mépris le monde antique tel qu’il t’est livré par l’histoire car « Je me rends compte que le monde d’aujourd’hui est aussi dangereux que celui que j’ai connu, sauf que la misère et la souffrance sont plus répandues. Quant à la nature humaine, elle est plus vulgaire que jamais. » L’auteure de la Servante écarlate, romancière dystopique, conserve avec cet ouvrage un regard désabusé sur ce que l’homme fait de son passage sur terre.
mercredi 20 septembre 2023
Ce qu'ils n'ont pu nous prendre ~~~~ Ruta Sepetys
🌕🌕🌕🌕🌚
L’écriture de Ruta Sepetys, au travers de son formidable
Hôtel Castellana, m’avait donné le goût d’approfondir ma connaissance de cette
auteure et de son œuvre.
Elle semble s’être focalisée sur les régimes tyranniques. Le
second ouvrage de sa main que je viens de refermer traite d’une période qui est
chère à son cœur puisqu’il s’agit de la main mise par Staline sur le pays
d’origine de sa famille : la Lituanie. Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre
est son premier roman.
A la lecture de celui-ci, j’ai éprouvé une légère déception.
Je l’ai trouvé en dessous d’Hôtel Castellana en termes d’écriture. Moins abouti
dans sa construction, l’inclusion de la fiction dans les événements historiques,
bien que l’auteure paraisse néanmoins plus impliquée personnellement. On
ressent à cette lecture une grande compassion pour toutes ces personnes sans distinction
d’âge, de sexe et de condition qui ont eu à subir les affres de la déportation
en Sibérie, et pour cause.
S’il n’y avait pas, comme ce fut le cas pour la solution
finale mise en œuvre par les nazis, « d’industrialisation » de la
mort, les conditions de détention dans le froid intense, la faim, les maladies évidemment
non soignées, l’épuisement par le travail aboutissaient au même résultat. Ruta
Sepetys met l’accent sur l’indifférence des gardiens, qui avaient eux leur
confort sous les yeux des détenus, quant à la souffrance et la déchéance
physique de ces derniers. Aux conditions de vie terribles, l’isolement total
dans les immensités sibériennes, le sentiment d’oubli du reste du monde et l’incertitude
complète de l’avenir participaient grandement à anéantir psychologiquement les
détenus. Ruta Sepetys le rend très bien.
Cet ouvrage est bâti sur la base de témoignages souvent indirects, les rescapés ayant eux aussi presque tous disparu à l’époque où elle met son ouvrage en chantier. Cela reste toutefois un excellent roman de rappel à la mémoire de ces pauvres anonymes broyés par un système totalitaire inhumain. Ce genre d’ouvrage a toujours sa justification et plus encore lorsque la mémoire directe s’efface.
jeudi 7 septembre 2023
Le dernier bain ~~~~ Gwenaële Robert
Charlotte Corday n'était pas la seule à vouloir faire disparaître Marat. Dans l'entonnoir qui filtre les intentions, les hasards et les circonstances pour les focaliser vers un dénouement, la jeune et belle aristocrate fut celle qui y parvint. Il faut dire qu'à ses qualités physiques elle adjoignait détermination et courage.
dimanche 27 août 2023
La fille du faiseur de rois ~~~~ Philippa Gregory
🌕🌕🌕🌕🌕
On l’aura compris avec les titres des ouvrages qu’elle a produits, dont celui-ci, la parole est aux femmes sous la plume de Philippa Gregory. Ce n’est que justice, bien tardive se dira-t-on, parvenus que nous sommes au 21eme siècle. Justice rétrospective si l’on peut dire. Bien qu’à y regarder de plus près, et Philippa Gregory nous y aide, si leur pouvoir n’était pas institué elles n’en étaient pas dépourvues pour autant. Il suffit de lire La fille du faiseur de rois pour s’en convaincre. Mais un pouvoir par influence n’est pas un vrai pouvoir, convenons-en.
Philippa Gregory s’est faite spécialiste de cette époque de l’histoire de la Grande Bretagne qui ne nous dit pas grand-chose à nous autres Français, de cette époque que quelques siècles plus tard les historiens se sont plu à désigner sous l’expression de Guerre des deux roses, friands qu’ils sont d’étiquettes lyriques, voire épiques. Période évoquant la lutte entre grandes familles, les Lancastre et les York, qui, bien qu’ayant des liens de parenté se disputaient âprement le pouvoir. Eternelle avidité qui pousse les hommes à se livrer des guerres sans merci, où l’on n’hésite pas à faire alliance avec son ennemi d’hier, dont on vient au passage de tuer la progéniture, quand les intérêts y décèlent une voie d’accès au trône. Période de l’histoire de nos deux pays qui nous confirme s’il en était besoin que nos amis anglais étaient bien nos ennemis héréditaires. Louis XI n’était pas le dernier à jeter de l’huile sur le feu. Mais surtout gardons tout cela à l’imparfait.
