Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire
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jeudi 11 janvier 2024

Ce qu'ils disent ou rien ~~~~ Annie Ernaux



Cet ouvrage est construit comme le désordre des réflexions qui se bousculent dans l'esprit d'une adolescente. Comme toute elle doute, elle rêve, elle déteste. À commencer par elle. Ses parents aussi à qui elle ne veut surtout pas ressembler. Ressentant néanmoins au fond d'elle-même qu'ils lui sont essentiels. Plus tard peut-être. Pour l'heure, elle ne supporte plus leur petitesse, leur verbiage qu'elle connaît d'avance, leurs tics et manies qui l'insupportent. Ils ne sont que des empêcheurs de vivre.

Les garçons ne souffrent pas du mal-être qui la taraude elle. Elle en est sûre. Ils sont d'une bêtise à pleurer. de toute façon, ils ne pensent qu'à une chose. Les graffitis dans les toilettes du collège le prouvent.

La construction et l'écriture de cet ouvrage participe grandement à l'illustration du chaos qui bouleverse l'esprit de la jeune fille. La transformation de son corps la projette dans le torrent impétueux de la vie sans plus savoir à quoi se raccrocher pour retrouver ce sentiment de sécurité que lui était jusqu'alors son foyer familial.

Cette confusion recherchée rend ce moment de lecture laborieux, mais tellement vrai. Il faut le prendre comme une prouesse de l'auteur à restituer ce que tout un chacun a connu dans cette période sa vie. Sauf peut-être ces balourds de garçons qui ne doutent de rien. Eux au moins ont un but. Moche, mais un but quand même. Quant aux parents, Ce qu'ils disent ou rien.

lundi 4 décembre 2023

Le fantôme de Philippe Pétain ~~~~ Philippe Collin

 



La France de Vichy, sujet éminemment délicat à évoquer aujourd’hui encore. Il faut du doigté à un auteur pour aborder avec impartialité cette page sombre de l’histoire de notre pays. Dans Le fantôme de Philippe Pétain, Philippe Collin fait le point sur ce brûlot de la mémoire collective de notre pays. Cette période au cours de laquelle Philippe Pétain fut chef de l’État Français, depuis qu’il s’était vu remettre les pleins pouvoirs en 1940, jusqu’à la défaite de l’Allemagne nazie, évoquant en inévitable conclusion les dernières années du maréchal après son procès en 1945. Il est aussi question comme de juste de la posture du général de Gaulle vis-à-vis de son ancien chef. Attitude qui lui inspira cette expression comme de Gaulle en avait le secret : « la vieillesse est un naufrage. » Pétain avait 84 ans en 1940.

Philippe Collin est parvenu à dépassionner le sujet en conduisant ce qu’on pourrait appeler une forme d’instruction à charge et à décharge, interviewant des spécialistes de l’époque parmi les plus éminents. Il destine à nous autres lecteurs d’un autre temps un recueil de ces entretiens rendu d’autant plus vivant et passionnant qu’il s’offre à nous sous forme d’un débat s’affranchissant de la stricte chronologie. Il s’agit d’analyser comment un personnage, porté haut dans le cœur des Français de l’époque pour avoir été le vainqueur de Verdun, a pu être conduit à commettre l’impensable. Une belle réussite que cet ouvrage autorisé par une mémoire encore vive mais avec déjà un recul suffisant.


mercredi 29 novembre 2023

La fabrique des pervers ~~~~ Sophie Chauveau

 


En amateur d'histoire que je suis j'apprécie les œuvres de Sophie Chauveau tant du fait du formidable travail de documentation avec lesquelles elles sont construites que de la qualité d'écriture qui les met en pages. Je suis en train de lire Diderot, le génie débraillé de sa main. J'avoue rester ébahi de la précision avec laquelle elle peut y détailler la vie du père de l'Encyclopédie.

Mais las, depuis que j'ai lu celui pour lequel j'écris ces modestes lignes, La fabrique des pervers, je perçois les œuvres de Sophie Chauveau sous un autre angle. En effet, quand tant d'autres auraient pu sombrer à assumer un passé intime empoisonné, Sophie Chauveau s'est elle réfugiée dans le travail pour produire des œuvres de grande valeur historique et littéraire. Ce passé intime est celui de l'enfance pervertie par l'abus sexuel d'un parent.

Si les autres ouvrages peuvent être imaginés comme ceux de la fuite et de l'oubli par le travail, La fabrique des pervers serait donc pour son auteure celui de la thérapie. Enfin.

Mais aussi et peut-être surtout un livre en forme d'espoir pour les autres victimes de pareille souillure de la part de personnes supposées garantir à l'enfant la sérénité dont il a besoin pour s'épanouir. Des victimes qui n'ont pas encore pu se libérer par la parole. Un livre pour leur dire que l'on peut en revenir. A condition de bien parvenir à faire reporter la faute sur les vrais coupables : ceux qui commettent le crime d'inceste. Un livre pour ne pas assumer les torts de mauvaise action ou de passivité, fussent-ils ceux de parents.

Mais aussi encore un livre de mise en garde pour des victimes potentielles de ce crime, de leur entourage proche qui se rendrait tout autant condamnable en fermant les yeux. le huis-clos familial est le contexte dans lequel une victime potentielle est la plus vulnérable. Ecartelée qu'elle est entre la part d'amour qu'elle éprouve à l'égard de ses parents et la part de rejet que lui inspire ce qu'elle ne comprend pas encore comme une agression mais bien comme une anormalité dans la relation filiale.

Il faut dire que Sophie Chauveau a de qui porter le poids de l'indignité s'agissant de la famille dont elle est issue, au sein de laquelle des relations coupables se sont entretenues durant des générations. Profitant d'époques où la voix de l'enfant était étouffée par des codes sociaux et moraux qui ne l'instituaient pas en tant que personne. Au grand avantage de pervers qui jouissaient quant à eux de leurs pulsions sans crainte ni retenue et donnaient de la personne une idée déshonorante.

Bravo à Sophie Chauveau pour cette libération et pour l'espoir qu'elle procure à qui n'est pas encore parvenu à émerger d'un passé gangrené par de tels comportements, faisant de l'enfant un objet d'assouvissement et non un adulte en devenir.


mercredi 20 septembre 2023

Ce qu'ils n'ont pu nous prendre ~~~~ Ruta Sepetys


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L’écriture de Ruta Sepetys, au travers de son formidable Hôtel Castellana, m’avait donné le goût d’approfondir ma connaissance de cette auteure et de son œuvre.

Elle semble s’être focalisée sur les régimes tyranniques. Le second ouvrage de sa main que je viens de refermer traite d’une période qui est chère à son cœur puisqu’il s’agit de la main mise par Staline sur le pays d’origine de sa famille : la Lituanie. Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre est son premier roman.

A la lecture de celui-ci, j’ai éprouvé une légère déception. Je l’ai trouvé en dessous d’Hôtel Castellana en termes d’écriture. Moins abouti dans sa construction, l’inclusion de la fiction dans les événements historiques, bien que l’auteure paraisse néanmoins plus impliquée personnellement. On ressent à cette lecture une grande compassion pour toutes ces personnes sans distinction d’âge, de sexe et de condition qui ont eu à subir les affres de la déportation en Sibérie, et pour cause.

