Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire
Affichage des articles dont le libellé est Autriche. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Autriche. Afficher tous les articles

samedi 11 septembre 2021

La redoutable veuve Mozart ~~~~ Isabelle Duquesnoy



 
J'ai décidemment un faible pour le style d'Isabelle Duquesnoy. J'aime sa spontanéité, sa verdeur dans le langage. Cela confère affirmation et truculence à ses personnages, de ceux qui ne se laissent pas marcher sur les pieds. Encore faut-il que je fasse la part des choses entre sa propre écriture et les propos qu'elle leur prête. Mais certainement les choisit-elle sachant les voir s'imposer à leur entourage par la seule force du verbe.

Ascendant qu'elle a exercé en premier lieu sur les deux fils qui lui sont restés des six enfants qu'elle avait mis au monde. Au point de les étouffer à les vouloir perpétuer le génie de leur père. « Voilà des années que tu me fais ployer devant le spectre de mon père, que tu compares ma musique à la sienne, que tu relèves sur mon visage les traces de sa figure » lui jeta à la figure le cadet de ses enfants survivants, excédé qu'il fut par la pression que lui appliquait sa mère.

Question caractère, avec la veuve Mozart on est servi. le personnage n'envoie pas dire par autrui ce qu'il a sur le coeur. Elle a survécu cinquante ans à son époux adulé. Celui dont elle revendiquait la jalouse propriété en en parlant jamais autrement qu'en l'appelant « Mon Mozart ». Surtout lorsqu'elle se heurtait à sa belle-famille, sans doute méprisante de l'alliance qui ne permit pas à Wolgang de mettre un pied dans la haute société. Constanze a consacré sa vie à entretenir sa mémoire et beaucoup plus que cela même, à lui bâtir la popularité que ses contemporains lui avaient boudée. Qui pourrait croire, connaissant aujourd'hui la renommée de ce génie de la musique, que Mozart est mort endetté jusqu'au cou.

Mozart serait-il tombé dans l'oubli si son épouse n'avait consacré le restant de ses jours à remuer ciel et terre pour faire valoir son génie. « Vienne ouvre ses bras mais ne le referme jamais. » Mozart a été inhumé à la fosse commune. Et remuer la terre Constanze l'a fait, des nuits entières à creuser le sol pour exhumer les restes de « son Mozart » et lui donner la sépulture qu'à ses yeux il méritait.

L'opiniâtre mère n'a jamais baissé les bras pour faire éclater le génie de son époux trop tôt disparu à trente-cinq ans. Elle a laissé en héritage à ses enfants, outre l'aisance financière qu'elle avait eu l'intelligence de constituer, la gloire d'un compositeur dont le talent est de nos jours une évidence. Des statues, des noms de places et de rues, une fondation, des festivals, un Mozart joué par les plus grands tant qu'il y aura des pianos et des violons : « La popularité universelle de Mozart, c'est moi » pouvait-elle se glorifier. À juste titre.

On se convainc à la lecture de cet ouvrage que cet acharnement n'était pas appropriation. Tant Constanze était imprégnée du génie de son époux et déçue de l'avoir vu partir dans la quasi indifférence de ses contemporains. Sans doute en seule motivation qu'il n'était pas noble. Les seuls dont on pouvait orner la sépulture de croix et plaque. Mozart à la fosse commune. Qui pourrait l'envisager aujourd'hui ? Époque maudite où les honneurs étaient dictés par le mérite d'être « bien né ». Quel beau mérite !

Constanze a consacré sa vie à rendre justice à celui qu'elle n'avait pas aimé pour son seul talent. Isabelle Duquesnoy nous apprend la sincérité de son amour pour l'homme. Elle nous dresse le portrait d'un homme simple, lui aussi original, facétieux et tout entier versé à son art.

Cet ouvrage m'a comblé. J'aime la façon qu'a cette auteure de nous embarquer dans le tourbillon d'une femme de caractère, une femme amoureuse, décidée à faire rendre gorge à ses pleutres de Viennois qui avaient dédaigné son époux de son vivant jusqu'à le laisser enterrer comme un gueux. Autant que son génie, c'est justice qu'elle voulait rendre à son époux. C'est le cadeau qu'elle fit à la postérité. Cadeau à ses inconditionnels de tous les temps qui de noblesse ne reconnaissent que celle du talent.