Sans revenir sur le contenu de cet ouvrage qui n’intéressera que l’amateur d’histoire, c’est la façon dont elle est traitée par Philippa Gregory qui a nourri ma satisfaction au fil des pages. C’est pour moi une formidable découverte que cette auteure britannique. Elle a une superbe façon d’écrire l’histoire, mais surtout de combler les lacunes que les sources de cette époque nous ont laissées. Sources d’autant plus indigentes quand il s’agit du rôle des femmes avouons-le. La romance se glisse naturellement entre les faits historiques sans les bousculer ni les trahir le moins du monde, au point de faire une parfaite symbiose entre le réel et l’imaginaire. Une touche de poésie chevaleresque rehausse l’intrigue et compense ce que les comportements ont pu injecter de méprisable dans leurs intentions et actions.
L’autre atout de cette écriture est de faire preuve d’objectivité. Dans ce qu’elle imagine de l’influence des femmes sur le cours de l’histoire, Philippa Gregory n’en dresse pas non plus un tableau idyllique. Il suffit pour s’en convaincre de lire à longueur d’ouvrage les manœuvres de la reine Elisabeth, épouse du roi Edouard IV, d’une part, et de la prétendante Anne de Neville, épouse du futur Richard III, pour se convaincre de la cruauté du combat qu’elles se sont livré à seule fin de parvenir à la consécration suprême et mettre en œuvre à leur tour le népotisme propre à installer et gratifier leurs proches.
Superbe façon d’évoquer la condition de la femme en ces
temps reculés. Superbe façon de construire un roman historique et redonner la
parole qui manque à nos livres d’histoire. Ouvrage jouissant d’un style agréable
à lire, parfaitement maîtrisé, sûr de son impact, que la traduction ne semble
pas avoir affaibli.
samedi 26 août 2023
Les mystères de Marseille ~~~~ Emile Zola
Tout ceci nous est expliqué dans les trois préfaces à l’ouvrage que comporte cette édition d’Archi Poche dont il faut saluer l’idée de remettre cet ouvrage sur l’étal des libraires : celle de Roger Martin qui intègre l’ouvrage dans le contexte de l’œuvre de Zola, puis deux de l’auteur lui-même. La première à la sortie de l’ouvrage en 1867. Il y évoque la genèse de l’ouvrage, son travail de recherche. La seconde en 1884 donc, dans laquelle il se montre très critique avec ce qui est devenu à ses yeux un exercice de jeunesse pour le moins perfectible. Il ne cache pas avoir produit un ouvrage alimentaire. A 27 ans Zola vivotait et tirait le diable par la queue. Aussi n’a-t-il pas hésité lorsqu’on lui a demandé d’écrire un feuilleton à paraître dans le Messager de Provence, un journal d’Aix-en-Provence, ce qui deviendra quelques mois plus tard la première édition des Mystères de Marseille.
« Les Mystères de Marseille rentrent pour moi dans cette besogne courante, à laquelle je me trouvais condamné. Pourquoi en rougirais-je ? Ils m’ont donné du pain à un moment les plus désespéré de mon existence. Malgré leur médiocrité irréparable, je leur en ai gardé une gratitude. »
Mais quand Zola fait du médiocre, selon lui bien sûr, cela reste consommable aux yeux du quidam moyen, au rang desquels je me place, me frottant de temps à autre aux grands du monde littéraire. La belle langue est déjà là au bout de la plume. Rendue désuète de nos jours par le seul fait du martyre que nous lui faisons subir au quotidien. Et Zola, en digne représentant du courant naturaliste, donne avec Les mystères de Marseille un avant-goût du talent à venir, de la dimension sociale de son œuvre bien ancrée dans son époque. Les personnages sont là, dans leur rusticité le plus souvent, ballotés par les péripéties de l’histoire, la grande, prêts à faire cette histoire s’il le faut aussi pour émerger de leur maigre condition. Jusqu’à faire tomber les cloisons qui les contiennent dans des classes sociales à l’avenir fermé.
C’est ce que montre déjà cet ouvrage avec les émeutes de Marseille qui ont prolongé en province la révolution de 1848 en la capitale, avec la destitution de Louis-Philippe à la clé. Et quand cette Province c’est Marseille, il y a quelque chose en plus dans ces événements. Quelque chose que Zola connaît pour avoir séjourné tout près, à Aix-en-Provence. Il y a la ferveur du sang chaud des Provençaux que cet observateur de la vie des hommes a su transcrire avec le talent qui fit son succès. C’est déjà une belle fresque de la société de son temps, même si ce maître du réalisme osant déjà quelques pointes d’idéalisme populaire affirme avoir mis quatre fois moins de temps pour écrire une page des Mystères de Marseille qu’une de Thérèse Raquin.
