Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

vendredi 28 juillet 2017

Madame Hemingway ~~~~ Paula McLain

 

Solitaire qui n'aimait pas la solitude, Ernest Hemingway eut quatre épouses. Paula McLain s'est prise de sympathie pour la première d'entre elles, Hadley Richardson. Elle en a fait la narratrice de ce bel ouvrage, Madame Hemingway. C'est l'histoire romancée d'un épisode de la vie de cette femme avec celui qui accédera à la consécration suprême de son art en recevant le prix Nobel de littérature en 1954.

Journaliste, correspondant de guerre, écrivain, Ernest Hemingway n'a pas été aventurier que dans sa vie professionnelle. Celles qui ont partagé sa vie affective en ont fait les frais. Paula McLain a mis son talent d'écrivain au service de Hadley et lui fait revivre cette idylle de six années qui restera à jamais dans la mémoire de celle-ci comme l'épisode dramatique de sa vie.

Paris au lendemain de la première guerre mondiale, des expatriés américains se retrouvent au sein ce que l'une d'entre eux, Gertrude Stein, immortalisera sous l'expression de génération perdue. Une génération d'artistes et intellectuels qui tentent inconsciemment d'exorciser dans l'alcool et les fêtes le cauchemar de la grande guerre. Elle avait avalé leur jeunesse et fait tomber trop tôt sur leurs frêles épaules une maturité précoce nourrie d'angoisses. Ernest Hemingway qui a connu les affres de la guerre en Italie, dont il tirera L'adieu aux armes, se retrouve volontiers sous ce label. Il ne craint pas d'explorer l'absurdité de la condition humaine lorsqu'elle se livre aux horreurs qu'elle fomente.

Grand témoin des conflits du vingtième siècle, amateur de corridas, de courses de chevaux, de chasse, sa soif de sensationnel, de liberté s'est assouvie au détriment du bonheur de celles qui ont choisi de partager sa vie. Paula McLain nous dresse un portrait admirable de Hadley, femme simple et courageuse, d'une grande sincérité, peut-être un peu naïve, que rien ne prédestinait à quitter son Amérique natale pour s'enfoncer dans le drame avec cet homme, de six ans plus jeune qu'elle, qui trouve logique de vivre à trois quand on ne peut choisir entre deux amours. Paula McLain nous fait prendre fait et cause pour ce personnage désintéressé qu'elle sait rendre attachant lorsqu'elle partage la vie de galère du futur prix Nobel encore loin de la célébrité, dans un sordide deux pièces parisien.

Une histoire dramatique formidablement conduite par Paula McLain. Elle nous donne un autre éclairage sur la personnalité du célèbre écrivain. Il ne peut que baisser dans notre estime au sortir de ce roman, grisés que nous sommes de la notoriété qui auréole désormais sa carrière d'écrivain. La gloire de l'un n'irait donc t'elle pas sans l'avilissement d'autres restés dans l'anonymat ?

Avec son écriture souple et épurée, Paula McLain se garde bien de tomber dans l'emphase. Elle préserve ainsi l'authenticité des sentiments de cette femme restée fidèle en amour à l'égard d'un Hemingway avec qui elle correspondra jusqu'à l'ultime moment de sa vie.
On s'interroge toujours sur les raisons du choix d'un auteur pour le personnage de son roman. Beaucoup vous répondront que c'est en fait le personnage qui s'impose à l'auteur. Ce qui me fera dire que Madame Hemingway ne pouvait trouver plus belle plume pour sortir de l'anonymat. Car en donnant ce titre à son roman, elle confère une certaine exclusivité à cette union, et reconnaît sans doute en Hadley la plus légitime des épouses d'Ernest Hemingway. Celle qui n'a jamais douté du talent de son mari alors que le succès se faisait encore désirer.
Cette histoire romancée est un superbe moment de lecture.


samedi 22 juillet 2017

Le mythe de Sisyphe ~~~~ Albert Camus



 
"Il n'est pas de plus beau spectacle que l'intelligence aux prises avec une réalité qui la dépasse." Cette citation tirée de son ouvrage, le mythe de Sysiphe, s'applique à merveille à son auteur.

La réalité nous dépasse tous et le sens de la vie nous est étranger. Nous n'avons cependant à son égard pas tous le même rapport, la même façon de nous tirer d'affaire ou de nous y inclure.

Ceux qui croient en Dieu et ont choisi une religion pour L'honorer ont fait le choix de la facilité. Tout s'explique par Lui et en Lui. La mort n'est qu'une ouverture sur l'éternité en Son royaume. La messe est dite.

