Je déconseille fortement la lecture de cet ouvrage à qui veut rester maître de son temps. Dans le train vous laisserez passer votre arrêt, votre rendez-vous chez des amis. C'est un livre qui vous soustrait à votre quotidien. On est emporté au fil des pages qui se tournent, et lorsque la lecture fait une pause, par obligation, il faut se réapproprier le présent.
Ce parcours de vie dans la Barcelone médiévale est rythmé, haletant, soutenu.
Il n'y a ni longueur, ni relâchement.
C'est un ouvrage sur l'inhumanité des relations sociales du moyen-âge avec ses
extrêmes dans les conditions de vie. C'est un ouvrage sur la force des
sentiments, sans mièvrerie ni attendrissement. C'est un livre sur la tolérance
entre religions quand le Christianisme revendique l'exclusivité.
On y ressent la douleur des corps sous le poids des charges, la moiteur de la
peau dans le labeur exténuant, les odeurs pestilentielles des locaux
d'incarcération, le frôlement de la peau duveteuse des rats dans les cachots,
l'angoisse des esprits sous la menace de l'inquisition, la ferveur des
consciences pour lesquelles la croyance est la seule bouée de sauvetage.
On touche la sécheresse des corps décharnés atteint par la maladie et la
malnutrition. On s'imprègne du désespoir et de la résignation. On enrage
d'injustice.
Heureusement qu'il y a le sourire de la Vierge.
C'est poignant de vérité, touchant de sensibilité, vibrant de ferveur, glaçant
d'angoisse, mais aussi parfois palpitant de sensualité contenue. Les cinq sens
sont mis à contribution dans ce roman d'immersion spatiale et temporelle. Mais
aussi ce que ne perçoivent pas les sens et qui fait que des corps s'attirent,
se repoussent, s'unissent, se déchirent.
Bien sûr il y a quelques raccourcis dans les parcours de vie qui s'écartent et
se recroisent et mettent à mal la vraisemblance, mais globalement c'est criant
de vérité, évocateur d'histoire.