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Ouvrages par genre
samedi 25 février 2023
La chambre des diablesses ~~~~ Isabelle Duquesnoy
samedi 11 septembre 2021
La redoutable veuve Mozart ~~~~ Isabelle Duquesnoy
J'ai décidemment un faible pour le style d'Isabelle Duquesnoy. J'aime sa spontanéité, sa verdeur dans le langage. Cela confère affirmation et truculence à ses personnages, de ceux qui ne se laissent pas marcher sur les pieds. Encore faut-il que je fasse la part des choses entre sa propre écriture et les propos qu'elle leur prête. Mais certainement les choisit-elle sachant les voir s'imposer à leur entourage par la seule force du verbe.
Ascendant qu'elle a exercé en premier lieu sur les deux fils qui lui sont
restés des six enfants qu'elle avait mis au monde. Au point de les étouffer à
les vouloir perpétuer le génie de leur père. « Voilà des années que tu me fais
ployer devant le spectre de mon père, que tu compares ma musique à la sienne,
que tu relèves sur mon visage les traces de sa figure » lui jeta à la figure le
cadet de ses enfants survivants, excédé qu'il fut par la pression que lui
appliquait sa mère.
Question caractère, avec la veuve Mozart on est servi. le personnage n'envoie
pas dire par autrui ce qu'il a sur le coeur. Elle a survécu cinquante ans à son
époux adulé. Celui dont elle revendiquait la jalouse propriété en en parlant
jamais autrement qu'en l'appelant « Mon Mozart ». Surtout lorsqu'elle se
heurtait à sa belle-famille, sans doute méprisante de l'alliance qui ne permit
pas à Wolgang de mettre un pied dans la haute société. Constanze a consacré sa
vie à entretenir sa mémoire et beaucoup plus que cela même, à lui bâtir la
popularité que ses contemporains lui avaient boudée. Qui pourrait croire,
connaissant aujourd'hui la renommée de ce génie de la musique, que Mozart est
mort endetté jusqu'au cou.
Mozart serait-il tombé dans l'oubli si son épouse n'avait consacré le restant
de ses jours à remuer ciel et terre pour faire valoir son génie. « Vienne ouvre
ses bras mais ne le referme jamais. » Mozart a été inhumé à la fosse commune.
Et remuer la terre Constanze l'a fait, des nuits entières à creuser le sol pour
exhumer les restes de « son Mozart » et lui donner la sépulture qu'à ses yeux
il méritait.
L'opiniâtre mère n'a jamais baissé les bras pour faire éclater le génie de son
époux trop tôt disparu à trente-cinq ans. Elle a laissé en héritage à ses
enfants, outre l'aisance financière qu'elle avait eu l'intelligence de
constituer, la gloire d'un compositeur dont le talent est de nos jours une
évidence. Des statues, des noms de places et de rues, une fondation, des
festivals, un Mozart joué par les plus grands tant qu'il y aura des pianos et
des violons : « La popularité universelle de Mozart, c'est moi » pouvait-elle
se glorifier. À juste titre.
On se convainc à la lecture de cet ouvrage que cet acharnement n'était pas
appropriation. Tant Constanze était imprégnée du génie de son époux et déçue de
l'avoir vu partir dans la quasi indifférence de ses contemporains. Sans doute
en seule motivation qu'il n'était pas noble. Les seuls dont on pouvait orner la
sépulture de croix et plaque. Mozart à la fosse commune. Qui pourrait l'envisager
aujourd'hui ? Époque maudite où les honneurs étaient dictés par le mérite
d'être « bien né ». Quel beau mérite !
Constanze a consacré sa vie à rendre justice à celui qu'elle n'avait pas aimé
pour son seul talent. Isabelle
Duquesnoy nous apprend la sincérité de son amour pour l'homme. Elle
nous dresse le portrait d'un homme simple, lui aussi original, facétieux et
tout entier versé à son art.