Pour ceux qui ne croient pas, le problème reste entier. Parmi eux les simples d'esprit. Ceux-là n'expriment ni tourments ni interrogations. Et au final, heureux les simples d'esprit, le royaume des cieux leur appartient. La célèbre parabole les raccroche aux précédents.

Albert Camus, ni simple d'esprit, excusez du peu, ni croyant, mais contempteur des grandes théories philosophiques qu'il connaît bien, surtout dans leur contradiction, veut une réponse humaine à son état de mortel en mal de pouvoir donner sens à la vie. Sa réponse à lui c'est l'homme absurde. C'est Sisyphe condamné à pousser son rocher vers le sommet de la montagne, et à recommencer éternellement chaque fois qu'il sera redescendu dans la vallée.

"Les grands romanciers sont des romanciers philosophes." Albert Camus nous le prouve avec le mythe de Sisyphe qu'on lira toujours trop vite et trop légèrement tant ces pages sont lourdes de réflexion.

SI je voulais dire une énormité, je dirais que la lecture de cet ouvrage est indispensable à qui se passionne pour l'homme et son oeuvre et veut en approfondir sa connaissance. Encore faut-il être prêt à arpenter un chemin difficile. Camus, romancier-philosophe ou philosophe-romancier, le mythe de Sisyphe nous oblige à la seconde formule. En tout état de cause, un homme concerné, torturé par le sens de la vie, doué de courage et de talent pour l'exprimer.

Alors la mort de Camus contre un arbre en 1960 : accident, élimination ou suite logique d'un raisonnement et conclusion de l'homme absurde. Cette lecture élargit l'éventail des possibles.


mercredi 19 juillet 2017

Clair de femme ~~~~ Romain Gary

 


Romain Gary ou la féminité fait homme. Le titre le laissait présager, Clair de femme est plus que tout autre une ode à la femme.

Lydia est cette femme dont Michel fait la connaissance et auprès de qui se réfugie sa toute nouvelle solitude. Sans même le connaître, elle a compris que sa propre personne ne pourrait être que le support d'un culte que ce dernier voue à la femme. Une sacralisation. Au point de rendre l'amour insupportable. Au point de faire disparaître la personne derrière celle qui ne serait autre chose que l'émanation de la féminité.

"Tout ce qui faisait de moi un homme était chez une femme." Plus que jamais, Romain Gary est présent dans ces pages. Perdre sa femme c'est perdre la femme. C'est perdre la raison d'exister. Perdre la raison tout court. Il y a urgence à se jeter dans les bras d'une autre. Il lui faut retrouver cette ivresse du caractère féminin. Vivre en couple c'est se fondre l'un dans l'autre. Dans un couple, "personne ne sait qui est terre, qui est soleil. C'est une autre espèce, un autre sexe, un autre pays."

Chez Romain Gary, la féminité n'est pas sexuelle, elle est génétique. Elle n'est pas sentimentale, elle est spirituelle. Ce n'est pas un fantasme, c'est un fondamental. Tout le reste est dérisoire, les convenances, la morale, les apparences.

Clair de femme. Lumière céleste, lumière de vie.


dimanche 16 juillet 2017

La chute~~~~Albert camus

 

Quel est ce compatriote interpelé par le narrateur de cet ouvrage et qui ne dit mot ? le procédé narratif choisi par Albert Camus est à n'en pas douter la composante originale de ce texte. Moi, lecteur de la Chute, suis-je cet auditeur captif d'un monologue en forme de confession, ou bien est-ce tout bonnement le miroir dans lequel se reflète son auteur ? Peu importe, celui dont on ne connaîtra que la situation soulage sa conscience et donne à Camus l'occasion de développer un thème qui lui est cher et qu'il avait abordé quelques années auparavant dans L'Étranger.

Le châtiment est légitime. le jugement est une usurpation. "La question est d'éviter le jugement. Je ne dis pas d'éviter le châtiment. Car le châtiment sans jugement est supportable". Aucun homme n'est fondé à en juger un autre, fut-ce collégialement dans un cadre légal. Tout un chacun, y compris le juge, est enfermé dans la duplicité profonde inhérente à sa propre nature, tiraillé entre le bien et le mal, entre mensonge et vérité. Juger quelqu'un doit passer par l'étape préalable de l'expiation de ses propres fautes. Et quant au jugement dernier, n'attendez rien de cette échéance. le jugement dernier se tient tous les jours, dès lors qu'un homme prononce une sentence à l'égard d'un de ses semblables, en parfaite appropriation d'un pouvoir qu'il ne saurait détenir plus qu'un autre.

Au travers des propos de son narrateur, Camus exprime la "tristesse de la condition commune et le désespoir de ne pouvoir y échapper." Un pas de plus, pour ce qui me concerne, dans la connaissance de la philosophie de "l'humaniste subversif".