S’il n’y avait pas, comme ce fut le cas pour la solution finale mise en œuvre par les nazis, « d’industrialisation » de la mort, les conditions de détention dans le froid intense, la faim, les maladies évidemment non soignées, l’épuisement par le travail aboutissaient au même résultat. Ruta Sepetys met l’accent sur l’indifférence des gardiens, qui avaient eux leur confort sous les yeux des détenus, quant à la souffrance et la déchéance physique de ces derniers. Aux conditions de vie terribles, l’isolement total dans les immensités sibériennes, le sentiment d’oubli du reste du monde et l’incertitude complète de l’avenir participaient grandement à anéantir psychologiquement les détenus. Ruta Sepetys le rend très bien.

Cet ouvrage est bâti sur la base de témoignages souvent indirects, les rescapés ayant eux aussi presque tous disparu à l’époque où elle met son ouvrage en chantier. Cela reste toutefois un excellent roman de rappel à la mémoire de ces pauvres anonymes broyés par un système totalitaire inhumain. Ce genre d’ouvrage a toujours sa justification et plus encore lorsque la mémoire directe s’efface.


Veiller sur Elle ~~~~ Jean-Baptiste Andréa

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Qui est cette Elle sur qui il faut veiller ? Elle, a poussé Mimo à se cloîtrer dans un monastère, sans toutefois y prononcer des vœux. Sous la plume de Jean-Baptiste Andréa, il nous conte sa vie ses dernières heures venues. Mimo, c'est Michelangelo Vitaliani. Il a deux handicaps dans la vie. Celui d'être né dans une famille pauvre, mais surtout celui d'être différent. Il est de si petite taille qu'on le traite de nain. Mais il a un atout énorme. Celui de son art. Il est un sculpteur au talent inouï. Au point de rivaliser avec l'autre Michelangelo, le grand, l'auteur de la Pietà qui trône en la basilique Saint-Pierre du Vatican à Rome.

Elle, ce pourrait être Viola. Elle est la fille de la grande et richissime famille Orsini de laquelle sont issus plusieurs papes. Mais comment un nain, qui plus est de basse extraction, pourrait-il seulement lever les yeux sur pareille descendance. Aussi fantasque fût-elle ? N'a-t-elle pas l'idée de voler avec une aile de sa fabrication.

C'est pourtant ce qui arrive. Parlera-t-on d'idylle entre ces deux personnages ? Pareille union abonderait à l'expression du mariage de la carpe et du lapin. Mais une idylle quand même, oui. En forme d'amitié amoureuse. Parfois orageuse, mais toujours fidèle. Une de celle qui ne trouve d'assouvissement que dans l'espoir. Espoir d'on ne sait quoi. Sans cesse relégué, aussi fuyant que la ligne d'horizon.

A moins que l'assouvissement de cette idylle, ce ne soit cette sculpture, cette caresse au marbre pur qui a façonné un visage si doux. Le visage de la Vierge, si parfait qu'il est sacrilège aux yeux de l'Eglise. A la mémoire du grand Michel-Ange. La Pietà de Mimo fait de l'ombre à celle du maître. Aussi a-t-elle a été confinée en un lieu que très peu connaissent.

Mimo, Viola, un amour qui a trouvé son accomplissement, son triomphe dans l'immobilité d'un visage aux traits divins. Un visage de marbre. Un visage à la beauté céleste, inaltérable. Comme l'amour quand il n'a pas été corrompu par les bassesses de la vie terrestre.

Un roman à la puissance romanesque prodigieuse, porté par une écriture aussi fluide que les traits du visage de la Pietà. Celle de Mimo.



mardi 27 juin 2023

Hôtel Castellana ~~~~ Ruta Sepetys

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« La fillette lui caresse les cheveux.
- Señorita, pourquoi tu pleures ?
Puri secoue la tête et se force à sourire.
Estamos más guapas con la bocca cerreda.
C'est vrai. Nous sommes réellement plus belles avec la bouche fermée. » (Editions Folio - page 477)

Chape de plomb sur L'Espagne. Franco est au pouvoir. C'est le règne de la peur. le silence est salvateur. Mais « le silence est aussi une voix ». Une voix qui attend son heure. Comme peut l'attendre la réalisation de cette idylle impossible née entre un jeune américain fortuné et une femme de chambre de l'hôtel dans lequel il est descendu : l'Hôtel castellana.

Même si le prix en a été élevé pour les opposants au dictateur, patience et longueur de temps ont eu raison de la tyrannie. C'est l'histoire qui nous le dit. Auront-elles raison de l'obstacle à l'amour, il faut pour cela lire cet ouvrage de Ruta Sepetys. Oui, il faut lire cet ouvrage. Il est d'une justesse et une authenticité incroyables.

Cela fait déjà quelques temps que je n'avais été autant en phase avec pareil ouvrage dans mon genre de prédilection : le roman historique. J'ai rarement vu une fiction se fondre aussi naturellement dans les faits authentiques. Une fiction parfaitement maîtrisée par Ruta Sepetys. Elle parvient à susciter l'émotion sans sombrer le moins du monde dans le pathos ou la mièvrerie. le risque était pourtant grand, s'agissant d'enfants souffrant de la funeste entreprise du régime de Franco : le vol d'enfants à leurs parents républicains et leur vente à des fins de purification politique.

« Franco considère les opinions républicaines comme une maladie héréditaire, alors, pour qu'elle soit éradiquée, les enfants doivent être autant que possible élevés par des franquistes. » (page 376).

La construction de l'ouvrage est judicieuse, l'intrigue est entretenue sans aucune baisse de rythme avec ses chapitres courts et ses encarts de notes officielles émanant de différentes sources, dont des témoins de l'époque, qui viennent à l'argumentation et au rappel de la réalité. Et quelle réalité !

L'autrice réussit à auréoler ses personnages d'une forme de pureté, comme si les affres de la guerre les avaient dépouillés de leur vanité sans leur ôter leur fierté. L'intensité dramatique est empreinte de la prudence des humbles. Ça sonne vraiment juste.

L'histoire d'amour impossible qui nait entre Ana et ce client américain est traitée avec beaucoup de pudeur. La sensualité est dans les aspirations contenues. Cette histoire constitue la colonne vertébrale de l'ouvrage, elle lui confère un souffle romanesque maîtrisé qui ne vole en rien la vedette aux faits périphériques. C'est judicieusement construit.

« le peuple obéit parce qu'il est épuisé. Il y a une tension entre l'histoire et la mémoire : certains veulent désespérément se souvenir, mais d'autres veulent désespérément oublier. » (Page 375).

Histoire et mémoire, où se situe ce roman de Ruta Sepetys ? Au juste milieu serait-on tenté de répondre. L'Espagne a eu ce talent d'évoluer vers une transition douce, non revancharde, avec le retour à la démocratie à la mort du tyran. le roman de Ruta Sepetys a le génie de se fondre dans ce contexte comme il a celui de ne pas trahir l'histoire ni de pervertir la mémoire à succomber aux sirènes d'un misérabilisme racoleur.