Cet ouvrage m'a comblé. J'aime la façon qu'a cette auteure de nous embarquer
dans le tourbillon d'une femme de caractère, une femme amoureuse, décidée à
faire rendre gorge à ses pleutres de Viennois qui avaient dédaigné son époux de
son vivant jusqu'à le laisser enterrer comme un gueux. Autant que son génie,
c'est justice qu'elle voulait rendre à son époux. C'est le cadeau qu'elle fit à
la postérité. Cadeau à ses inconditionnels de tous les temps qui de noblesse ne
reconnaissent que celle du talent.
samedi 1 septembre 2018
L'embaumeur ~~~~ Isabelle Duquesnoy
Les vacances sont pour certains l'occasion de lire plus. Ces dernières ont été pour moi l'occasion de lire moins. Je ne regrette cependant pas les soirées entre amis qui m'ont volé quelques heures de lecture. Ce que je regrette en revanche c'est d'avoir par trop fragmenté la lecture de L'embaumeur d'Isabelle Duquesnoy. Le découpage en épisodes trop nombreux fait perdre en substance de son contenu à un ouvrage. Et quand on parle de substance, pour ce qui concerne L'embaumeur on ne s'attend à rien de bien ragoutant. Heureusement qu'Isabelle Duquesnoy a su redonner de la truculence et de l'humanité à ce récit qui aurait pu sombrer dans le nauséabond.
Ce n'est en effet pas impunément que l'on participe à l'éviscération de
cadavres. Les remugles de décomposition exhalent tout au long des chapitres qui
le relatent. Mais avec son verbe fleuri, Isabelle Duquesnoy nous aide à
supporter ce qui a fait la fortune de Victor Renard. Il est devenu embaumeur.
Cette activité fera toutefois aussi son infortune. Cet ouvrage est en fait sa
propre plaidoirie devant des juges qui quant à eux resteront muets. Son crime ?
On l'apprendra dans les dernières pages de l'ouvrage selon la subtile
construction de son auteure.
Fiction raccrochée à l'histoire, la grande. Isabelle Duquesnoy y fait référence
dans des notes de bas de page. On y découvre les pratiques de la profession en
apprenant que cette dernière n'avait pas pour seule vocation de rendre les
corps présentables au jugement dernier, mais aussi et tout autant de calmer les
craintes de ceux qui avaient la hantise d'être déclaré mort un peu trop vite et
enterré tout de go. Victor Renard a fait fortune à exploiter cette crainte,
pour ceux qui en avaient les moyens en tout cas en cette fin de XVIIIème
siècle.
Découverte surprenante à faire à la lecture de cet ouvrage, pour ceux qui comme
moi sont vierges non seulement de signe astrologique mais aussi de toute étude
de l'histoire de la peinture, cette étonnante technique qui consistait à
utiliser les viscères desséchés et mis en poudre pour fabriquer des pigments de
peinture. Pigments d'autant plus précieux que leur pourvoyeur tenait un rang
élevé dans la société. Quelques bruns soutenus, fixés sur certaines toiles de
maîtres, furent ainsi obtenus du broyat de viscères de personnages de famille
royale. Il y a plus exaltant en matière d'art.
Mais l'aspect technique du métier ne sert que de toile de fond à la vie de
Victor Renard. La vraie substance de l'ouvrage est plus incommodante encore.
C'est dans ses déboires en amour que Victor Renard trouve grâce à nos yeux. Au
premier rang desquels l'amour maternel dont il n'a pas été gratifié. La
détestation que sa mère lui voua valut à cette dernière, en juste retour, le
désir de la voir un jour sous son scalpel à lui extraire les tripes du corps.
Quelque peu déroutant comme sentiment filial.
Victor Renard n'en est pas moins un humaniste malchanceux. Il sait très bien à
qui attribuer les déboires de sa triste destinée. Aussi a-t-il préféré embellir
la mort plutôt que de croire en l'impossible amour, y compris avec celle qu'il
a épousée. Encore moins en l'amour d'un dieu qu'il ne connaît pas. Philanthrope
à l'égard de qui le mérite, il n'a pas craint de s'adjoindre en son commerce
les services d'un esclave affranchi dont ses contemporains affirmaient qu'il
avait l'âme plus noire que sa peau.
Magnifique roman de par son style, sa subtile construction qui nous laisse
mijoter entre les mains de l'embaumeur avant de nous faire entrevoir la raison
de la plaidoirie. Roman duquel on peut accessoirement extraire quelques
fragments pour consolider sa culture historique. Mais surtout roman du désamour.
La froideur cadavérique et ses exhalaisons fétides sont la manière la plus
efficace pour imager une vie sans amour maternel.
Roman que je garde sur mes étagères pour me promettre une relecture, plus
avertie et assidue celle-là.