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lundi 23 janvier 2023

Belle Green ~~~~ Alexandra Lapierre

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« Dieu a fait des différences, l'homme en a fait des inégalités ». Cette assertion que j'emprunte à Tahar Ben Jelloun trouve tout son sens chaque fois qu'il est question de race chez notre espèce dite humaine. Et c'est bien le fonds du sujet de cette très belle biographie écrite par Alexandra Lapierre. Elle parvient, avec cet ouvrage, à dénoncer la haine qui peut naître du fait de la différence abaissée au rang d'inégalité. Elle a exploité cet écueil chez un personnage que l'histoire a un quelque peu occulté et qui a pourtant joué un rôle significatif dans une page de l'histoire de son pays.

Belle n'était pas le qualificatif que lui aurait valu son apparence physique, car elle était effectivement belle, Belle était son prénom, son vrai prénom. Parce que pour ce qui était de son nom, elle avait dû le travestir, autant que ses origines, certes en forme de reniement, pour se donner une chance de promotion sociale dans l'Amérique raciste de la première moitié du 20ème siècle.

Belle a commencé par être subsidiairement la bibliothécaire de J. P. Morgan, un des hommes les plus riches et plus influents de son temps aux Etats-Unis. Elle est devenue par son charisme, son intelligence et à force de volonté la personne de confiance de ce personnage richissime au point de se voir donner carte blanche, avec les fonds qui correspondaient, pour négocier et faire l'acquisition des œuvres littéraires anciennes, rares et précieuses et autres œuvres d'art sur lesquels le magnat de la finance avait jeté son dévolu. Belle avait acquis une compétence saluée si ce n'est jalousée par ses pairs.

Elle a prospéré sous la protection de son bienfaiteur au point de devenir elle-même reconnue, riche et célèbre. Tous statuts reposant cependant sur un mensonge. Belle avait en effet monté avec sa famille l'incroyable scenario destiné à cacher ses origines métissées. La dilution des gênes dans le temps était telle qu'elle put s'afficher « sans une goutte de sang noir ». La révélation de cette vérité lui eut valu le rejet cruel de la majorité blanche. Et c'est pourtant bien ce qui est arrivé.

Car ce n'est pas spolier que de le révéler. Alexandra Lapierre le cite en prélude de son ouvrage. Les circonstances et la lettre qui dévoilèrent son subterfuge sont d'une cruauté inouïe, à l'encontre d'une personne qui s'était hissée dans la société à force de travail, d'abnégation, de volonté, mais aussi de fidélité intéressée, disons-le tout net, auprès de son protecteur. La complicité manifestée entre eux fut un véritable jeu de chat et de la souris, mais non dénuée d'une certaine tendresse.

Cette biographie est remarquable. Fort bien écrite, documentée et construite, elle est autant une dénonciation de la haine raciste que l'histoire d'un personnage. Un personnage fascinant, habile et brillant, rattrapé sur la fin de sa vie par le mensonge qui lui avait permis son ascension sociale. Mensonge poussé à son extrême, jusqu'à s'interdire toute descendance au risque que le gêne de la négritude resurgisse dans sa progéniture. Belle Greene est un ouvrage historique poignant sans être larmoyant, et son sujet un personnage attachant du fait de l'opiniâtreté qu'il met à tenter de se défaire d'une différence devenue inégalité.


mardi 17 mars 2020

Avec toute ma colère ~~~~ Alexandra Lapierre



C'est le 4ème ouvrage que je lis d'Alexandra Lapierre. Autant j'avais été emballé par les trois premiers, autant celui-ci m'a insufflé un certain malaise. La désagréable impression de m'entremettre dans les joutes assassines qui ont opposé ces deux femmes, mère et fille, héritières de la fortune de la ligne de paquebots Cunard. Fortune qu'elles n'ont fait que dilapider tant en valeur qu'en réputation dans leurs frasques, y compris sexuelles, et la haine qu'elles se sont vouée réciproquement.

On ressort de pareille lecture comme d'un pugilat destructeur. A croire que l'atmosphère nocive qui s'était instaurée entre lady Maud Cunard et sa fille Nancy a suinté entre les lignes de cet ouvrage au point d'en rendre la lecture pénible. Situation peu confortable en effet que de se retrouver entre les deux protagonistes que leur comportement mutuel rend détestables, avec une prime pour Maud Cunard, la mère, qui brille par son cynisme, sa mauvaise foi au service d'un racisme chevillé au corps.