Je salue la performance de Ruta Sepetys. Elle a su conserver recul et objectivité pour produire un ouvrage d'une grande justesse sur un sujet ô combien délicat et douloureux. En le rehaussant d'une histoire sentimentale touchante, parce que crédible et parfaitement intégrée, elle produit un très bel ouvrage fort bien écrit et construit. Je lui dis bravo.

jeudi 1 juin 2023

L'appel de la tribu ~~~~ Mario Vargas Llosa

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"Le monde romanesque n'est que la correction de ce monde-ci" nous dit Albert Camus dans L'homme révolté. A explorer l'œuvre de Mario Vargas Llosa, voilà une assertion que l'on peut mettre au crédit de l'œuvre de ce dernier. de la même façon qu'avec cet ouvrage dans lequel le prix Nobel de littérature convoque sa tribu, ceux-là même qui ont concouru à la genèse de sa pensée politique, à l'instar d'un Albert Camus il sait revêtir le costume du philosophe. Philosophie qu'il applique ici à la politique avec cet ouvrage autobiographique dans lequel il nous décrit l'évolution de sa pensée en la matière. Comme pour beaucoup, la maturité formant l'homme, elle a évolué de l'utopique vers le pragmatisme libéral.

Libéralisme dont il nous détaille sa conception. Se défendant de le réduire à une recette économique des marchés libres, l'orientant vers une « doctrine fondée sur la tolérance et le respect devant la vie, d'amour de la culture, de volonté de coexistence avec l'autre et sur une ferme défense de la liberté comme valeur suprême. » Mais selon lui, le libéralisme ne fonctionnant qu'avec des convictions morales solides l'intervention de l'Etat peut s'avérer nécessaire selon un dosage subtil qui devra écarter toute tentative d'hégémonie du collectif sur l'individu. L'écueil étant cet étirement vers les extrêmes que le discours populiste tente de faire, à droite comme à gauche.

Evoquant au passage le paysage politique français, qu'il connaît bien pour avoir séjourné en notre pays, Mario Vargas Llosa met en avant le fait que les belles intentions affichées au fronton de nos édifices publics peuvent comporter leur lot de contradiction. « Ainsi pour établir l'égalité, il n'y aurait d'autre remède que de sacrifier la liberté, d'imposer la contrainte, la surveillance et l'action toute puissante de l'Etat. Que l'injustice sociale soit le prix de la liberté et la dictature celui de l'égalité – et que fraternité ne puisse s'instaurer que de façon relative et transitoire, pour des causes plus négatives que positives, comme celui d'une guerre ou d'un cataclysme qui regrouperait la population en un mouvement solidaire – est quelque chose de regrettable et difficile à accepter. » Mais selon lui, ignorer ces contradictions serait plus grave que de les affronter et c'est sans doute la raison de son engagement en politique, non seulement dans son œuvre mais aussi dans ses actes. N'a-t-il pas été candidat, certes malheureux, à l'élection suprême en son pays en 1990.

Dans l'appel de la tribu, Mario Vargas Llosa invite les penseurs politiques qui ont concouru à forger sa conviction, depuis le précurseur de la pensée libérale au 18ème siècle, Adam Smith, jusqu'à des Raymond Aron et Jean-François Revel au 20ème siècle. Intellectuels qu'il situe parmi les derniers célèbres pour l'originalité de leurs idées et leur indépendance, nos contemporains du 21ème siècle étant quant à eux plus préoccupés de leur image et du spectacle qu'ils donnent en apparaissant dans les médias.

Romancier philosophe ou philosophe romancier, quelle que soit l'étiquette que l'on collera au personnage on ne peut être qu'emporté par l'érudition du personnage et le talent qu'il met au service d'un humanisme lucide, vertu en laquelle il voit la sauvegarde de toute société.

L'homme est un animal politique selon Aristote, Mario Vargas Llosa l'a bien entendu et n'est pas resté spectateur des choses de ce monde. Avec cet ouvrage il nous offre l'occasion de mieux comprendre l'univers dans lequel évolue beaucoup de ses personnages romanesques. Sachant qu'avec lui de chaque roman il faut tirer une philosophie.

L'ouvrage foisonnant de substantifs en « isme » demande un effort d'implication. Il est révélateur de la puissance conceptionnelle du personnage, de ses hauteurs de vue lui permettant dans ses romans de disserter sur la complexité de l'animal social qu'est l'homme. Sa force étant de garder un discours à la portée de son lecteur le plus humble, sans toutefois amoindrir la force du message.


jeudi 20 avril 2023

Le mas Théotime ~~~~ Henri Bosco

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J'ai bien peur que notre rapport à la nature ne nous autorise plus aujourd'hui la pleine compréhension de l'état d'esprit de ces gens dont la vie en dépendait directement. Ils vouaient alors à la terre un attachement respectueux dans une relation presque charnelle. Elle monopolisait la quasi exclusivité de leurs préoccupations, usait la force de leur corps. Ils en espéraient de quoi subsister.

Dans le Mas Théotime, Henri Bosco nous convie chez ces gens, sur leurs terres. Défendant bec et ongles chaque arpent de leur propriété ou de leur fermage. La force de son verbe nous dit l'âpreté d'une vie de labeur à endurer la rigueur des saisons, à surveiller le temps, à craindre pour la récolte.

Il fait partie de cette génération d'écrivains qui à l'inspiration allie maîtrise de la langue, fonds d'érudition authentique, références littéraires sous-jacentes et font de chaque phrase de leur texte une ambassadrice de leur ressenti. Ils produisent une écriture qui analyse les caractères jusqu'à l'indiscrétion, dépeint les décors avec la précision du figuratif. Parfois même un peu trop quand elle s'appesantit sur le détail à longueur de page. On a perdu l'habitude de ces exercices dont le fond est sublimé par la forme.

Henri Bosco est de ceux-là. Au mutisme des taiseux il sait puiser les états d'âme. Au regard répandu sur la parcelle ensemencée il sait faire dire la prière silencieuse d'une moisson généreuse. Prière adressée à ce dieu devant qui ils courbent l'échine, qu'ils visitent en son église le dimanche, en ruminant une sourde rancœur tant il est avare de ses faveurs, mais prudente tant son courroux est craint.

Chez les gens de la terre le sentiment a peu de place dans la journée de travail. L'amour est accessoire. Il ne fait pas le poids dans la balance quand les intérêts sont en jeu, les alliances imposées. Aussi ne s'exprime-t-il que part regard à la dérobée et rougeur au visage.

Le mas Théotime est le théâtre d'un amour qui ne s'exprime pas. Un amour chaste, qui se contente de la présence de l'autre. Dans l'écrin de la nature sauvage de Provence le mas Théotime est un ilot de pierre qui voudrait s'emplir du bruit de la vie des hommes. Mais les cœurs plus arides que les collines environnantes ne disent pas leur espoir. La terre, cette amante ombrageuse ne partage pas les attentions. Elle boit la sueur des hommes jusqu'à ce que vidés de force et d'espoir elle les ensevelisse dans le souvenir des vivants.

