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dimanche 27 août 2023

La fille du faiseur de rois ~~~~ Philippa Gregory

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On l’aura compris avec les titres des ouvrages qu’elle a produits, dont celui-ci, la parole est aux femmes sous la plume de Philippa Gregory. Ce n’est que justice, bien tardive se dira-t-on, parvenus que nous sommes au 21eme siècle. Justice rétrospective si l’on peut dire. Bien qu’à y regarder de plus près, et Philippa Gregory nous y aide, si leur pouvoir n’était pas institué elles n’en étaient pas dépourvues pour autant. Il suffit de lire La fille du faiseur de rois pour s’en convaincre. Mais un pouvoir par influence n’est pas un vrai pouvoir, convenons-en.

Philippa Gregory s’est faite spécialiste de cette époque de l’histoire de la Grande Bretagne qui ne nous dit pas grand-chose à nous autres Français, de cette époque que quelques siècles plus tard les historiens se sont plu à désigner sous l’expression de Guerre des deux roses, friands qu’ils sont d’étiquettes lyriques, voire épiques. Période évoquant la lutte entre grandes familles, les Lancastre et les York, qui, bien qu’ayant des liens de parenté se disputaient âprement le pouvoir. Eternelle avidité qui pousse les hommes à se livrer des guerres sans merci, où l’on n’hésite pas à faire alliance avec son ennemi d’hier, dont on vient au passage de tuer la progéniture, quand les intérêts y décèlent une voie d’accès au trône. Période de l’histoire de nos deux pays qui nous confirme s’il en était besoin que nos amis anglais étaient bien nos ennemis héréditaires. Louis XI n’était pas le dernier à jeter de l’huile sur le feu. Mais surtout gardons tout cela à l’imparfait.

Sans revenir sur le contenu de cet ouvrage qui n’intéressera que l’amateur d’histoire, c’est la façon dont elle est traitée par Philippa Gregory qui a nourri ma satisfaction au fil des pages. C’est pour moi une formidable découverte que cette auteure britannique. Elle a une superbe façon d’écrire l’histoire, mais surtout de combler les lacunes que les sources de cette époque nous ont laissées. Sources d’autant plus indigentes quand il s’agit du rôle des femmes avouons-le. La romance se glisse naturellement entre les faits historiques sans les bousculer ni les trahir le moins du monde, au point de faire une parfaite symbiose entre le réel et l’imaginaire. Une touche de poésie chevaleresque rehausse l’intrigue et compense ce que les comportements ont pu injecter de méprisable dans leurs intentions et actions.

L’autre atout de cette écriture est de faire preuve d’objectivité. Dans ce qu’elle imagine de l’influence des femmes sur le cours de l’histoire, Philippa Gregory n’en dresse pas non plus un tableau idyllique. Il suffit pour s’en convaincre de lire à longueur d’ouvrage les manœuvres de la reine Elisabeth, épouse du roi Edouard IV, d’une part, et de la prétendante Anne de Neville, épouse du futur Richard III, pour se convaincre de la cruauté du combat qu’elles se sont livré à seule fin de parvenir à la consécration suprême et mettre en œuvre à leur tour le népotisme propre à installer et gratifier leurs proches.

Superbe façon d’évoquer la condition de la femme en ces temps reculés. Superbe façon de construire un roman historique et redonner la parole qui manque à nos livres d’histoire. Ouvrage jouissant d’un style agréable à lire, parfaitement maîtrisé, sûr de son impact, que la traduction ne semble pas avoir affaibli.


jeudi 1 juillet 2021

L'épopée vaudoise : Tome 1 - La croix des humiliés ~~~~ Hubert Leconte

 


J'ai entrepris de relire la trilogie de Hubert Leconte relatant l'épopée vaudoise des Alpes vers le Luberon. Les Vaudois que l'on présente parfois comme les précurseurs du protestantisme sont les disciples de Pierre Valdo. Ce riche marchand lyonnais du XIIème siècle avait fondé La fraternité des pauvres de Lyon à qui il avait légué ses biens. Il a été excommunié par l'Église. Sa faute : avoir fait traduire la Bible en langage vernaculaire, le franco provençal, pour la rendre intelligible au petit peuple. Un comble serait-on tenté de dire.

