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On peut lire dans l'édition commentée de 2018 chez Folio à la page 221 cette
classification clairement explicitée : « C'est à Fort Yukon que Croc-Blanc vit
ses premiers hommes blancs. Comparés aux Indiens qu'il connaissait déjà, ils
représentaient pour lui une autre race d'êtres humains, une race de dieux
supérieurs. Ils lui firent l'impression de posséder une puissance plus grande
encore, et c'est sur la puissance que repose la divinité. » Voilà qui ôte de la
puérilité au conte pour enfant que d'aucuns ont pu attacher à cet ouvrage.
Puérilité savamment cultivée par la Metro-Goldwing-Mayor et autres firmes
cinématographiques dans la seconde moitié du 20ème siècle avec leurs fameux
westerns faisant la part belle aux Tuniques-bleues dans leur lutte contre les
méchants Peaux-Rouges. Messages que des auteurs courageux à l'instar des Jim Harrison et
autre Jim Fergus se
sont attachés à contredire en forme de mea culpa, le temps de la sagesse et de
la lucidité revenu. Ouvrant à l'Américain moderne la porte vers la voie de la
reconnaissance d'une histoire douloureuse.
A la page 317 de la même édition, « Croc-Blanc avait
aussi très vite appris à faire la différence entre la famille et les domestiques.
» Evitant l'écueil de donner la parole l'animal, Jack London ne
le prive toutefois nullement de le voir faire la distinction entre les classes
sociales. Autant d'étiquettes qui l'ont lui-même fait souffrir et que le côté
autobiographique de ses ouvrages laisse transpirer selon la lecture que l'on
veut en faire. Son ouvrage Martin Eden est
encore plus mordant et évident dans cette intention satyrique.
Croc-Blanc est
donc un roman moins bon-enfant et manichéen que ses aspects tranchés le
laissent imaginer. Des subtilités qui échappent au jeune regard s'insinuent
entre ses pages et font de cet ouvrage autant un conte pour enfant qu'une
caricature d'une société dans laquelle Jack London nous
détaille les difficultés qu'il a rencontrées pour y faire valoir les idées
humanistes qu'il prônait dans ses engagement politiques. Et accessoirement son
talent d'écrivain. Croc-Blanc pourrait
donc bien avoir la dent dure contre les comportements humains suscités par
l'orgueil et la cupidité et aussi contre une époque où le racisme avait pignon
sur rue. Dent plus dure que contre ses congénères qu'il taillait en pièce
jusqu'à ce qu'il trouve son « maître de l'amour » dans le monde domestique.