Le mas Théotime c'est une écriture précise qui saisit son lecteur, l'imprègne, en fait un témoin de la vie des hommes d'un autre temps. Celui où l'homme honorait cette nature qui bruissaient des chants et battements d'ailes de milliers d'oiseaux et la campagne embaumait d'autant de senteurs. Une écriture qui dit la courbature des corps à la peine, la satisfaction du travail accompli quand le soleil descend sur l'horizon. Mais aussi la frustration des cœurs.

mardi 4 avril 2023

Giono, furioso ~~~~ Emmanuelle Lambert

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J'ai adoré cet ouvrage de la main d'Emmanuelle Lambert. Elle évoque la vie de Jean Giono sans en dresser la froide biographie. Sa vie et son œuvre dois-je préciser, ou plutôt sa vie à partir de son œuvre. Ses ouvrages les plus connus comme ceux restés presque confidentiels. Ces derniers surtout dans lesquels elle est allée dénicher les pans les plus intimes de la personnalité de l'écrivain. Ceux qui à défaut de briguer la célébrité dévoilent des dessous, des travers aussi bien que des qualités étouffées par la pudeur. Comme cet amour qu'il vouait à son père, sans jamais le dire ou l'écrire, ou celui dirigé vers son ami Louis dont la guerre a enseveli l'innocence dans la boue des tranchées. Autant de sentiments qu'il faut trouver entre les lignes, ou dans ce regard un brin malicieux de son auteur.

Emmanuelle Lambert fait naître une intimité avec son sujet. Elle s'adresse à lui dans cet ouvrage, lui témoigne son assentiment quand il se déclare pacifiste après la première guerre mondiale, écologiste avant l'heure quand il voit ses contemporains mépriser les campagnes, mais elle l'admoneste aussi quand il a une position beaucoup plus ambigüe durant la seconde guerre mondiale. Mais toujours elle admire l'auteur. Elle aime celui qui sait parler au cœur, trouver et arranger les mots qui font vibrer l'être intérieur. Elle l'intronise comme l'un des plus grands stylistes de la langue française.

Formidable ouvrage fait d'une écriture riche, érudite et sincère. Un ouvrage très personnel quand Emmanuelle Lambert entremêle des pans de sa propre vie dans sa démarche à la rencontre d'un Giono qu'elle est allée dénicher dans ses murs à Manosque. Regrettant que les palmiers qui font le décor de certaines photos de l'auteur soient dévorés par le parasite qui a gagné toute la Provence. C'est une partie de Giono qui se dissout dans le temps. Son ouvrage à elle a lui aussi ses tournures poétiques et allégoriques qui lui confèrent la chaleur de l'amitié. Si ce n'est plus. Ouvrage d'une passionnée à l'égard d'un écrivain pétri d'émotions. Avec cette pointe d'amertume à l'égard de l'espèce à laquelle il appartenait quand elle se fourvoyait dans la guerre ou dans la destruction de son milieu de vie. Très bel ouvrage, incitatif à se précipiter vers ceux de son sujet pour se frotter à l'âpreté des caractères de personnages qu'il a si bien dépeints.


Interventions ~~~~ Michel Houellebecq

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« On arrive parfois, partiellement (j'insiste sur « parfois » et « partiellement ») à communiquer par l'écriture des choses qu'il serait impossible à communiquer autrement ; et ce qu'on écrit n'est souvent qu'un faible écho de ce qu'on avait imaginé d'écrire. »


Interventions - Michel Houellebecq - éditions J'ai Lu page 458.

Cet ouvrage se présente comme un recueil de réflexions que l'auteur a eu l'occasion de se faire, d'entretiens qu'il a tenus avec untel ou un autre sur la période allant du début des années 90 au confinement du covid en 2020. Il a le grand mérite de faire parler son auteur non plus par personnage interposé – comme dans ses romans - mais par lui-même. le « Je » est bien celui de MH.

Cela fait de cet ouvrage un éclairage très intéressant quant à son auteur pour celui qui, comme j'ai pu le faire, a lu nombre d'ouvrages (exceptées les œuvres poétiques) de sa main. Auteur qui ne laisse pas son lectorat indifférent, c'est sa marque de fabrique. MH a su se faire des adeptes, dont je suis et pas seulement pour les allusions à connotation sexuelle qui foisonnent dans ses pages, mais aussi des ennemis. Mais n'est-il pas vrai que celui qui n'a pas d'ennemis, n'a rien fait dans sa vie.

Car pour se faire des ennemis il suffit de bannir du discours hypocrisie et faux semblant ; en un mot de bannir ce que MH exècre par-dessus tout : le politiquement correct (page 213). Tendance de l'époque qui fait que plus personne ne parle de sincérité et préfère se couler dans un moule formaté par des codes de convenance consensuels et creux.

« Je n'ai pas envie de me laisser emmerder par les humanistes » clame MH (page 320). En particulier ceux qui formatent l'opinion et font que plus aucun discours n'est de vérité, mais lissé, standardisé, un peu comme les images qu'on nous déverse désormais à flot continu, lesquelles sont tellement nettoyées par la crème anti âge numérique qu'elles n'ont plus grand-chose à voir avec la réalité.

On avait compris, et il le scande dans cet ouvrage, que son combat est celui de la liberté d'expression qu'il défend bec et ongles. Dût-il pour attirer l'attention parler crument des choses que d'aucuns n'osent même évoquer à voix basse en prenant garde d'être entendu. La provocation est aussi un moyen de réveiller les esprits anesthésiés par ledit langage politiquement correct. Car si le discours de convenance est une belle vitrine il cache au chaland le contenu de l'arrière-boutique : un monde gouverné par « l'attractivité érotique et l'argent » au credo de chacun pour soi. Et Dieu pour personne désormais, depuis que Nietzsche a annoncé Sa mort et que Sa créature, bien qu'elle soit « un animal social de type religieux » se divertit de sa condition de mortel par la fête.

Notre monde, notre société, notre temps, ils ne les aiment pas. Pas plus que lui-même d'ailleurs. (Page 217) Mais il aime la littérature qu'il consomme sans modération. Ses envolées et ses références philosophiques nous font comprendre que sa culture n'est pas comme la confiture qu'on étale d'autant plus qu'on en a peu, sa culture à lui est bien consistante. Cet ouvrage le confirme au point que l'hermétique à toute philosophie s'en trouvera à la peine.

MH aime aussi se savoir lu. Quel écrivain dirait le contraire ? Aimé ou détesté peu importe. Il y a toujours un message qui passe et lui survivra quand il sera entré dans l'histoire. Avec cette ambiguïté de ne pas avoir d'estime de soi et vouloir en même temps marquer la postérité.

