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lundi 2 février 2015

Le mystère Napoléon ~~~~ Steve Berry

 



Inventez une énigme improbable impliquant un personnage historique célèbre. Brodez autour de celle-ci quelques événements mettant en scène des super héros au pistolet greffé et échappant à la pesanteur. Saupoudrez de mots magiques : trésor, secret, services spéciaux. Confiez cela à un nègre-scénariste scotché à son clavier et payé avec un lance-pierre. Mettez-lui la pression et vous obtiendrez un de ces fameux scenario pour série TV dont les productions américaines ont le secret. En prime, il vous servira le compte à rebours fatal, le Malone Cotton qui saute d’un hélicoptère sur un avion en plein vol et un bouquet final en forme de fusillade dans la pénombre d’une crypte, à portée de main du trésor.

A l’instar de leur nourriture riche en sucre et en graisse, qui flatte les papilles mais masque les saveurs, le produit de nos scénaristes américains sera bourré d’effets spéciaux dont le seul but est de faire oublier sa pauvreté en émotions.

Mais nous sommes dans un roman, oublions réalisme et vraisemblance. Apprécions imagination et habileté à intégrer la fiction dans la réalité historique.

Et là, patatras, deuxième déconvenue. L’auteur nous sert des rappels à l’histoire de France façon cours de fac passés au travers du filtre de la psychologie américaine. Ça gratouille le citoyen franchouillard qui se défend de brader sa culture millénaire. S’il ne s’enorgueillit certes pas des incursions napoléoniennes chez nos voisins européens, il ne veut pas non plus lui faire assumer tous les maux du 20ème siècle. Car lorsque l’histoire de France est revisitée par un auteur en vogue version Oncle Sam, vous aurez la délicieuse déconvenue de lui voir attribuer à Napoléon la responsabilité directe des deux dernières guerres mondiales. Le raccourci est saisissant. En cherchant bien d’ailleurs, il a certainement raison. Charlemagne, Clovis et consorts sont aussi dans le coup.

Steeve Berry a bien compris que tout événement remarquable trouve ses germes dans le passé, ça s’appelle l’Histoire, la grande. De là à faire des raccourcis du style Bonaparte-fou-sanguinaire-inspirateur-d’Hitler, c’est se faire prendre de vitesse par son processeur. L’histoire, c’est ce qui manque à nos amis américains. Mais cette frustration, si elle a le mérite de leur conférer un sentiment patriotique farouche qu’on peut leur envier, ne doit pas non plus les placer en donneur de leçon et leur faire oublier que la leur d'histoire commence par un génocide. Il n’y a pas si longtemps que ça.
Restons alliés. Ne devenons pas aliénés.

Nous voilà donc devant un scenario à la cohérence aussi incertaine que sa géo localisation est dispersée, servi par des personnages froids, bâtis sur des stéréotypes racoleurs. C’est fumeux, ça somme faux comme une cloche fêlée. Le prétendu trésor de Napoléon sert plus de prétexte occasionnel que de fil conducteur. Et je ne parle pas du final grotesque.

L’accumulation des événements tente de compenser la pauvreté des analyses psychologiques. Les personnages restent falots et inconsistants. Ils sont tout sauf attachants.

Le traducteur s’est donné du mal pour humaniser la langue des onomatopées, mais le style descriptif reste heurté, lapidaire et dépourvu de sensualité. On y perçoit ces images aux couleurs éclatantes mais sans chaleur, dépoussiérées, version haute définition plus vraies que nature. Du numérique pur jus. Les décors prestigieux de notre belle capitale sont choisis pour flatter l’image - la fusillade dans le musée de Cluny - ou les effets spéciaux - l’avion qui fonce sur la tour Eiffel - mais certainement pas pour ce qu’ils apportent à l’intrigue. On navigue entre subterfuges et incongruités.

C’est artificiel et indigeste au possible. Je n’aurais pas été surpris de voir surgir des pages de pub entre deux chapitres de cet ouvrage.

Mais la littérature conserve quand même une supériorité sur le cinéma. A déconfiture culturelle égale, elle nous épargne les horripilants fonds sonores qui accompagnent désormais les changements de plan séquence et veulent susciter la peur ou l’excitation.

On comprend désormais que lorsqu’on a abusé de la naïveté du gogo qui avale tout cru ces soi-disant super productions, il ne lui reste plus que les psychotropes pour trouver un peu de rêve et d’évasion.

Bon voilà, ça fait du bien, ça défoule. J’embrasse ma petite sœur qui m’a offert ce livre. Cela faisait longtemps que je voulais me révolter contre cette culture du toujours plus qui happe les jeunes cerveaux fragiles de notre époque et les fait passer à côté des vraies émotions. J’ai bien conscience de marcher à contre-courant. Je n’arrive pas à me faire à l’idée d’appartenir à une culture sur le déclin, bradée sur l’autel de l’audience, la grande flatterie des bas instincts. Mais il vaut mieux aller seul vers la vérité qu’accompagner les autres dans l’erreur. Steeve Berry m’a fourni une bonne occasion. Tant pis pour lui.

Cependant, peut-être ai-je eu tort de lire Romain Gary dans la même semaine ?