Pierre Valdo qui s'ouvrit de cette déconvenue à un ami érudit s'entendit répondre " … tu te rends compte où cela nous entraîne. Savoir lire c'est peut-être un jour contester tout le savant édifice de règles, de canons, de dogmes que l'Église a élaborés depuis plus d'un millénaire".

La croix des humiliés, premier tome de la trilogie, situe son intrigue romanesque à la fin du XVème siècle dans les vallées alpines. Pourchassés par l'église officielle de Rome, les Vaudois avaient essaimé. Forcés qu'ils étaient d'investir les lieux les plus inhospitaliers pour pouvoir vivre leur foi en relative tranquillité; foi qui n'était, rappelons-le, rien d'autre que la stricte observance des évangiles.

Or, parait-il que les évangiles n'envisagent pas de vivre dans le luxe et la luxure. Pierre Valdo avait donc eu le tort d'ouvrir les yeux de ses disciples à ces travers dans lesquels se vautraient la curie romaine et toute sa hiérarchie épiscopale dont on connaît trop la toute puissance en ces temps d'obscurantisme. Cette dernière a donc mis sur pied cette formidable juridiction ecclésiastique d'exception taillée sur mesure pour préserver ses monopole et intérêts, et faire retourner le manant éclairé aux ténèbres de l'ignorance : l'inquisition.

Et l'évêque menaçant Pierre Valdo de haranguer : "Il serait trop long de vous expliquer les mystères de la Sainte Trinité, de l'incarnation, et de la consubstantialité. Nous avons pensé pour les pauvres qui n'ont qu'un seul effort à fournir : croire."

Procès en sorcellerie, qualification d'hérésie, les Vaudois ont eu les faveurs de cette épouvantable machinerie tyrannique dont on connaît trop les méthodes barbares pour faire avouer les martyres pris dans ses carcans. On en connaît aussi trop la conclusion brûlante. Hubert Leconte, au travers de ce roman historique parfaitement documenté nous fait vivre l'errance de ces disciples convaincus d'une foi dictée par les évangiles en laquelle ils pensaient assurer leur salut, et qui fit leur malheur. On ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec la foi cathare qui a enflammé le sud-ouest de notre pays dans les mêmes temps alors qu'elle prêchait elle aussi le retour à la pureté du dogme, aux textes originels des évangiles.

En ce XVème siècle d'illettrisme et d'ignorance, l'Église toute puissante règne sur les esprits et les consciences. Elle n'admet ni contradiction ni concurrence. Elle a tout prévu, y compris un moine pour absoudre l'inquisiteur des violences – ce terme étant en la circonstance un doux euphémisme - qu'il se voit contraint d'infliger à ceux qui osent prêcher une autre parole que l'officielle. Y compris et surtout si cette parole est de nature à faire éclater aux yeux des puissants briguant la pourpre cardinalice leur déviance au regard de ce qu'ils n'ont de cesse de ressasser dans leurs sermons : les fameux dix commandements que leur comportement propre violent impunément tous les jours.

Expulsés de leurs vallées alpines vers une région qu'ils espèrent plus accueillantes pour leur sincérité biblique, les Vaudois n'en ont pourtant pas fini avec les faussaires de la foi. Les larmes du Luberon, le deuxième tome, va me le remettre en mémoire. Les quelques pierres vestiges de leurs modestes masures au creux des vallées et les grottes perchées à flancs de falaise qui parsèment la campagne provençale dans lesquelles ils cherchaient refuge gardent la mémoire de ces pauvres hères à la foi, la vraie foi, chevillée au corps.


dimanche 29 novembre 2020

La forêt des 29 ~~~~ Irène Frain

 

Pourquoi 29, et pas 28 ou 30 ? La réponse est simple et compliquée à la fois. Si on veut faire simple, on répond parce que c'est comme ça. C'est ce que disaient les hommes et femmes qui avaient fait leurs les 29 principes dictés par Djambo. Si on veut approfondir, on lit La forêt des 29 d'Irène Frain.

C'est tiré de faits réels. Cela s'est passé il y a longtemps, au XVème siècle au Rajasthan. Il y a d'ailleurs encore des prolongements de ce phénomène de nos jours. Modestes par leur ampleur géographique certes, mais incommensurables si on les considère à une échelle moins égocentrique que celle de l'individu. Car finalement tout est là. Au niveau de l'individu, cet être qui naît, vit et croît sur terre. Cet être assoiffé de tout pour lui-même et fait qu'aujourd'hui dès des premiers jours d'août la terre vit à crédit sur les ressources qu'elle peut offrir dans l'année.