Avec MH le lecteur est mis à l'épreuve et jamais à l'abri de la déstabilisation. Au-delà des désillusions que lui procurent le monde et la nature humaine, et font la rancoeur nostalgique qu'on lui connaît longuement évoquée au travers des personnages de ses romans et bien sûr dans cet ouvrage, il évoque aussi dans ce dernier fréquemment son rapport à la littérature. Ne craignant pas sa compagnie bien au contraire. Elle l'a aidé à supporter le confinement. Littérature des autres bien sûr mais aussi celle de son cru. Avec ces surprenantes formules qui ne cesseront de nous surprendre : « Et quelle fascinante saloperie, quand même que la littérature, plus puissante que le cinéma, plus pernicieuse même que la musique » (page 286), mais elle reste « un moyen d'échapper à la vie » (page 337). Mais a contrario – et surement en auto dérision : « Il est bon de se méfier du roman ; il ne faut pas se laisser piéger par l'histoire, ni par le ton, ni par le style » (page 56), reconnaissant que dans ses romans à lui, « il manque quelque chose qu'on veut lui faire prononcer dans la réalité : c'est le message rassurant final. » On s'en est rendu compte !

Il est un autre combat que la personnalité et les écrits de MH confirment dans cet ouvrage, c'est celui du respect de la vie, de la personne humaine, fût-elle réduite au sommeil profond végétatif. La société qui prône la jouissance de la vie doit aussi en assumer les déficiences. Jusqu'au bout du bout et ne laisser qu'au Mystère (puisque Dieu est mort) qui préside à nos destinées le droit d'y mettre un terme.

Et de plaider quand même parfois pour son prochain – et pourquoi pas son lecteur : « L'homme est un être de raison – si on veut, cela arrive de temps en temps. Mais il est avant tout un être de chair et d'émotion : Il serait bon de ne pas l'oublier. » (Page 441).

De religion, de toutes les religions il est forcément beaucoup question dans cet ouvrage. Quand on parle de philosophie, la religion n'est jamais très loin pour tenter de lui reprendre la vedette. Aussi parmi les interventions sur le sujet, j'ai eu un faible pour la citation des Frères Karamazov qui n'a pas échappée à MH lorsque « Dostoïevski s'en prend à l'Église catholique, en particulier au pape et aux jésuites. Revenant sur terre, le Christ est aussitôt emprisonné par les autorités ecclésiastiques. Le grand inquisiteur, venant lui rendre visite dans sa cellule, lui explique que l'Église s'est très bien organisée sans lui, qu'ils n'ont plus besoin de lui – et que, même, il les dérange. Il n'a donc d'autre choix que de le faire exécuter à nouveau. » (Page 422).

L'adepte de MH sera, avec cet ouvrage confirmé dans son inclination. Son détracteur pourra moduler sa répugnance avec ces Interventions qui si elles nous confirment que l'auteur aime bien bousculer son monde, n'en restent pas moins au-dessus de la ceinture.

jeudi 30 mars 2023

Trois guinées ~~~~ Virginia Woolf

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1938, la guerre n'est déjà plus une hypothèse. le monstre d'outre Rhin fourbit ses armes. Virginia Woolf publie Trois guinées. La guerre est pour elle entre autres préoccupations une obsession. Autant que celle du statut de la femme dans la société humaine. Statut qui, s'il dédouane cette dernière de la responsabilité de la guerre, a contrario de son congénère mâle, ne l'exonère pas des dommages de cette calamité. Dommages qu'illustrent pour elle les photos « de cadavres et de maisons en ruine » venues d'Espagne, lequel pays fait déjà l'expérience du totalitarisme et son lot de conséquences néfastes.

Dans Trois guinées, Virginia Woolf répond à la lettre d'un homme lui demandant, en désespoir d'envisager lui-même une issue heureuse à la période de tension que connaît l'Europe, comment éviter la guerre. Mais sans doute ne s'attend-il pas à recevoir une réponse laquelle n'a rien d'un réconfort ou d'un espoir.

Une réponse mettant en cause le patriarcat dans sa responsabilité de la situation qui va conduire l'Europe au désastre. le patriarcat, cette moitié mâle de l'humanité qui a mis sous le joug l'autre moitié en instituant sa suprématie depuis l'origine des temps. Suprématie usurpée qui fait enrager Virginia Woolf. Même si en Angleterre les femmes ont obtenu le droit de vote en 1918, cette ouverture à la démocratie est encore loin de leur ouvrir les portes des universités et des carrières professionnelles, ne laissant encore aux femmes, selon Virginia Woolf, comme perspective de promotion sociale que le mariage et la maternité. Suprématie que la religion chrétienne, en contradiction avec la parole du Christ n'a pas su abolir, bien au contraire. Alors que les femmes quant à elles et de par leur complexion peuvent faire naître et prospérer une société égalitaire et pacifiste.

Virginia Woolf enfonce le clou. Dix ans après avoir publié son fameux Une chambre à soi, ouvrage qui l'a cataloguée parmi les militantes féministes. Elle a inventé le « psychomètre », instrument imaginaire propre à mesurer la force émotionnelle émanant de la personne et sa responsabilité dans les situations qu'elle engendre.

« Quel mot peut désigner le manque de droits et de privilèges ? Allons-nous une fois de plus faire appel au vieux mot de « liberté » ?

La « fille de l'homme cultivé », expression que Virginia Woolf invente, revient en leitmotiv dans cet ouvrage. Cette « fille de l'homme cultivé » est son spécimen étalon de l'être privé de droits et de privilège et par là assujetti à une tyrannie sexiste que Virginia n'hésite pas à comparer à la tyrannie totalitaire en train de gangréner l'Europe. Alors que si la femme se trouvait à parité de statut et de droit avec son frère elle serait à même de bâtir et faire prospérer une société de justice, d'égalité et de liberté.

« Les filles des hommes cultivés qu'on appelait contre leur gré des « féministes »… luttaient contre la tyrannie du patriarcat, comme vous luttez contre la tyrannie fasciste. »

Virginia Woolf est à ce point obnubilée par ce déséquilibre fondamental entre les sexes, que de sexe, au sens charnel du terme, il n'est nullement question dans son discours. Au point de l'avoir fait cataloguée de frigide par ses détracteurs. Sans doute à court de répondant à la lecture de ce que cette femme ose publier de ses récriminations émancipatrices. Dans trois guinées, elle nous assène un discours dont la redondance des idées peut paraître fastidieuse. Il témoigne de son obsession du déséquilibre fondamental qui prive ses consœurs de ces justice, égalité et liberté si chère à la femme qu'elle est. Ce martèlement accusateur tente de traduire son exaspération, celle de voir l'humanité courir à sa perte du seul fait de son manque de sagesse et sa cupidité à mettre au crédit de la moitié dominante. Et de clamer que « seule la culture désintéressée peut garder le monde de sa ruine. »

Exaspération qui virera au désespoir au point que Virginia, un jour de 1941, emplira ses poches de cailloux pour s'avancer dans la rivière. Et de fermer à jamais les yeux devant l'ampleur des horreurs du fascisme, dont le patriarcat assume selon elle la responsabilité.


lundi 23 janvier 2023

Le prince aux deux visages ~~~~ Gilbert Sinoué

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A qui aurait pu adhérer au mythe qu’ont voulu échafauder les diverses sources littéraires et cinématographiques autour de l’auteur des sept piliers de la sagesse, Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom que lui a attaché le film de Davis Lean, Lawrence d’Arabie, Gilbert Sinoué recommande de considérer la légende avec précaution.