Votre
roman que vous taxez de médiocrité m’a bien plu monsieur Zola. Pour avoir vécu
à Marseille j’ai pu y situer les décors de l’intrigue. J’y ai appris les noms
de rue aujourd’hui rebaptisées, avec moins de bonheur. Je me suis plu dans
cette romance aux noms chantant sur fonds de concert de cigales. Je me suis plu
à lire ce talent qui germe en ces pages et dont le rapport vous a permis d’éclater
à la face du monde avec le reste de votre œuvre.
mardi 27 juin 2023
Hôtel Castellana ~~~~ Ruta Sepetys
🌕 🌕 🌕 🌕 🌕
vendredi 26 mai 2023
La société royale ~~~~ Robertt J. Lloyd
🌕 🌕 🌕 🌗 🌚
L'amateur de roman historique que je suis a été appâté par ce qu'on nous présente comme la premier roman Robert J. Lloyd. Il s'appuie sur l'œuvre de Robert Hooke, un scientifique anglais du XVIIème siècle qui dans cet ouvrage se trouve être le recours du roi Charles II (dynastie Stuart) afin de tenter d'élucider le mystère suscité par la mort de plusieurs jeunes enfants. Ils ont été retrouvés vidés de leur sang dans divers lieux isolés de Londres. C'est donc une forme de polar historique auquel nous convie cet auteur. Robert Hooke de la Société Royale y tient son rôle, quelque part extrapolé pour y devenir à la fois détective et médecin légiste. Il se laisse toutefois voler la vedette par son jeune assistant Henry Hunt lequel s'approprie la conduite de l'enquête. C'est en fait ce dernier qui la sort de l'enlisement.
L'écueil à éviter avec ce genre d'exercice serait celui de sombrer dans
l'anachronisme scientifique en déflorant des techniques d'analyse d'un temps
qui n'était pas le leur. L'impressionnante bibliographie qui a servi de base à
la construction de cet ouvrage nous prouve que Robert J. Llyod, si on ne
l'avait compris à la lecture de l'ouvrage, a étudié son sujet avec une
précision stupéfiante. La documentation est on ne peut plus fouillée.
Reste que la connaissance ne fait pas l'ouvrage, l'écriture doit être à la
hauteur. le style mis en œuvre par l'auteur est descriptif et pédagogique.
L'ouvrage souffre à mon sens pour le coup de quelques longueurs. Elles pourront
blaser les amateurs de rythme plus enlevé, habitués qu'ils sont désormais par
les productions modernes à la surenchère d'artifices, lesquels pallient souvent
un manque de créativité. La contrepartie étant la prise de distance avec la
vraisemblance des faits. Mais y attachons-nous beaucoup de crédit de nos jours
alors que le fantastique et le surréaliste accaparent les suffrages.
On se rend compte à l'avancée dans la lecture que l'atonie de style relève
justement a contrario de la tendance actuelle d'un souci de crédibilité. Elle
se veut le reflet des tâtonnements et atermoiements d'un personnage lui-même
dépassé par l'originalité de la mission qu'il s'est vu confier au seul motif
qu'il était un scientifique reconnu en son époque.
D'aucuns plus ouverts à la fresque historique salueront le souci de la
précision qui anime l'auteur dans la description tant des décors de l'intrigue
que de la psychologie des protagonistes foisonnant dans cet ouvrage. Autant de
personnages historiques qui rattachent l'intrigue à son contexte du moment. Une
intrigue qui est par elle-même bien imaginée et conduite avec justesse vers le
dénouement, lequel s'ébauche par petites touches.
Ce que le souci de vérité historique retire au captivant, les mœurs de l'époque
à l'humanisme aride le lui rendent bien. L'épouvante n'est pas loin quand il
s'agit d'évoquer la mort des enfants, surtout lorsqu'on en découvre le mode
opératoire et la justification.
C'est autant un roman d'imprégnation qu'un thriller qui cherche sa voie. J'ai
apprécié la justesse dans la restitution du contexte des péripéties :
l'indigence de la connaissance scientifique des contemporains de l'époque
choisie, l'influence prépondérante de la religion, les cloisons étanches entre
les couches sociales, le caractère expéditif de la justice dans la main des
puissants. Autant de données historiques fort bien rendues qui soulignent le
souci de l'auteur de ne pas échouer dans son transport dans le temps. Tout cela
fait que le résultat est une forme de polar historique supporté par une
intrigue intéressante mais dont le style manque quelque peu de saveur.
mardi 2 mai 2023
Le seigneur de Lochraven ~~~~ Shannon Drake
Dans l'histoire du Royaume-Uni il est une époque où il ne
l'était pas du tout, uni. Et s'il est un épisode de cette histoire qui est
singulier c'est bien celui qui opposa Marie Stuart, reine d'Ecosse après
avoir été quelques mois reine de France, à sa cousine Elisabeth 1ère
d'Angleterre. Ce cousinage ne sera pas gage d'entente familiale puisque cette
dernière fit décapiter sa cousine, l'accusant de trahison. Laquelle trahison
n'était en fait que la revendication de l'héritage de la couronne d'Angleterre,
qui revenait en fait à Marie Stuart dans l'ordre de succession.