Djambo aurait pu passer pour un illuminé, un gourou. Mais Djambo a été respecté. Il était "entré dans le non-temps où vivent les héros, les prophètes et les dieux." Respecté même par les plus avides, les plus puissants de ses voisins, lesquels n'avaient de cesse de convoiter, guerroyer, piller, s'approprier personnes et biens. Lesquels n'avaient de cesse d'accumuler des richesses et se vautrer dans les plaisirs, au plus grand mépris de l'autre, de demain. Et quand, par les tenants de l'une ou l'autre des religions, venait la question quel est ton Dieu, Djambo répondait : regarde autour de toi, Dieu est là dans cet arbre, les yeux de cette biche, les ailes de ce papillon, le chant de cet oiseau, le fruit de ce manguier, il est là partout autour de toi. Dieu est là à portée de main, Dieu c'est la Nature. Tout doit être respecté, toute forme de vie sur terre, du plus petit ver de terre au plus grand arbre de la forêt, au mettre titre que cet homme, cette femme ou cet enfant, quelle que soit ses origine, race, apparence et croyances. Avec Djambo, dans la forêt des 29 il n'y avait ni caste, ni clan, ni chef, encore moins de prêtre. Surtout pas de prêtre.

"Ce monde n'est qu'un campement provisoire. Et toute liturgie, un mensonge, une farce…"

Les 29 principes de Djambo – énoncés en fin d'ouvrage - n'ont d'autre finalité que de conserver aux êtres leur liberté, soumis qu'ils resteront aux seules lois de la Nature, afin de préserver le fragile équilibre du Monde. Equilibre qui lorsqu'il est perturbé peut avoir les conséquences les plus néfastes sur la vie des hommes. le problème étant d'en faire comprendre à ces derniers la relation de causes à effets, puisque toujours éloignés dans le temps. Relation que ces derniers se font fort de mépriser, harcelé qu'ils sont par le poison du désir. Criminelle fuite en avant vers une perdition reniée, mais de leur fait devenue inéluctable.

"Le seul lieu des hommes c'est le Temps. Il se chargera de les rattraper."

Un ouvrage qui interpelle à n'en pas douter. Comment ne pas extrapoler à ce que nous vivons aujourd'hui. Car si les appropriations sont moins brutales, encore que, l'irraisonnée soif du bien matériel a toujours la même prégnance sur la vie des hommes. Un ouvrage qui est quant à lui certes un peu long à imprégner son lecteur, mais qui, lorsque son objectif est entrevu, l'absorbe globalement, au même titre, on peut l'imaginer, qu'à pu le faire le regard envoûtant de Djambo sur ceux qui l'ont croisé.

Un ouvrage que j'ai tardé à tirer des rayons de ma bibliothèque. Reposé deux fois après en avoir lu quelques pages. Puis enfin lu. Comme quoi les dispositions d'esprit du moment changent l'abord des choses. Il y a un temps pour tout, tout entendre, tout lire. Car c'est un ouvrage que j'ai finalement beaucoup apprécié, même si son écriture peut comporter à mon sens des anachronismes de langages eu égard à l'époque des faits qu'il relate. Mais n'est-il pas vrai aussi qu'il se raccroche au temps présent tant la nature humaine a aussi peu évolué dans ses défauts depuis les immémoriaux alors que l'animale est restée constante dans son incidence sur la nature.


samedi 5 mai 2018

Érasme, Grandeur et décadence d'une idée ~~~~ Stefan Zweig

 



 "Ce grand désenchanté se sent de plus en plus étranger dans un monde qui ne veut de la paix à aucun prix, où chaque jour la passion égorge la raison et où la force assassine la justice". De qui parle Stefan Zweig en ces termes dans le portrait qu'il dresse d'Erasme, de son sujet ou bien de lui-même ? Cette assimilation en son personnage ne doit rien au hasard. Nous sommes en 1935, il s'est contraint à l'exil à Londres, fuyant la montée du nazisme en son pays depuis la prise de pouvoir d'Hitler deux ans plus tôt, horrifié qu'il est du sort réservé à ses coreligionnaires juifs.