Il y a en effet de son point de vue matière à enquête pour déterminer à quel degré la légende aurait fait d’un personnage illuminé un héros au seul artifice que le décor, l’époque et l’acteur choisi pour sa ressemblance auraient produit un effet supérieur au naturel.

Les décors des mille et une nuits, les chevauchées dans le désert, le regard au bleu insondable de Peter O’Toole, la lutte des tribus arabes pour s’extraire du joug de l’Ottoman, n’y avait-il pas là tous les ingrédients pour forcer le romanesque. Au point de magnifier un mythomane à qui le contexte historique chaotique de la première guerre mondiale aurait quelque peu lâché la bride sur le cou, son pays étant plus préoccupé par les fronts de l’Artois et de la Somme.

Ou bien faut-il y voir de la part de Gilbert Sinoué, dont on connaît les racines égyptiennes, quelque compte à régler avec ces nations, dont l’Angleterre et la France, qui ont tracé des frontières à l’emporte-pièce et sont par-là responsables du malaise faisant du Moyen-Orient, et à n’en pas douter pour longtemps, une poudrière ?

Ce qui est sûr c’est que David Lean, du haut des cieux qui l’abritent désormais, doit bien regretter le ternissement de l’image de son héros devenu dans les mots de Gilbert Sinoué un personnage pathétique, dépourvu de sensualité pour ne pas dire asexué tant il avait la phobie du contact des corps. Une sorte de pantin frustré et nihiliste qui « devint victime de la légende qu’il avait lui-même entretenue. »

Le grand spécialiste du Moyen-Orient qu’est notre auteur franco-égyptien a quelque peu trempé sa plume dans l’acide pour déchoir celui que le cinéma a érigé en héros. Il fut donc à ses yeux la vitrine de ce qui ne restera jamais qu’un symbole de l’impérialisme britannique. Et l’auteur de clore par une citation qu’il tire du film de John Ford, L’homme qui tua Liberty Valance, : « Si la légende est plus belle que la réalité, publie la légende. »

Le regard rêveur et énigmatique du héros a pris un voile, troublant encore un peu plus les mirages du désert.



lundi 5 décembre 2022

Divine Jaqueline ~~~~ Dominique Bona

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Pour avoir déjà pu apprécier l'écriture de Dominique Bona, je me préparais au plaisir de retrouver son style séduisant rehaussé d'érudition en portant mon choix sur cet ouvrage. Il me ferait connaître un personnage dont je n'avais jusqu'à ce jour jamais entendu parler, et pour cause.

La cause étant que mon univers de vie et mon rayonnement sont à des années-lumière de celui de cette célébrité qu'est Jaqueline de Ribes. Aussi puis-je affirmer dès lors, en refermant cet ouvrage, que si un jour quelqu'un de mal inspiré s'avisait d'écrire ma biographie, à côté de ce que je viens de lire le rendu aurait la consistance de celle d'un être disparu de la mort subite du nourrisson.

La qualité de pareil ouvrage doit autant au sujet de cette biographie, qu'à son auteure. À personne exceptionnelle il fallait un auteur, et en l'occurrence une auteure, qui soit à la mesure. Dominique Bona était toute désignée pour cet exercice ô combien périlleux, Jaqueline de Ribes étant encore de ce monde. La question se pose alors de savoir s'il s'agit d'une biographie ou de mémoires. La subjectivité change de camp selon le cas.

La joie de retrouver Dominique Bona dans son exercice favori qu'est la biographie a cette fois été tempérée. Si le style est toujours aussi brillant, le sujet m'a quelque peu blasé. Des descriptions à n'en plus finir, de tout ce qui peut mettre en valeur une silhouette de rêve et la mettre en scène au cours de galas, bals, dîners, réceptions, dans une forme de fuite en avant vers la séduction. Ce qui fait de cet ouvrage un véritable défilé de mode sous les yeux ébahis, si ce n'est envieux, des spectateurs de l'élégance faite femme et superbement retranscrite par Dominique Bona. Une fuite en avant, mais pourquoi pas aussi une forme de revanche sur le désamour dans lequel l'a abandonnée une mère dédaigneuse de sa descendance.

L'ouvrage devient plus intéressant lorsque Jaqueline de Ribes se lance elle-même dans l'aventure de la création en fondant sa propre marque. Sous l'œil pour le moins avisé, excusez du peu, mais néanmoins attendri des déjà grands de la profession : Dior, Saint-Laurent, et consorts. Entreprise dans laquelle elle se voit couronnée de succès artistique, mais pas financier.

Sujet et mise en forme font de cette biographie un ouvrage d'une esthétique rare, certes empesé d'un narcissisme exacerbé, mais qui réconcilie avec l'a priori défavorable que peut laisser planer une naissance favorisée par le milieu et la beauté, tant Jaqueline de Ribes s'est investie pour sublimer et faire rayonner au travers de sa personne, au-delà de la femme, la féminité.

La prouesse de l'auteure étant de ne pas faire assaut de superlatifs comme en déploie trop souvent les discours au vocabulaire indigent mais de mettre en œuvre dans son propos le même luxe que celui qui fait briller son sujet de mille feux à la face du monde. Car l'univers de Jaqueline de Ribes est tout sauf étriqué, sauf commun, sauf modeste. Ce qui la qualifie le mieux dans ce que j'ai compris de son personnage est sans doute cette phrase que Dominique Bona a extraite des nombreux entretiens qu'elle a eus avec la Divine Jaqueline : « Je suis née un 14 juillet, j'ai mis évidemment un peu de révolution dans la maison, j'espère avoir mis aussi un peu de feux d'artifice. »


mardi 30 août 2022

Nos secrets trop bien gardés ~~~~ Lara Prescott

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Nous sommes dans les années cinquante en pleine guerre froide. Le monde est partagé en deux blocs : l'Est sort de l'ère Staline mais n'a pas encore gagné sa liberté, les goulags sont toujours la villégiature des opposants au régime ; l'Ouest dans l'euphorie de l'après-guerre fait l'apprentissage de la liberté au rythme du jazz qui gagne l'Europe avec son swing enjôleur. Boris Pasternak vient de mettre le point final à son roman phare, le docteur Jivago. Se pose alors à lui le problème de le faire éditer. le régime soviétique décrète l'ouvrage sacrilège à l'idéologie socialiste et son auteur de facto ennemi du peuple.

Boris Pasternak voit quant à lui dans son ouvrage sa chance de perpétuation au-delà des querelles politiques et du clivage majeur qu'il induit. Un éditeur italien lui propose de le faire paraître à l'Ouest, Pasternak accepte quel que soit le sort qui lui sera réservé par le régime présidé alors par Khrouchtchev dont le sourire à la tribune n'est pas encore celui de la détente.

Lara Prescott a organisé son ouvrage à l'imitation du monde d'alors, CIA, qu'on ne présente plus, contre NKVD, le commissariat du peuple aux affaires intérieures de l'URSS. Par chapitre alterné le lecteur est seul habilité à franchir le rideau de fer pour d'un côté jouir de la légèreté occidentale ou de l'autre frémir sous la chape de plomb du régime communiste.