C'est dans ce contexte pour le moins fort en péripéties que Shannon Drake a
décidé de glisser son intrigue amoureuse, puisqu'il s'agit bien de cela, entre
deux personnages évoluant dans le cercle intime de la reine d'Ecosse. C'est
plutôt réussi à mon goût. On n'échappe pas bien entendu à quelques raccourcis
simplificateurs et autres hasards salvateurs mais la romance est habilement
construite et insérée dans cette histoire mouvementée et dramatique sans la
dénaturer outre mesure.
C'est crédible et bien écrit. S'agissant d'une publication en anglais, on sait
que le traducteur a sa part dans cette qualité d'écriture. C'est pour moi un
roman historique de bonne facture. Il respecte les faits en y appliquant une
intrigue recevable, sans anachronisme flagrant tant dans le langage que dans
les modes de vie.
lundi 27 mars 2023
Le procès de Valerius Asiaticus ~~~~ Christian Goudineau
🌕 🌕 🌕 🌕 🌗
Le
procès de Valerius Asiaticus se déroule selon le temps judiciaire,
dont on sait qu'il est long. Très long. Aussi, en ouvrant cet ouvrage ne
faut-il pas s'attendre à entrer d'emblée en audience. Il y a d'abord comme il
se doit enquête, laquelle établira ou non les chefs d'accusation. Enquête
confiée dans cet ouvrage non pas à un limier mais à un philosophe massaliote
renommé : Charmolaos.
Nous sommes à l'époque de la Gaule romaine. Il n'était alors point trop besoin
de preuves pour faire condamner un citoyen de Rome lorsque l'épouse de
l'empereur, Messaline en l'occurrence, avait décidé de se débarrasser d'un
indocile, fût-il riche et puissant. Valerius Asiaticus, cet indocile, refusant
de satisfaire le caprice de l'impératrice et lui restituer la villa dont elle
appréciait les jardins et pourtant acquise par lui le plus légalement du monde.
Mais il y a une autre raison pour laquelle ce procès tarde à venir dans ce
roman que l'on classera dans la catégorie historique du genre. Cette raison est
que son auteur se donne le temps de dresser le décor. Las de ces ouvrages se
disant historiques et négligeant pourtant non pas les faits, c'est un minimum
pour le genre, mais le contexte, les mœurs de l'époque, la culture, les
traditions, tout ce qui fait la réalité de la vie des hommes à une époque
donnée, il veut imprégner son lecteur du mode de vie de ces temps et lieux dans
lesquels il situe son œuvre. Il veut prémunir son lecteur de toute velléité de
jugement hâtif, déconnecté des fondements, forcément mal documenté à qui n'est
pas suffisamment instruit de l'histoire. Il veut le prémunir de cette tendance
moderne d'une littérature trop vite écrite laquelle fait la part belle au
sensationnel en étant déconnectée du contexte de vie contemporain des faits par
insuffisance culturelle de leurs auteurs.
Il suffit aujourd'hui d'évoquer par exemple le mot esclave pour susciter des
haut-le-coeurs. Alors que le patricien vivant sous l'époque de Caligula, Claude
et autre Néron avait naturellement droit de vie et de mort sur ses esclaves
sans avoir à en répondre à qui que ce soit dans la mesure où il avait fait
l'acquisition de ces derniers sur les marchés dédiés. Il avait aussi au passage
le droit de les affranchir. Juger de ce droit avec la culture d'aujourd'hui est
forcément une altération de l'histoire. Aussi inhumain que cela nous semble
aujourd'hui.
Il suffit de progresser de quelques pages dans cet ouvrage pour se rendre
compte que l'on n'a pas à faire à un producteur de romans en série, animé
d'intention mercantile, mais bel et bien à l'érudition pure. Celle d'un auteur
qui veut instruire son lecteur plutôt que le séduire, lui donner les bases pour
apprécier en connaissance du contexte, au lieu de juger à l'aveugle. La contrepartie
pour le lecteur étant de faire œuvre de curiosité, peut-être d'approfondir,
l'auteur lui en donne le goût, en tout cas de s'impliquer.
