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samedi 26 août 2023

Les mystères de Marseille ~~~~ Emile Zola

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Je n’avais Ă  vrai dire jamais entendu parler de cet ouvrage dans l’Ĺ“uvre du grand Zola. Et pour cause, Zola, dans la prĂ©face de sa dernière Ă©dition de 1884, le dĂ©prĂ©cie Ă  nos yeux, autant qu’il le fĂ®t Ă  lui-mĂŞme une fois la cĂ©lĂ©britĂ© venue. Au point de le faire bouder par les maisons d’Ă©dition prĂ©fĂ©rant exploiter le succès de ses ouvrages postĂ©rieurs. Au premier rang desquels ThĂ©rèse Raquin qu’il Ă©crivit en parallèle de celui-ci.

Tout ceci nous est expliquĂ© dans les trois prĂ©faces Ă  l’ouvrage que comporte cette Ă©dition d’Archi Poche dont il faut saluer l’idĂ©e de remettre cet ouvrage sur l’Ă©tal des libraires : celle de Roger Martin qui intègre l’ouvrage dans le contexte de l’Ĺ“uvre de Zola, puis deux de l’auteur lui-mĂŞme. La première Ă  la sortie de l’ouvrage en 1867. Il y Ă©voque la genèse de l’ouvrage, son travail de recherche. La seconde en 1884 donc, dans laquelle il se montre très critique avec ce qui est devenu Ă  ses yeux un exercice de jeunesse pour le moins perfectible. Il ne cache pas avoir produit un ouvrage alimentaire. A 27 ans Zola vivotait et tirait le diable par la queue. Aussi n’a-t-il pas hĂ©sitĂ© lorsqu’on lui a demandĂ© d’Ă©crire un feuilleton Ă  paraĂ®tre dans le Messager de Provence, un journal d’Aix-en-Provence, ce qui deviendra quelques mois plus tard la première Ă©dition des Mystères de Marseille.

 « Les Mystères de Marseille rentrent pour moi dans cette besogne courante, Ă  laquelle je me trouvais condamnĂ©. Pourquoi en rougirais-je ? Ils m’ont donnĂ© du pain Ă  un moment les plus dĂ©sespĂ©rĂ© de mon existence. MalgrĂ© leur mĂ©diocritĂ© irrĂ©parable, je leur en ai gardĂ© une gratitude. »

Mais quand Zola fait du mĂ©diocre, selon lui bien sĂ»r, cela reste consommable aux yeux du quidam moyen, au rang desquels je me place, me frottant de temps Ă  autre aux grands du monde littĂ©raire. La belle langue est dĂ©jĂ  lĂ  au bout de la plume. Rendue dĂ©suète de nos jours par le seul fait du martyre que nous lui faisons subir au quotidien. Et Zola, en digne reprĂ©sentant du courant naturaliste, donne avec Les mystères de Marseille un avant-goĂ»t du talent Ă  venir, de la dimension sociale de son Ĺ“uvre bien ancrĂ©e dans son Ă©poque. Les personnages sont lĂ , dans leur rusticitĂ© le plus souvent, ballotĂ©s par les pĂ©ripĂ©ties de l’histoire, la grande, prĂŞts Ă  faire cette histoire s’il le faut aussi pour Ă©merger de leur maigre condition. Jusqu’Ă  faire tomber les cloisons qui les contiennent dans des classes sociales Ă  l’avenir fermĂ©.

C’est ce que montre dĂ©jĂ  cet ouvrage avec les Ă©meutes de Marseille qui ont prolongĂ© en province la rĂ©volution de 1848 en la capitale, avec la destitution de Louis-Philippe Ă  la clĂ©. Et quand cette Province c’est Marseille, il y a quelque chose en plus dans ces Ă©vĂ©nements. Quelque chose que Zola connaĂ®t pour avoir sĂ©journĂ© tout près, Ă  Aix-en-Provence. Il y a la ferveur du sang chaud des Provençaux que cet observateur de la vie des hommes a su transcrire avec le talent qui fit son succès. C’est dĂ©jĂ  une belle fresque de la sociĂ©tĂ© de son temps, mĂŞme si ce maĂ®tre du rĂ©alisme osant dĂ©jĂ  quelques pointes d’idĂ©alisme populaire affirme avoir mis quatre fois moins de temps pour Ă©crire une page des Mystères de Marseille qu’une de ThĂ©rèse Raquin.

Votre roman que vous taxez de mĂ©diocritĂ© m’a bien plu monsieur Zola. Pour avoir vĂ©cu Ă  Marseille j’ai pu y situer les dĂ©cors de l’intrigue. J’y ai appris les noms de rue aujourd’hui rebaptisĂ©es, avec moins de bonheur. Je me suis plu dans cette romance aux noms chantant sur fonds de concert de cigales. Je me suis plu Ă  lire ce talent qui germe en ces pages et dont le rapport vous a permis d’Ă©clater Ă  la face du monde avec le reste de votre Ĺ“uvre.