Le concept m'avait tenté lorsque j'ai trouvé cet ouvrage sur l'étal du libraire. Sa lecture m'a été moins heureuse. Autant l'événement de la parution de cet ouvrage, qui avec le reste de son oeuvre a valu à Pasternak l'attribution du prix Nobel de littérature en 1958, est passionnante, autant l'approche qu'en fait l'auteure vue du côté occidental est assommante.

Dans le pool de dactylos de son agence américaine la CIA sélectionne parfois quelques-unes de ses agents féminins. C'est là que la sévérité du sujet choisi par Lara Prescott s'enlise dans les futilités de la vie quotidienne. Des pages, des chapitres entiers évoquent les péripéties sentimentales de ces dames avec tout ce que cela comporte d'efforts de séduction, de tergiversation devant la garde-robe, de minauderies, jalousies et autres ragots entre concurrentes. Le contraste est peut-être voulu pour opposer des modes de vie aux antipodes l'un de l'autre, mais le résultat est que l'Est avec l'histoire de Pasternak et son éditrice et amante est captivante alors que les efforts de la CIA pour récupérer l'ouvrage original et le faire diffuser en URSS souffrent de chapitres entiers qui éloignent du sujet et plombent l'ouvrage à mes yeux. Même si l'écriture reste agréable, j'ai souffert des longueurs que provoquent la description détaillée des futilités de la vie quotidienne comme savent si bien le faire nos amis américains dont la spontanéité les pousse aux épanchements.

Le Docteur Jivago a été autorisé en URSS en 1985, vingt-cinq ans après la disparition de son auteur. Le prix Nobel de littérature qu'il s'était vu contraint de refuser a pu alors être reçu par son fils. Boris Pasternak a réussi à titre posthume le défi qu'il s'était lancé de faire paraître cet ouvrage. Il savait qu'il serait sa seule chance de survivre à sa propre mort, sous les yeux de millions de lecteurs qui l'ont lu et le lisent encore. Mais au final, la seule qui ait eu à pâtir de cette aventure littéraire est sa chère éditrice Olga Vsevolodovna Ivinskaïa. Son amour et sa fidélité pour Pasternak lui valurent deux séjours au goulag. Une pensée pour elle aussi, disparue en 1995. Cet ouvrage est aussi un hommage à ces femmes courageuses. C'est un autre bon point à son actif, et non le moindre.


mardi 15 mars 2022

Il était une lettre ~~~~ Kathryn Hughes


Plus ambassadrice qu'avocate de la cause féminine, Kathryn Hughes construit un roman dans lequel elle fait se croiser les destinées de deux femmes auxquelles le bonheur s'est trop longtemps refusé. Deux époques, deux générations, deux souffrances.

A la veille de la seconde guerre mondiale il est encore déshonorant pour une famille d'apprendre la grossesse d'une de ses filles hors mariage. Y compris si le responsable de cet état, puisqu'il faut l'appeler ainsi dans pareil contexte, veut assumer sa charge nouvelle de père. En intention en tout cas pour ce qui concerne l'intrigue de ce roman. Christina, fille d'une famille de Manchester dont le père est un médecin respecté, ayant fauté sera donc écartée par lui de sa famille. Son enfant confié à l'adoption à l'âge de trois ans auprès d'une famille américaine, aux grands chagrin et désespoir de sa mère.

Dans les années soixante-dix, Tina, jeune épouse sans enfant, trouve cette lettre dans laquelle un homme déclare à son amante vouloir être un bon mari et un bon père. Tina s'interroge sur le devenir de cette lettre qui semble n'être pas parvenue à destination. Elle-même sous la coupe d'un mari violent et manipulateur trouve dans cette lettre matière à se divertir de sa propre souffrance. Autant que la tyrannie de son mari le lui autorise, elle se met au défi de trouver les correspondants que cette lettre semble ne pas avoir réunis.

Ni accusateur ni empesé de mièvrerie, cet ouvrage se veut évocateur de deux situations de souffrance de femmes livrées à l'hégémonie du sexe dit fort au détriment de sa congénère. L'une et l'autre, que presque deux générations séparent, doivent assumer seules la culpabilité d'une dérive ou d'un déboire amoureux. La première, une grossesse hors mariage, la seconde, l'échec d'une union pervertie par le vice alcoolique. Cette dernière imaginant réunir deux coeurs sincères qu'un accroc du destin a tenus éloignés. Cherchant inconsciemment apaisement à son propre déboire conjugal dans la réparation au bénéfice d'autrui d'un mauvais coup du sort.

Bien écrit, bien construit, ce roman dépourvu d'acrimonie donne le ton juste. Sans le décrire concrètement il veut ramener le curseur de la culpabilité de l'échec de parcours amoureux vers son véritable responsable. Rétablir un équilibre corrompu depuis la nuit des temps, époque où le rapport au monde dépendait de la force physique. Roman féministe qui ne dit pas son nom mais le fait bien comprendre, à juste raison. Kathryn Hughes porte une belle parole de femme dans un roman dont on a trop envie d'évoquer le dénouement. Mais gardons-nous bien de divulgacher comme disent nos cousins canadiens. Bien qu'en relisant le prologue on se dit qu'il y a du bonheur à se repasser la fameuse morale de Candide, à cultiver notre jardin.


 

samedi 12 mars 2022

La tableau du maître flamand ~~~~ Arturo Perez-Reverte



Julia est restauratrice de tableaux. Elle se voit confier, en préparation de sa vente, la célèbre toile d'un maître flamand du XVIème siècle : la partie d'échecs. Ses travaux lui font découvrir, dissimulée sous les couches de peintures et vernis anciens, une inscription latine soumettant une énigme concernant la mort d'un des trois personnages représentés sur la toile. Présentée sous la forme d'une question concernant la prise d'un cavalier, elle se persuade que cette énigme se résout par le calcul des combinaisons offertes aux joueurs. Avec son ami et confident César l'antiquaire elle fait appel à un joueur expert pour élucider le mystère.

La vente du tableau donne lieu à des conflits d'intérêt opposant les parties prenantes, famille du propriétaire, galerie d'art, commissaire-priseur. Deux personnes de l'entourage de Julia sont assassinées. Un mimétisme machiavélique suggère à l'assassin de faire valoir ses identités et motivations au travers d'une énigme se superposant à celle de la toile du maître flamand.

Ce roman qui s'engage dans une forme d'enquête rétrospective sur la base de l'énigme proposée par le maître flamand devient thriller contemporain avec une montée en puissance très lente de l'intensité dramatique. La peur gagne Julia. Elle se persuade d'être la prochaine victime du meurtrier sans comprendre la raison de cet acharnement autour d'elle.

Arturo Perez-Reverte échafaude un roman érudit quant aux domaines dans lesquels il intègre son intrigue, en particulier le monde de l'art pictural, son histoire et ses techniques. Point n'est besoin par ailleurs d'être joueur patenté pour se prendre au jeu de ces énigmes qui s'imbriquent au travers des siècles. L'idée est intéressante.
Pourtant l'émergence du fait divers contemporain dans l'enquête sur l'énigme proposée par la toile du maître flamand est très artificielle et ouvre inévitablement sur un dénouement pour le moins tiré par les cheveux.