Histoire d'un héritage immérité qui n'aura profité qu'aux opportunistes, ces deux femmes ayant joui grassement des plaisirs de la vie, et ne laissant derrière elles qu'une piètre image. C'est en tout cas l'impression avec laquelle je sors de pareille lecture.

On peut saluer quand même une fois de plus la prouesse d'Alexandra Lapierre et le formidable travail de documentation mis en œuvre pour retracer la vie de ces deux femmes sous la forme du huis clos dévastateur de leur relation intime. le personnage le plus sympathique, tel que le présente Alexandra Lapierre, aura certainement été le musicien de jazz noir américain Henry Crowder, amant de Nancy Cunard. Il aura fait montre d'une grande convenance au regard du mépris raciste dans lequel il a été tenu par l'entourage de la famille, Maud Cunard au premier chef.

lundi 28 août 2017

Fanny Stevenson : entre passion et liberté ~~~~ Alexandra Lapierre



Une façon d'approcher un personnage célèbre consiste à faire la connaissance de ceux qui ont partagé sa vie. C'est ce que nous propose Alexandra Lapierre avec cette biographie romancée de la femme de l'auteur de L'île au trésor : Fanny Stevenson. Un ouvrage particulièrement fouillé et documenté. Il faut dire que la correspondance entretenue par les époux Stevenson avec leurs familles respectives et leur entourage, baignant souvent dans les milieux artistique et littéraire, a été particulièrement abondante.

Alexandra Lapierre en tire un ouvrage absolument captivant sur ce que fut la vie de cette femme hors du commun. Elle voua une dévotion passionnée à l'égard de Robert Louis Stevenson. Elle a été tout sauf une pâle figurante dans la vie de celui qu'elle avait épousé après avoir arraché le divorce à son premier mari, ce qui dans l'Amérique puritaine du 19ème siècle était déjà une prouesse en soi. Fanny Stevenson a véritablement sacrifié sa vie à celui envers qui elle nourrissait un amour démesuré, au point de se rendre jalouse de sa propre fille lorsque cette dernière empiétait sur le rôle de première lectrice des oeuvres de Stevenson.

La posture favorite de Fanny Stevenson était de se ranger du côté du plus faible. Épouser Robert Louis Stevenson restait dans cette droite ligne si l'on considère sa santé particulièrement fragile. Au point que cet aspect a commandé toute leur vie. Il leur a fait parcourir le monde à la recherche d'un climat favorable à l'apaisement des hémorragies pulmonaires dont souffrait cet homme. Optimiste de nature, il ne s'en plaignait pourtant jamais.

Stevenson terminera sa vie et sera enterré aux îles Samoa, au sommet du mont Vaea. Fanny qui n'avait émis la moindre objection à s'isoler au milieu du Pacifique, quand c'était pour son mieux aller, l'y rejoindra 20 ans plus tard. Ils avaient tous deux gagné la vénération des populations autochtones en soutenant leur combat contre la colonisation.

On ne lirait que trois pages de cette passionnante biographie romancée fort volumineuse, ce serait la lettre que Fanny Stevenson a adressée à celui qui était un de ses points d'ancrage, l'avocat Rearden, pour lui apprendre la mort de son fils, le petit Hervey (page 181 - éditions Pocket). Ce texte, à lui seul, fait comprendre combien cette femme ne vivait que pour les autres, pour les plus faibles et son exceptionnelle dignité dans le chagrin.

La vie de Fanny Stevenson a été particulièrement riche en aventures et en amour dédié aux autres. Elle est tout sauf ennuyeuse au lecteur. Alexandra Lapierre sait nous faire admirer et aimer ce personnage hors du commun, le réhabiliter aussi, même si c'est par solidarité féminine, quand d'aucuns ont pu le dénigrer. Dans ce couple singulier qu'ils ont formé tous deux, tirant souvent le diable par la queue, elle a vécu, tel que le sous-titre l'auteur, entre passion et liberté.

jeudi 15 janvier 2015

Artémisia : un duel Pour l'immortalité ~~~~ Alexandra Lapierre



Artemisia ! Une femme qui a voulu exister au moyen-âge quand tout aurait dû la réduire au sort de ses semblables. Quoi de plus extravagant à cette époque que de voir une femme briguer la renommée de ses congénères masculins ?

Cet ouvrage n'est pas une biographie. Ce n'est pas l'histoire d'une vie agencée dans une chronologie. C'est le récit d'un combat de toute une vie. Celui d'une femme artiste peintre qui se bat pour la reconnaissance de son art. Dans le XVIIème siècle italien, ce n'est pas un anachronisme, c'est une incongruité temporelle que tout veut écraser.