Aussi, cet ouvrage l'ai-je pris pour ce qu'il restera à mes yeux : un ouvrage
exigeant, une formidable téléportation, une immersion en une époque qui ne nous
a par la force des choses pas légué beaucoup de sources écrites et qu'il faut
avoir longuement et profondément étudiée avant que d'en parler, et mieux encore
avant que de faire parler des personnages dans un roman que l'on veut
historique. Soit un ouvrage dans lequel la part romancée constituera le liant
crédible des faits avérés.
Dans cet ouvrage, Christian
Goudineau a adopté un style d'écriture moderne. Une façon de ne pas
désorienter l'amateur de romans historiques contemporain, accoutumé qu'il est à
une écriture certes anachronique au regard des faits rapportés mais accessible
à son entendement. Entendement élaboré par le mode de vie superficiel qu'est
devenu le nôtre.
samedi 25 février 2023
L'écriture du monde ~~~~ François Taillandier
Par Ecriture du monde il faut entendre le monde tel qu'il
se construit, tel qu'il se grave dans la mémoire du temps, sachant que « Dieu
ne crée que de l'irréparable. La créature est une catastrophe. Et l'existence à
laquelle il nous appelle, le destin de chacun, si humble soit-il, consiste à
tenter de réparer le dégât d'être né. » Voilà pour Celui qui préside à nos
destinées. Il en prend pour son grade avec cette assertion de François
Taillandier.
Auteur que j'avais découvert et célébré l'écriture avec son excellente
biographie d'Edmond Rostang. Découverte qui m'avait au passage imposé le devoir
d'aller visiter la villa Arnaga au pays Basque. Ce que j'ai fait et qui m'avait
transporté de ravissement. Je confirme mon goût pour ce genre d'écriture avec
cet ouvrage.
Une écriture riche que celle de ce phraseur érudit, une écriture qui pondère
des sentences devenues par le fait lourdes de sens, d'une portée invitant à la
réflexion. A l'introspection même, lorsque comme tout un chacun on s'interroge
sur le sens de la vie et le rôle de la religion face à cette question sans
réponse, devenue pour le coup fondamentale. Des religions devrais-je dire
d'ailleurs, car dans le domaine de la croyance, il y a pluralité, il y a
divergence et contre toute attente intolérance. Et donc malheureusement
affrontement.
François Taillandier a choisi deux personnages qui ont laissé leur
cicatrice sur la terre dans cette époque succédant tout juste à la chute de
l'empire romain et nous ouvre aux formidables bouleversements consécutifs et
aux appétits que cela a pu faire naître chez des peuples jusque-là sous domination
: Cassiodore, un homme politique lettré qui a servi sous le nouveau maître de
ce qui n'est pas encore l'Italie du nord, le roi ostrogoth Théodoric. Et
Théolinda qui devint reine des Lombards et jouera un rôle prépondérant dans la
conversion de ces « barbares » à la foi chrétienne.
Ce premier tome d'une trilogie que je me fais l'obligation de compléter dans ma
PAL ouvre ses premières pages en un temps où la religion chrétienne commence
donc à installer ce qu'elle voudrait bien être un monopole sur le vieux
continent. En ce sixième siècle de notre ère, elle commence à prendre le pas
sur le paganisme, l'arianisme et ne s'attend pas encore à voir poindre une
nouvelle concurrente. L'ouvrage se referme sur l'année 630 avec l'entrée de
Mahomet à La Mecque à la tête de quelques milliers d'hommes, bien décidé à
imposer le culte exclusif d'Allah.
Superbe fresque historique d'un temps pour lequel les références écrites sont
rares et sujettes à caution. Tout le talent de l'auteur est dans la précaution
qu'il prend avec ces références et dans la crédibilité du liant qu'il applique
aux faits avérés.
La chambre des diablesses ~~~~ Isabelle Duquesnoy
lundi 23 janvier 2023
Le prince aux deux visages ~~~~ Gilbert Sinoué
🌕 🌕 🌕 🌕 🌚
A qui aurait pu adhérer au mythe qu’ont voulu échafauder les diverses sources littéraires et cinématographiques autour de l’auteur des sept piliers de la sagesse, Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom que lui a attaché le film de Davis Lean, Lawrence d’Arabie, Gilbert Sinoué recommande de considérer la légende avec précaution.
Il y a en effet de son point de vue matière à enquête pour déterminer à quel degré la légende aurait fait d’un personnage illuminé un héros au seul artifice que le décor, l’époque et l’acteur choisi pour sa ressemblance auraient produit un effet supérieur au naturel.
Les décors des mille et une nuits, les chevauchées dans le désert, le regard au bleu insondable de Peter O’Toole, la lutte des tribus arabes pour s’extraire du joug de l’Ottoman, n’y avait-il pas là tous les ingrédients pour forcer le romanesque. Au point de magnifier un mythomane à qui le contexte historique chaotique de la première guerre mondiale aurait quelque peu lâché la bride sur le cou, son pays étant plus préoccupé par les fronts de l’Artois et de la Somme.
