Rare sont les peintres des siècles passés qui ont connu la notoriété de leur vivant. Botticelli est de ceux-là. Fallait-il que son génie fût évident pour que ses compatriotes expriment un tel engouement pour son art.
Avec cet ouvrage magnifique, Sophie
Chauveau nous accompagne dans une découverte documentée et
bienveillante de cet artiste exceptionnel, de son œuvre et de son époque, sous
le règne des Médicis dans la Florence du quattrocento. Elle nous fait aimer ses
œuvres en décrivant la ferveur qui entourent leur conception. On n'a de cesse
de les découvrir en images et de confirmer l'admiration qu'elles suscitent à
juste titre. Internet est pour cela un outil fabuleux. C'est l'apothéose du
figuratif en ce sens qu'au-delà du talent de représentation y transparaissent
les sentiments qui ont présidé à la naissance de chacune des œuvres. Les états
d'âme de leur créateur y sont décrits au point de nous faire palper son
mal-être. Cet ouvrage nous fait percevoir une fois de plus la proximité du
génie avec la névrose.
Comme beaucoup d'artiste de génie, Botticelli est un être torturé. La
mélancolie est sa plus fidèle compagne. Il ne s'en cache pas. Il a cependant les
pieds sur terre. Il analyse avec clairvoyance ce qui préside à son destin dans
cette ville où la violence est souvent au rendez-vous, y compris envers lui. Ne
terminera-t-il pas sa vie infirme des suites d'une agression, sans toutefois ne
jamais se lamenter de son sort.
C'est un homme d'une grande sensibilité que la férocité de son époque révulse.
Il est au bord de la nausée lorsque lui est imposé le spectacle du supplice de
Savonarole, fût-il appliqué à son ennemi. A la nature humaine, il préfère la nature
animale moins soumise aux arrières pensées.
Il est intéressant, dans cet ouvrage, de voir l'homosexualité masculine
dépeinte par une femme. Elle lui rend cette prévenance, ce sentimentalisme, que
lui ont fait perdre la condamnation des autorités de conscience et les
moqueries du viril.
Leonard de
Vinci, Pic de la
Mirandole, Laurent de
Médicis, Savonarole, Vespucci et dans une moindre mesure le
rébarbatif Michel-Ange,
sont autant de grandes figures qui peuplent l'environnement de Sandro di
Mariano Filipepi dit Botticelli. Ils lui témoignent admiration et estime, lui
qui en a si peu pour sa propre personne.
Une touche d'humanité est rendue à cet être complexe lorsque, sur le tard, il
fait connaissance avec son fils déjà adolescent.
C'est un bel ouvrage que cette biographie qui ne porte pas son nom. La mort de
l'artiste n'y est d'ailleurs pas évoquée. Comme pour illustrer l'immortalité de
son œuvre.