 C'est dommage d'une part parce qu'on se laisse volontiers prendre au jeu de l'enquête initiale laquelle fait appel à l'histoire et à la technique des échecs, d'autre part parce que la documentation est fouillée et le socle historique appréciable. C'est donc un thriller intéressant par l'intérêt qu'il suscite au départ, la qualité de son écriture et sa culture, ces dernières n'étant pas forcément des attributs du genre, mais un thriller qui fait long feu avec un dénouement assez décevant. 


Citation

Le joueur d'échecs lut à haute voix :
- La phrase que j'écris en ce moment est celle que vous lisez en ce moment... - Il regarda Belmonte, surpris.
Oui, et puis ?
- C'est tout. J'ai écrit cette phrase il y a une minute et demi et vous venez de la lire, il n'y a que quarante secondes. En d'autres termes, mon écriture et votre lecture correspondent à des moments différents. Mais sur le papier, ce moment et ce moment sont indubitablement le même moment... Donc la phrase est à la fois vraie et fausse ... Ou est-ce le concept de temps que nous lais
sons de côté ? ... N'est-ce pas un bon exemple de paradoxe ?

vendredi 11 mars 2022

Le miracle Spinoza ~~~~ Frédéric Lenoir

 

Évoquant son ouvrage majeur alors en préparation, L'Ethique, édité finalement à titre posthume, Spinoza écrivait lui-même, dans une lettre adressée à son ami Henry Oldenburg, qu'il avait délibérément choisi un mode d'exposition de ses pensées qui en rendrait la lecture aride. Le titre complet de son ouvrage se libelle d'ailleurs ainsi : L'Ethique démontrée selon la méthode géométrique.

Me voilà conforté dans mon intention de faire connaissance avec le personnage et sa philosophie avec l'aide d'un "traducteur". Quelqu'un qui me rendrait accessible la pensée du célèbre philosophe, lequel jouit en ce début de siècle d'un engouement nouveau auprès de la part de ses congénères contemporains, mais pas seulement.

D'aucuns expliquent cet engouement d'une part par le fait que Spinoza affichait des pensées très en avance sur son temps, au point de trouver de nos jours un écho singulier dans les milieux intellectuels et politiques. Il affichait un courant de pensée progressiste, tolérant, sachant se démarquer avec prudence, donc intelligence, des modèles imposés par un pouvoir politique autocratique, dont on sait qu'en son temps il était fermement contraint par le religieux.

L'autre aspect de ses textes qui le rend lisible aujourd'hui est plus inattendu. Le mode de raisonnement et de construction de ceux-ci, selon un principe interactif de renvois à de multiple références étayant la démonstration du philosophe, se prêterait particulièrement à la modélisation informatique. C'est le principe du lien hypertexte que l'on pratique abondamment et inconsciemment de nos jours en parcourant les pages web, lesquelles ont évidemment fleuri que lors de ces dernières décennies. Le Magazine littéraire de décembre 2017 publiait un article sur cette analogie constructive qui attendait le clic de souris pour naviguer de pages en volumes hébergés de par le monde, se substituant au contenant physique forcément plus lourd à manipuler.

C'est donc avec le Miracle Spinoza de Frédéric Lenoir que je me suis ouvert à celui qui a eu le cran de s'opposer à l'intelligentsia de son temps peu encline à la contradiction. Un temps où l'opposition de conscience pouvait avoir des conséquences pour le moins brûlantes. Du cran il fallait en avoir au XVIIème siècle pour fondre Dieu dans la Nature, laquelle pour le coup prend la majuscule. Prôner immanence contre transcendance. Du cran pour n'accepter que ce qui aura été démontré par le raisonnement, y compris s'il faut restreindre le champ de ses certitudes, mais surtout refuser de se faire dicter des croyances. Autre similitude avec notre époque contemporaine qui ne reconnaît plus d'autorité statutaire, réclamant à quiconque veut s'imposer de faire ses preuves.

Reconnaissons bien pourtant que, presque quatre siècles après que Spinoza nous a montré le chemin, la raison qui commande de ne pas écouter ses passions pour accéder au bonheur n'a pas encore gagné le combat. Loin s'en faut. Dans une société devenue consumériste, à l'intoxication commerciale agressive, le décodage algorithmique de la pensée du grand philosophe ne suffira pas à nous faire trouver la joie dans le dénuement, la béatitude dans la détermination intime. L'intelligence ne suffit donc pas au raisonnement. Il lui faut ce supplément d'âme pour faire comprendre à cette entité de matière spirituelle, qu'on ne peut appeler créature puisque Dieu est part d'elle comme de toute chose, théorie du monisme chère à Spinoza, qu'elle est en train de scier la branche sur laquelle elle est assise.

Dans le genre développement personnel, Frédéric Lenoir m'a donc aidé à monter quelques marches depuis les sous-sols obscurs de mon ignorance. Son ouvrage salué par les plus éminents est à la portée de tous. Je l'en remercie d'autant plus que je me reconnais assez bien dans la traduction qu'il nous fait de la philosophie du grand penseur déterminé mais pacifique. de là à la décrypter dans le texte ? Persévérance et longueur de temps entretiennent bien des espérances. Je lis encore et toujours.

 

mardi 8 mars 2022

Extérieur monde ~~~~ Olivier Rolin

 


Je me suis accroché jusqu'à ce que je lise à la page 115, de la part de l'auteur lui-même, Olivier Rolin : "je sens que je perds des lecteurs". Là, effectivement, j'ai lâché prise. En terme scientifique : le module de la force centrifuge a dépassé celui de la force centripète. Le lecteur-électron de la galaxie librairie-de-quartier que je suis a été éjecté, Extérieur monde.

Objectif atteint, ne resteront que les plus forts, les vrais, ceux qui sont capables de s'accrocher au noyau de la planète Rolin, de rester concentré dans la tourmente. Je me suis accroché à tout ce qui pouvait passer à ma portée. Mais non. Il a eu raison de moi. Je ne suis pas de taille à suivre le globe-trotter dans ses pérégrinations extraites en fouillis des soixante carnets d'une vie de sédentaire de l'instabilité.

Après la page 115, j'ai papillonné. J'ai certes retrouvé quelques situations et paysages connus au hasard, page 227. Sarajevo. J'ai un peu bougé moi-aussi, mais je n'ai pas été jusqu'à lire Les Misérables au Pôle nord. En fait je n'aime pas me faire brinquebaler. Je préfère tenir le volant.

J'ai eu encore quelques tressaillements nerveux, mais quand on m'a demandé ce que je lisais, et que je n'ai su dire si j'étais au Soudan, à la Terre de feu, dans une librairie de Shanghai ou les bras d'une colombienne, alors là j'ai expiré.

Depuis les cieux où j'ai retrouvé le calme, j'adresse mes plus vifs regrets aux Éditions Gallimard et à Babelio, les remercie vivement pour m'avoir adressé cet ouvrage dans le cadre de l'opération masse critique. Je fais quand même le serment d'y revenir, mais à petite dose. J'aurai alors l'impression de tenir le volant.

Enfin chapeau quand même. Je confirme, le monde est trop petit pour lui. Extérieur monde.