Ou bien faut-il y voir de la part de Gilbert Sinoué, dont on connaît les racines égyptiennes, quelque compte à régler avec ces nations, dont l’Angleterre et la France, qui ont tracé des frontières à l’emporte-pièce et sont par-là responsables du malaise faisant du Moyen-Orient, et à n’en pas douter pour longtemps, une poudrière ?
Ce qui est sûr c’est que David Lean, du haut des cieux qui l’abritent désormais, doit bien regretter le ternissement de l’image de son héros devenu dans les mots de Gilbert Sinoué un personnage pathétique, dépourvu de sensualité pour ne pas dire asexué tant il avait la phobie du contact des corps. Une sorte de pantin frustré et nihiliste qui « devint victime de la légende qu’il avait lui-même entretenue. »
Le grand spécialiste du Moyen-Orient qu’est notre auteur franco-égyptien a quelque peu trempé sa plume dans l’acide pour déchoir celui que le cinéma a érigé en héros. Il fut donc à ses yeux la vitrine de ce qui ne restera jamais qu’un symbole de l’impérialisme britannique. Et l’auteur de clore par une citation qu’il tire du film de John Ford, L’homme qui tua Liberty Valance, : « Si la légende est plus belle que la réalité, publie la légende. »
Le regard rêveur et énigmatique du héros a pris un voile, troublant encore un peu plus les mirages du désert.
vendredi 18 novembre 2022
La colline aux corbeaux (Les dents noires tome 1) ~~~~ Heliane Bernard et Christian-Alexandre Faure
🌕 🌕 🌕 🌗 🌚
Ce premier opus de la trilogie Les dents noires me
donne-il le goût de lire les autres ? A cette question je réponds d'emblée que
je viens de faire l'acquisition du second. Je complète ce préambule en
précisant que j'ai des affinités avec l'histoire. Avec un grand H quand elle
relate les faits communément admis par les spécialistes. Avec un petit h quand
elle comble les lacunes de l'historiographie par une intrigue plausible. Le
talent résidant en la faculté d'inclure cette intrigue dans les faits avérés.
Cet ouvrage peut se lire comme une roman tout court mais, pour fixer les
esprits, s'il est une date que le plus grand nombre a retenu, c'est bien 1515.
Avec Les dents noires nous remontons en effet en ce début du règne de François
1er qui connaît la naissance de l'imprimerie. De tout temps les inventions ont
eu leurs détracteurs. Des nostalgiques bien sûr de voir la machine remplacer la
main de l'homme. Plus souvent des craintifs de voir leur propre commerce
construit sur les méthodes ancestrales s'effondrer avec la survenance des
techniques nouvelles. Mais pas seulement.
L'invention de l'imprimerie c'est aussi l'accession d'un plus grand nombre à la
connaissance. C'est l'assurance de voir s'éclaircir l'obscurantisme savamment
entretenus par ceux, au premier rang desquels les membres du clergé, dont le
pouvoir reposait sur l'ignorance des masses. Les auteurs de cette trilogie font
bien ressortir cet aspect.
Mais un roman historique, c'est avant tout un roman de la vie des hommes et des
femmes dans le contexte d'une période choisie. Vie des hommes avec leurs joies,
si peu nombreuses, et leurs peines d'autant plus abondantes que les temps
étaient rudes. Heliane Bernard et Christian-Alexandre
Faure nous adressent un ouvrage bien écrit et bien construit, avec des
chapitres nommés et numérotés dont les titres et sous-titres nous avertissent
des faits à venir. Un ouvrage dont la pédagogie ne nuit pas à l'intrigue. On y
apprend par exemple, entre autres nombreuses notions historiques ou
étymologiques, l'origine du mot ghetto, celle du nom de colline aux corbeaux
attribuée par ses fondateurs à la ville de Lyon. Le texte est augmenté de
représentations cartographiques de l'époque qui ne manqueront pas de parler aux
Lyonnais.
Bel ouvrage qui repose sur un travail de documentation sérieux et sur un talent
certain pour y inclure une intrigue n'ôtant rien de leur sensibilité aux
personnages de ce drame. Car c'en est un. On ne bravait pas impunément les
puissants en ces temps entre bas Moyen-âge et Renaissance.
mardi 1 novembre 2022
Le cimeterre et l'épée ~~~~ Simon Scarrow
🌕 🌕 🌕 🌗 🌚
Quelle est la vraie foi ? Celle des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem ou celle des Turcs de Soliman le magnifique. La question se pose de nos jours avec autant d'acuité puisque d'aucuns sont encore portés à entrer en guerre, dite sainte, pour imposer leur réponse. On n'a aujourd'hui pas beaucoup progressé sur le sujet, même si les luttes auxquels il donne prétexte sont moins ouvertes, plus insidieuses, mais parfois toujours aussi fatales. La croyance échappe à la raison comme le rappelle Simon Scarrow dans cet ouvrage en citant le paradoxe d'Epicure :
Ou
bien Dieu veut éliminer le mal et ne le peut
Et il n'est pas tout puissant.
