Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire
Affichage des articles dont le libellé est Kazuo Ishiguro. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Kazuo Ishiguro. Afficher tous les articles

mercredi 25 septembre 2019

Les vestiges du jour ~~~~ Kazuo Ishiguro




Cet ouvrage ne manquera pas de plaire aux amateurs du bien parler. Maîtrise de la grammaire et usage d'un vocabulaire choisi, mais pas seulement pour ce qui concerne le métier de Mr Stevens dans Les vestiges du jour. L'exercice auquel doit se livrer quotidiennement le majordome d'une maison prestigieuse est selon lui de faire preuve, en toutes circonstances, de la plus grande dignité. Vertu dont Mr Stevens tente de nous faire entrevoir les contours. Parmi lesquels la maîtrise de ses propres instincts pour exercer avec succès une profession somme toute très anglaise, et pour laquelle la dignité n'est bien souvent que le linceul de la trivialité d'autrui.

Après la disparition de son maître, Mr Stevens est parvenu à un stade de sa vie professionnelle où il peut faire quelques entorses à l'autre grande qualité du métier : la discrétion, la confidentialité. Dans le périple qui le conduit vers une de ses anciennes collaboratrices, il revient sur ces moments entre les deux guerres au cours desquels son maître, Lord Darlington, essayait de sauver la paix. Pressentant bien que l'humiliation, que l'Allemagne ne pouvait manquer de ressentir à l'issue du traité de Versailles, allait précipiter cette dernière dans les velléités revanchardes.

La maîtrise des émotions qui préside à chacune des circonstances du métier l'a en contre partie conduit à étouffer ses sentiments. On comprend alors que la visite qu'il s'apprête à faire à celle qu'il appelle encore Miss Kenton, bien que mariée, lui laisse comme un arrière goût d'échec dans une vie consacrée au service des autres. L'impression d'être passé à côté de quelque chose. Amertume qu'il s'efforce de dissimuler avec la même maîtrise que celle qui a prévalu tout au long de sa carrière.

Lecture onctueuse que celle de cet ouvrage. Plaisir de lire que ne gâche pas la traduction de Sophie Mayoux fort réussie pour restituer dans la langue de Molière quelques tournures bien senties à n'en pas douter dans celle de Shakespeare.


jeudi 30 novembre 2017

Auprès de moi toujours ~~~~ Kazuo Ishiguro

 


Jusqu'à ce que le mot qui lèvera le tabou soit prononcé en milieu d'ouvrage, l'esprit du lecteur est entretenu dans le mystère d'un vocabulaire éludant le sujet avec habileté. C'est ainsi qu'à Hailsham, dans cet établissement dont on comprend qu'il se tient à l'écart de la société civile au milieu de la campagne anglaise, le lecteur se familiarise avec ceux qui sont les gardiens, les juniors, futurs accompagnants, puis donneurs lorsque devenus adultes.

Des juniors que l'on chouchoute dans ce centre très particulier, hors de leur famille, on comprendra pourquoi, entretenu dans l'idée que leur avenir n'est pas d'en fonder une eux-mêmes, même si les relations sexuelles ne leur sont pas interdites. On ferme les yeux avec une tolérance pudique sur le sujet. C'est de toute façon sans risque.

L'âge de l'interrogation venu, sans remettre en cause leur statut, une obsession les tenaille : trouver leur "possible". Et espérer ainsi, sans oser le dire, devenir comme les autres.

Un pas a été franchi dans l'éthique. Le lecteur pénètre dans l'univers déprimant d'un monde bienveillant mais sans amour. Il en découvre la raison par infimes insinuations. Son sang se glace à la découverte de la raison de ce climat si particulier.

"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme". Le cœur n'y trouve pas son compte non plus. La montée en puissance très progressive de l'intensité dramatique du thème de cet ouvrage est réussie par une construction très habile. Un roman qui fait froid dans le dos car ce qui voulait être de l'anticipation ne l'est plus aujourd'hui. Il suffirait que … Mais bon ! Comptons sur la puissance de l'amour, si ce n'est de la raison.