Stefan Zweig a trouvé en Erasme un personnage taillé sur mesure pour endosser le costume du philosophe humaniste et pacifiste qu'il est lui-même. Il a trouvé chez l'auteur de L'éloge de la folie l'archétype, le support idéal pour développer le fond de sa pensée sur une nature humaine qu'il voit contaminée par le plus grand des maux : le fanatisme.

En ce début de 15ème siècle où la science, les découvertes des explorateurs commencent à battre en brèche les certitudes imposées par l'Eglise toute puissante, Erasme s'est trouvé, à son corps défendant, impliqué dans la lutte sans merci que se livrent les papistes et les réformés. Entre la curie de Rome vautrée dans le luxe et la luxure et la rigueur explosive d'un Luther qui déverse sur l'Europe le flot de sa verve intarissable contre le dévoyé d'une Eglise régnant en monopole sur les consciences.

Humaniste à l'habileté sans égale pour critiquer son époque sans se faire enfermer dans les carcans ou conduire au bûcher, Erasme s'était fait le porte-parole des pacifistes, précurseur de l'internationalisme à l'échelle de ce qu'était le monde d'alors, l'Europe. Son génie de l'accommodement cherchait dans le christianisme une haute et humaine morale propre à apaiser plutôt qu'à enflammer. Précurseur de la Réforme qu'il avait voulue moralisatrice et tolérante, il s'est laissé déborder par le bouillant Luther qui ne voyait en lui qu'un couard, un champion de l'esquive indéterminé à force de vouloir préserver.

Magellan, Balzac, Marie Stuart, fouché et d'autres, portraits plus que biographies sous la plume d'un Stefan Zweig qui s'attache plus à la psychologie des personnages qu'à la chronologie événementielle de leur vie. Mais avec Erasme on perçoit une intention supérieure, une nécessité, une urgence que lui inspire le contexte de l'époque au cours de laquelle il écrit cet ouvrage. "Erasme était la lumière de son siècle." Il a choisi ce personnage pour dire toute la souffrance qui l'accable de voir l'Europe sombrer dans la folie meurtrière sous la férule d'un tyran. Surement a-t-il fouillé l'histoire pour dénicher le personnage qui serait le plus à même de porter le message qu'il veut lancer à la face du monde. Il a déjà perçu en 1935 que la paix était compromise. Que la gangrène du fanatisme la rongeait très vite.

Il a sous-titré son ouvrage Grandeur et décadence d'une idée, démontrant tout au long de ce dernier que les hommes ne sont pas à la dimension de leurs idées quand elles prônent l'humanisation de l'humanité.


dimanche 14 septembre 2014

Le rêve Botticelli ~~~~ Sophie Chauveau


Rare sont les peintres des siècles passés qui ont connu la notoriété de leur vivant. Botticelli est de ceux-là. Fallait-il que son génie fût évident pour que ses compatriotes expriment un tel engouement pour son art.

Avec cet ouvrage magnifique, Sophie Chauveau nous accompagne dans une découverte documentée et bienveillante de cet artiste exceptionnel, de son œuvre et de son époque, sous le règne des Médicis dans la Florence du quattrocento. Elle nous fait aimer ses œuvres en décrivant la ferveur qui entourent leur conception. On n'a de cesse de les découvrir en images et de confirmer l'admiration qu'elles suscitent à juste titre. Internet est pour cela un outil fabuleux. C'est l'apothéose du figuratif en ce sens qu'au-delà du talent de représentation y transparaissent les sentiments qui ont présidé à la naissance de chacune des œuvres. Les états d'âme de leur créateur y sont décrits au point de nous faire palper son mal-être. Cet ouvrage nous fait percevoir une fois de plus la proximité du génie avec la névrose.

Comme beaucoup d'artiste de génie, Botticelli est un être torturé. La mélancolie est sa plus fidèle compagne. Il ne s'en cache pas. Il a cependant les pieds sur terre. Il analyse avec clairvoyance ce qui préside à son destin dans cette ville où la violence est souvent au rendez-vous, y compris envers lui. Ne terminera-t-il pas sa vie infirme des suites d'une agression, sans toutefois ne jamais se lamenter de son sort.

C'est un homme d'une grande sensibilité que la férocité de son époque révulse. Il est au bord de la nausée lorsque lui est imposé le spectacle du supplice de Savonarole, fût-il appliqué à son ennemi. A la nature humaine, il préfère la nature animale moins soumise aux arrières pensées.