Ou bien il le peut et ne le veut pas,
Et il est malveillant.
Ou bien il le veut et le peut,
Et d'où vient donc le mal en ce monde.
Ou bien il ne le veut ni ne le peut,
Et pourquoi l'appeler Dieu.
L'épisode qui illustre ce mal que sont les guerres de religion, évoqué par
Simon Sarrow dans son ouvrage, est celui de la tentative de prise de l'île de
Malte en 1565 par les troupes turques de Soliman. Île de Malte en laquelle
s'étaient réfugiés les Hospitaliers en 1530 après avoir été chassés
successivement de Jérusalem, de Chypre puis de Rhodes, à chaque fois bousculés
par la conquête ottomane. A Malte, ils résistèrent tant et si bien sous le
commandement de Jean de la Valette - lequel laissa son nom à l'actuelle
capitale de Malte - que les Ottomans abandonnèrent leur projet d'anéantir
L'Ordre. Ce n'est finalement que notre empereur Napoléon qui en vint à bout en
1798.
Les récits de guerre comme celui-là rebutent très vite leur lectorat, surtout
lorsque l'issue du combat est connue d'avance par le féru d'histoire. C'est à
n'en pas douter ce qui pousse les auteurs de ce genre, Simon Scarrow n'échappe
pas à la règle, à rehausser leur récit d'une intrigue, qu'elle soit amoureuse,
politique, d'un quelconque secret de filiation ou d'un autre registre. Mais si
dans les guerres comme dans la vie de ce temps foi et honneur commandaient au
comportement, ce savoir être n'avait d'égal que la sauvagerie des combats. Ces
derniers se faisant au corps à corps, avec le
cimeterre et l'épée les amateurs de corps taillés en pièces y
trouveront leur compte.
L'intrigue qui rehausse dans le
cimeterre et l'épée fait la part belle à la coïncidence et à la
persistance des sentiments. La première, artifice de construction, nuit quelque
peu à la crédibilité de l'intrigue. Quant à la persistance des sentiments
par-delà les décennies, j'ai bien peur que notre mode de vie moderne
confortable ait eu raison de toute réminiscence d'esprit chevaleresque. Pour le
reste, l'amateur d'histoire appréciera le talent et le travail de documentation
de Simon
Scarrow.
jeudi 27 octobre 2022
Lady Elisabeth ~~~~ Alison Weir
🌕 🌕 🌕 🌕 🌕
Qui veut abattre son chien dira qu'il a la rage. C'est à peu de chose près le raisonnement qu'a tenu Henri VIII d'Angleterre pour se séparer de deux de ses six épouses qu'il fit exécuter. La rage ayant été avantageusement remplacée dans le propos par les motifs d'inceste et d'adultère, voire de trahison, plus adéquats pour faire condamner une femme, justifiant ainsi d'atteinte à la dignité royale.
C'est par l'enfance d'une de ses filles, celle qui devint la reine Elisabeth
première du nom, qu'Alison Weir nous fait pénétrer l'intimité de cette
famille pour le moins singulière, les derniers de la dynastie Tudor.
Excellent et volumineux ouvrage qui ne manquera pas de ravir l'amateur
d'histoire. Il est roman quand il comble les oublis de d'histoire, il est
biographie quand il s'appuie sur les faits que cette dernière a retenus. Le
talent d'Alison Weir étant de passionner son lecteur en mettant l'accent
sur la sensibilité de celle qui est encore adolescente quand il lui faut
affronter la rudesse d'un père autoritaire, les affres de la politique et la
convoitise d'hommes en quête d'un bon parti. Et plus tard la rancœur d'une sœur
ne partageant pas ses choix religieux. Ouvrage fort bien documenté qui est tout
sauf la mise en forme d'une ennuyeuse chronologie.
Elle a choisi de relater la vie de celle qui aurait pu être princesse si la
primauté n'avait été donnée au descendant mâle pour assurer la succession
royale, le candidat fût-il né après sa sœur. C'est donc reléguée au rang de
Lady, d'où le titre de l'ouvrage, après la mort par décapitation de sa mère Ann
Boleyn, qu'Elisabeth vécut une enfance à l'avenir incertain, y-compris quant à
sa propre survie. Le lecteur vit cette période de son existence comme un
suspense même si ses connaissances en histoire le rassurent sur le sort de la
jeune femme. Elle n'en devint pas moins souveraine d'un royaume qui n'avait
alors encore rien d'un Royaume-Uni.