Le monde masculin d'abord, « à une époque où les filles appartiennent à leur père ». Un père ambivalent, lui-même artiste reconnu, qui veut trouver son prolongement dans sa descendance et craint en même temps de voir sa propre notoriété distancée. Ce monde masculin qui seul a pignon sur rue, règne sans partage sur la vie policée des citées De La Renaissance, dans tous les domaines y compris artistique.

Le monde chrétien ensuite avec sa dictature exercée sur tous les ressorts de la pensée, de l'expression. « Renoncez à la peinture et ne cherchez pas à connaître une autre science que celle du salut », lui clame son confesseur.

Une destinée cruelle enfin avec ce viol qu'elle subit et dont pourtant les us de l'époque la rendent coupable. « Tu aurais dû m'avouer ton crime le soir même » lui reproche son père. Une destinée cruelle aussi qui lui enlève trois enfants en bas âge et empêtre sa vie amoureuse dans le dilemme perpétuel : la soumission ou la quête de la gloire.

C'est par ses œuvres qu'Alexandra Lapierre découvre Artemisia Gentileschi. C'est en apprenant son histoire qu'elle décide de se lancer dans un exercice que tous lui déconseillent. C'est à la connaissance de la personne qu'elle sera conquise. On le sera aussi à la lecture de cet ouvrage.

Qui mieux qu'une femme pour évoquer le combat, traduire la sensibilité et la sensualité d'une autre femme, à la fois artiste talentueuse, épouse obligée, mère aimante et amante voluptueuse.

Au-delà de la qualité propre d'un ouvrage qui trouve ses élans romanesques, j'ai été confondu par l'énormité du travail de recherche et d'étude accompli pour aboutir à la publication d'un tel ouvrage. Cela transparaît de la première à la dernière page. le perfectionnisme, dont on se complaît à gratifier les femmes dans des comparaisons hâtives sans originalité, atteint chez Alexandra Lapierre des sommets. Force est de reconnaître, par qui veut formaliser son objectivité, le niveau de précision atteint dans les recherches historique, technique, artistique, sociologique et linguistique.

Mais plus que tout, au-delà de la conscience professionnelle de la biographe, il y a cette capacité, au travers d'une écriture florissante mais sans fioriture, à faire vivre une femme sensible, avec ses joies quelques fois, ses peines plus souvent, ses doutes, sa complexité, mais toujours l'opiniâtreté chevillée au corps.

Alexandra Lapierre nous dresse la fresque d'une femme dans son époque, avec ses ombres et ses lumières. Son ouvrage est magnifique. Comme le tableau d'un maître De La Renaissance italienne.

 

lundi 3 novembre 2014

Je te vois reine des quatre parties du monde ~~~~ Alexandra Lapierre



 

Voila un formidable roman d'aventure, passionnant et fort bien écrit. Il relate sans trop de superlatifs une vie qui l'aurait pourtant mérité. Une vie de femme que la postérité a boudée et à qui Alexandra Lapierre a voulu restituer la grandeur qu'auraient dû lui valoir ses prouesses.

On ne mesure plus de nos jours la somme de courage et de foi qu'il fallait pour se lancer dans l'aventure de l'exploration, dans ce qui était le plus parfait inconnu en l'état des connaissances de l'époque, et bien entendu sans la possibilité du moindre secours dans la perdition.

Ce qui représentait un exploit pour un homme, l'était encore plus pour une femme. Car être femme au 16ème siècle, c'est ne pas s'appartenir. C'est ne recueillir que mépris de la part de la gente masculine seule capable de décider, de diriger, de gouverner.

L'auteure nous fait appréhender à merveille le climat instauré par la conjugaison de la hiérarchie des classes sociales, les luttes d'appropriation, les forces de caractère et le poids de la religion. Un maelström exacerbé par les situations de crise, le péril des tempêtes, de la maladie et de la famine.
Cet ouvrage fort bien construit nous laisse imaginer la somme de travail et de recherche, l'investissement de son auteure pour étayer avec le maximum de vérité et de précision l'histoire de cette vie de femme hors du commun. Alexandra Lapierre en a fait un excellent roman dans lequel elle comble d'une manière très crédible la part d'incertitude laissée par le manque d'archives historiques ou la subjectivité de celles qui existent.

Cet ouvrage est captivant. Je le recommande aux amateurs d'exotisme. Qui mieux qu'une femme pouvait en outre restituer avec le plus de justesse le ressenti d'un coeur de femme prise par la tourmente des éléments dans l'immensité de l'inconnu.