Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

vendredi 26 août 2016

Persuasion ~~~~ Jane Austen

 


S'il on en croit Salman Rushdie dans le grand entretien du dernier numéro du Magazine littéraire, il est "difficile d'écrire un livre qui dure dans un monde qui change".

Qui contesterait que les livres de Jane Austen aient franchi les siècles et que le monde ait pu changer depuis leur première parution ?

Force serait donc de conclure à la prééminence du grand talent de cette auteure pour perdurer au travers de ses écrits. N'est-ce pas le rêve inavoué de tout écrivain que de survivre à soi-même en ayant l'audace d'imaginer ses propres lignes courir sous les yeux des générations futures ?

Pour ce qui est des romans de Jane Austen, ce n'est pourtant ni les intrigues qui les échafaudent ni le modèle de société dans lequel elles se développent qui les distinguent à mes yeux. L'intrigue, se résumerait-elle toujours à la même question qui appellerait toujours la même réponse quand deux cœurs

 cherchent leur connivence ? Quant au modèle de société, celui qui hiérarchise les personnes du seul fait de leur naissance, il a bien fait de disparaître. Au diable "ceux qui comptent", ceux qui ordonnancent la "bonne société", ceux qui savent "tenir leur rang" contre vent et marées et à l'écart les autres, "de plus basse extraction", "sans patronyme prestigieux". Au diable la "respectabilité" quand elle est due au seul fait de la "condition", au seul fait d'être "bien né".

Et pourtant avec de tels handicaps dans ses ouvrages, Jane Austen a su faire de moi, autodidacte à la maigre culture, en ce 21ème siècle ultra connecté, un récidiviste parmi ses innombrables lecteurs depuis son lointain 18ème siècle. Je viens de terminer mon 3ème ouvrage de sa main, Persuasion, son dernier roman, dont on dit qu'il serait le plus abouti.

Outre l'intérêt historique de ces œuvres avec leur représentation de la société anglaise du 18ème siècle, c'est à n'en pas douter la qualité de la langue qui m'a fait revenir vers Jane Austen après Orgueil et préjugés puis Northanger Abbey. Comme un retour aux sources de la bonne formulation, de la signification originelle des mots, du savoir dire des sentiments.

Je conçois fort bien revenir de temps à autre vers cette écriture si parfaite, en alternance avec une écriture plus moderne dans laquelle je trouve aussi mon contentement.

Lire, encore et toujours, et puis Jane Austen parfois, pour le plaisir de la langue.


mercredi 10 août 2016

La Horla ~~~~ Guy de Maupassant

 



Nombre de couvertures des multiples éditions de cet ouvrage de Maupassant, le Horla, sont illustrées par le célèbre tableau de son ami Gustave Courbet : le Désespéré. Il saute aux yeux à sa lecture que cette mise en image est on ne peut plus appropriée au contenu de ce recueil. Surtout pour la nouvelle première qui lui vaut son titre.

Il est une autre évidence, en tout cas pour ce que j'ai ressenti à cette lecture, qui est que, dans cet ouvrage, Maupassant se joue de son lecteur. La maturité de sa renommée lui autorise cette liberté. Quitte à perdre de l'audience.

Chacune de ses nouvelles laisse son lecteur sur sa faim. Car elles n'ont pas de fin justement. Encore moins de morale. Maupassant laisse cette responsabilité à son lecteur. Mais au final celle qu'il pourra tirer ne saurait être immorale car les bonnes moeurs sont préservées. Il abandonne son lecteur au milieu du gué. Le laisse imaginer la suite. Voire même parfois construire le puzzle dans lequel chaque fragment de vie trouvera sa place.

Chaque nouvelle est comme un instantané pris dans la vie de ses personnages, un épisode extrait au hasard du roman feuilleton de leur existence. On regarde avec lui quelques photos, sans autre rapport elles que d'être enfermées dans le même album.

On sent bien que l'effet est recherché. C'est toutefois peu frustrant. N'est resté à mes yeux que le formidable style de son auteur pour sauver ce recueil de la perplexité, parfois de la langueur, dans laquelle il m'a plongé.


jeudi 4 août 2016

Une petite robe de fête ~~~~ Christian Bobin

 


Un livre de Bobin, c'est comme une compression de César. Ça procède d'une intention insondable. Ça ne sert qu'à vous exalter ou au contraire vous offusquer.

Il l'écrit lui-même : de cette lecture " vous ne retenez rien, ou juste une phrase. Vous êtes comme un enfant à qui on montrerait un château et qui n'en verrait qu'un détail, une herbe entre deux pierres, comme si le château tenait sa vraie puissance du tremblement d'une herbe folle".

Un livre de Bobin ne raconte pas d'histoire. N'a ni intrigue, ni suspense. Ni début ni fin. Ne répond à aucune question. Ne fait que vous interpeler, vous interroger, vous déconcerter. De sa lecture vous ressortirez agacé ou dithyrambique, mais pas indifférent. Mais de la gangue vous pourrez quand même extraire quelques pépites.

"C'est quoi au juste prier. C'est faire silence. C'est s'éloigner de soi dans le silence".

"Partout l'appel, partout l'impatience de la gloire d'être aimé, reconnu, partout cette langueur de l'exil et cette faim d'une vraie demeure – les yeux d'un autre".

"Un livre est grand par la grandeur du désespoir dont il procède, par toute cette nuit qui pèse sur lui et le retient longtemps de naître".

C'est ça un livre de Bobin. C'est court. Ça vous laisse perplexe. On se dit qu'on n'y retouchera plus. Puis on y revient.