La menace la plus évidente sur son sort ne venait pas d'éventuel concurrents
mais bien de sa propre sœur Marie lorsque cette dernière eut accédé au trône
après la mort de son frère Edouard VI. Toutes deux ayant adopté des religions
antagonistes en ces temps d'obscurantisme. Elisabeth eut le tort de se situer
sur la voie la plus déviante du dogme officiel de Rome au point d'embrasser la
Réforme. La ferveur catholique de Marie étant telle qu'elle alimentait
volontiers les buchers auxquels elle condamnait sans scrupule les réfractaires
à la soi-disant « vraie foi ».
Cet ouvrage se conclut avec l'accession au trône de celle qui régna en
Angleterre sous le qualificatif de reine vierge. Il est fort bien écrit et
décrit avec talent les épreuves que dut subir Elisabeth pour accéder au trône
de son pays. Alison Weir nous fait percevoir les doutes de la jeune
fille qui ne manquait pourtant ni de force de caractère ni d'ambition. Elle dut
endurer de grands moments de faiblesse et de solitude tant elle craignit pour
sa vie, livrée au bon vouloir de sa propre sœur. Ouvrage d'histoire dans lequel
le romanesque a toute sa crédibilité et rend la discipline plus digeste. Une
grande réussite à mes yeux.
vendredi 23 septembre 2022
Les diables de Cardona ~~~~ Matthew Carr
🌕 🌕 🌕 🌗 🌚
Pour ma 666ème chronique il fallait que j'invite le diable à la fête sur Babelio. Bien qu'avec cet ouvrage de Matthew Carr, le diable n'est pas forcément celui qu'on croit.
Dans l'Espagne de sa majesté très catholique en cette fin de XVIème siècle la
justice du roi ne peut ignorer les menées de cette autre institution qui quant
à elle veut faire appliquer la justice de Dieu : la bien nommée Inquisition. Or
nous savons depuis déjà fort longtemps qu'au Créateur du ciel de la terre on a
pu faire dire tout et son contraire, puisqu'il brille par son silence, surtout
quand il s'agissait de préserver quelque monopole bien lucratif.
En cette fin de siècle post Reconquista lorsque le prêtre de Belamar de la
sierra est assassiné l'inquisiteur a tôt fait de désigner le coupable, lequel
se ferait appeler « le Rédempteur », dans les rangs de ceux qu'on désignait
alors sous le vocable de morisques. Il n'était autre que ces maures n'ayant eu
d'autre choix que de se convertir au christianisme ou quitter l'Espagne dans
laquelle ils étaient nés.
Un magistrat, Bernardo de Mendoza, est désigné pour mener l'enquête. Sa majesté
a beau être très catholique elle ne veut pas laisser à l'Inquisition le soin de
désigner elle-même des coupables qu'elle aura tôt fait avouer sous le fer rouge
ou l'estrapade.
Enquête mouvementée et à rebondissements pour notre magistrat. Il devra faire
la part des choses entre conflits religieux et autres intérêts plus triviaux
lorsque la belle et riche comtesse de Cardona se retrouve veuve, et donc fort
convoitée. Les prétendants pourraient alors bien être à l'origine de complots
bien orchestrés pour détourner les regards de leur responsabilité. En pareille
contexte le diable est bel et bien à rechercher parmi ceux qui affichent un
visage d'ange.
L'intrigue est ponctuée de moultes péripéties qui donnent un rythme effréné à
ce roman. le fonds historique est bien documenté et témoigne d'une solide
culture de son auteur en matière de religion. Là où cela se gâte à mes yeux
c'est dans le dénouement. Les gènes américains de l'auteur ont refait surface
et transformé le roman de cape et d'épée en western. Qu'on en juge par quelques
citations : « les mains en l'air et ne bouge pas », « vous êtes en état
d'arrestation dit Mendoza », ou encore par des combats qui font plus parler les
pistolets, qui n'avaient rien d'automatique au 16ème siècle, que fendre les
épées ou piquer les dagues. Chassez le cow-boy et il revient au galop pour que
justice soit rendue et le coupable pendu haut et court. Et l'infidèle soustrait
à la justice divine au grand dépit de l'inquisiteur lequel lui aurait forcément
dicté des aveux.
Cette dérive entache quelque peu le roman d'un anachronisme de situation et de
langage. Il reste pourtant de bonne facture et trouve son intérêt quand il
s'agit se remémorer un contexte historique et dénoncer des pratiques
judiciaires d'un autre temps : selon que vous serez puissant ou misérable, etc…
etc…