Il est intéressant, dans cet ouvrage, de voir l'homosexualité masculine dépeinte par une femme. Elle lui rend cette prévenance, ce sentimentalisme, que lui ont fait perdre la condamnation des autorités de conscience et les moqueries du viril.
Leonard de Vinci, Pic de la Mirandole, Laurent de Médicis, Savonarole, Vespucci et dans une moindre mesure le rébarbatif Michel-Ange, sont autant de grandes figures qui peuplent l'environnement de Sandro di Mariano Filipepi dit Botticelli. Ils lui témoignent admiration et estime, lui qui en a si peu pour sa propre personne.
Une touche d'humanité est rendue à cet être complexe lorsque, sur le tard, il fait connaissance avec son fils déjà adolescent.
C'est un bel ouvrage que cette biographie qui ne porte pas son nom. La mort de l'artiste n'y est d'ailleurs pas évoquée. Comme pour illustrer l'immortalité de son œuvre.


 

samedi 7 juin 2014

L'enfant de Bruges ~~~~ Gilbert Sinoué

 



Avec cet ouvrage, Gilbert Sinoué nous transporte au 15ème siècle, dont les historiens ont fait une transition entre la Moyen-âge et le Renaissance, avec pour décor les prestigieuses cités de Bruges et de Florence. C'est un véritable “polar” dans lequel l'intrigue et les personnages tiennent le lecteur en haleine, jusqu'à ce que … le soufflé retombe. Mais n'en disons pas plus quant au dénouement.

La technique émergente de la peinture à l'huile est venue concurrencer, et peut-être condamner, la peinture a tempera. C'est en tout cas ce qui suscite l'intrigue. Je veux bien admettre être passé à côté de l'événement - de cette locution latine aussi - mais celui-ci est présenté comme une véritable révolution dans l'histoire de “l'Art des arts”. A tel point qu'il provoque un choc des consciences contemporaines averties et une réaction aux tournures imprévisibles, à la violence aveugle.

Comme à l'habitude avec Gilbert Sinoué, nous prenons une leçon d'histoire. Outre bien sûr le héros, Jan van Eyck, grand peintre flamand, on fréquente la cour de Côme de Médicis à Florence, on s'y rappelle que le Duc de Bourgogne régnait sur les Pays-Bas, que Nicolas Rolin a fait ériger les Hospices de Beaune, que nous sommes à l'époque de l'ouverture au Nouveau Monde, à la veille de la démocratisation de l'écrit par l'imprimerie et enfin que les Grands de ce monde l'étaient d'autant plus qu'ils s'érigeaient en mécènes.

Ce n'est pas, à mon sens, le fleuron de la bibliographie de Gilbert Sinoué. C'est comme ça que je le perçois. Mais avec cet auteur il y a toujours des richesses à glaner et cela reste d'un excellent intérêt. Ne serait-ce par l'ancrage de ces péripéties dans un contexte historique et les sujets de réflexion que cet ouvrage suscite sur le rôle de l'art dans la société et dans la vie tout simplement.

Il y a bien sûr aussi ces thèmes qui pourraient être perçus comme secondaires mais qui fondent en réalité la pensée humaniste de l'auteur. On les retrouve dans ces fameux coups de griffes à tous les promoteurs d'intolérance et d'immoralité auxquels il nous habitue dans ses ouvrages. L'esclavage est un des thèmes ciblé dans celui-ci, où les Noirs africains y sont présentés, dans la bouche d'Anselm de Veere, comme le “brouillon de Dieu” avant la création de sa grande oeuvre. On s'interroge aussi sur la place de la Femme dans ce roman très masculin, son accès difficile au devant de la scène. La mère adoptive de Jan est effet une marâtre mal aimante. Sa mère biologique ne fait qu'une apparition fugace. Elle est blâmée du crime d'abandon, même si pour son rachat, l'auteur lui fait donner sa vie pour sauver son enfant.

Quant au sujet essentiel de cet ouvrage dans la monde de l'art, on appréciera les descriptions documentées des techniques picturales, mais aussi la compréhension de ce principe du mécénat, seule chance pour un artiste d'émerger et de vivre de son art. C'était bien entendu extrêmement élitiste. Dans ce domaine, comme dans la vie en général à cette époque, seuls les plus forts avaient des chances de survivre. C'était pour l'art, en tous cas, un gage de qualité.