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jeudi 17 août 2023

Mon frère Yves ~~~~ Pierre Loti

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Ce qui est le plus insolite avec cet ouvrage, c’est la position que se donne l’auteur par rapport au narrateur. Bien que l’ouvrage soit autobiographique, le « Je » garde ses distances. C’est du Pierre Loti sans l’être. Du Pierre Loti pour la postérité. Quand le souffle de la liberté aura balayé les inhibitions d’une éducation ankylosée par les convenances.

Yves Kermadec dans l’ouvrage n’est en effet autre que Pierre Le Cor avec qui l’auteur a entretenu une amitié pour le moins singulière. Elle a jeté le trouble sur la nature réelle de cette relation entre l’officier de la marine qu’était Pierre Loti et celui qui n’était alors que simple matelot, avant de gagner quelque galon.

À une époque où les classes sociales étaient très cloisonnées, encore plus dans la marine où les officiers ne coudoyaient pas la troupe en dehors des ordres à la manœuvre, on s’étonne de cette familiarité qui a amené Pierre Loti à fréquenter la famille de Pierre Le Cor, Mon frère Yves dans cet ouvrage, jusqu’à devenir le parrain de son fils Julien. Il portait le prénom civil de l’auteur. Il avait même chambre réservée dans la maison que Pierre Le Cor fera fait bâtir plus tard à Rosporden. Ce village du Finistère sud où ce dernier avait décidé de s’éloigner des tentations de Brest : débordements alcooliques et autres débauches dont Pierre Loti peina à le sevrer.

Au gré des expéditions qui les réunissaient ou les éloignaient, cette amitié a perduré au-delà de la disparition de Pierre Loti en 1923, puisque Pierre Le Cor lui survécut quelques années avec la même fidélité de pensée.

Mon frères Yves est un ouvrage qui paraît en 1883. Pierre Loti en fait un ouvrage de fiction en travestissant aussi bien les noms de personnes que de lieux et faisant tenir son intrigue en un village imaginaire. Gageons que cette envie irrépressible de faire passer cette amitié à la postérité a été suscitée par le caractère équivoque de cette relation, laquelle n’aurait pas manqué d’interpeler son lectorat contemporain, au premier rang desquels sa famille de tradition protestante rigoureuse et la hiérarchie militaire.

Mais le caractère fantasque du personnage qui le fit aimer se travestir lui-même et se faire prendre en photos sous divers costumes exotiques inspirés par ses voyages, aménager des pièces de sa maison en mosquée ou palais oriental, fait partie de ce qui lui valut sa célébrité précoce. Pierre Loti c’était l’évasion dans toutes ses acceptions, aussi bien sur les mers du globe que dans des univers interlopes. Pierre Loti c’était du rêve pour ses lecteurs contemporains, alors pourquoi pas au prix d’un dépoussiérage des mentalités dans ce XIXème siècle et sa révolution industrielle qui peinait à s’ancrer dans la république.

Il n’en reste pas moins que la sincérité transpire dans ces pages et que Pierre Loti a été pour beaucoup dans le sauvetage de ce matelot qui comme beaucoup, en désespoir d’améliorer sa condition, était promis à la dérive. Y entrainant du même coup son couple. Combien de foi sa pauvre Marie, son épouse, se morfondit de voir leur maigre revenu partir dans les bouges, attendant la peur au ventre au mieux de voir rentrer son jeune époux ivre au lendemain de nuit passées dans les bas-fonds de Brest, au pire de le ramasser elle-même dans le caniveau. Si Pierre Le Cor a pu par la suite mener une vie rangée de père de famille, il le doit en grande partie à celui qui s’est investi dans le rôle de mentor dont il se fit un devoir. C’est en cela que la relation équivoque entre les deux hommes devient touchante et que s’estompent les hypothèses de seul plaisir charnel dans les arrière-pensées.

Pierre Loti a dans le verbe suffisamment de ressources pour éluder tout ce qui dévirait du pur sentiment. Il gagne avec pareille écriture ses galons non plus en hiérarchie militaire mais en littérature pour entraîner ses lecteurs sur des océans de rêve ceux-ci. Avec parfois quelque voile de fumée bien opportuniste pour dissiper les doutes dans les esprits mal tournés. De ceux qui seraient tentés d’inventer une expression du style : Pierre Loti a commencé sa carrière sur les bateaux à voile, il l’a terminée sur les bateaux à vapeur, alors … Mais ce sont-là que des esprits bien mal tournés.


 

Pêcheur d'Islande ~~~~ Pierre Loti

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Pêcheur d'Islande c'est avant tout un œil contemporain sur les personnages et les scènes que son auteur imagine. le texte est donc dépourvu d'anachronismes de langage ou de culture dans ce qu'il décrit de la vie des gens. Ces gens, il les fréquente, il connaît leur mode de vie. On dirait aujourd'hui que leur vie fut très rude et on aurait tendance à susciter la commisération à leur endroit. Mais pour l'écrivain contemporain du XIXème siècle, ce mode de vie n'était rien d'autre que commun.

Pêcheur d'Islande c'est un aussi un œil d'expert sur le monde de la mer. Pierre Loti a eu une carrière de plus de quarante années dans la marine, dont vingt passées à bord des bateaux sur toutes les mers du globe. La mer il la connaît mieux que quiconque. L'immobilité d'une mer plate dans la brume qui désespère le marin aussi bien que ses furies qui menacent de l'envoyer par le fond.

Mais Pêcheur d'Islande c'est aussi l'œil d'un observateur averti. Avant d'écrire, Pierre Loti, alors Julien Viaud, s'est fait connaître de son entourage par ses dessins de paysages et de personnages. À commencer par son ami Pierre le Cor dont il a peint le corps en posture de statue grecque. Dessin qui interroge sur la relation que l'auteur a entretenu avec ce dernier. Relation qui fait l'objet d'un ouvrage que Pierre Loti a intitulé Mon frère Yves.

Enfin Pêcheur d'Islande c'est aussi et surtout l'œil d'un scrutateur des sentiments humains. Il sait les mettre en mots avec ce talent qui lui a valu un succès précoce dans sa carrière littéraire. Ce personnage fantasque a tout exploré. Les océans du globe comme les cœurs de ses contemporains. Ceux qui étaient aspirés par la ligne d'horizon aussi bien que celles dont le regard se perdait sur cette ligne quand le retour des campagnes de pêche était annoncé. Elles languissaient le retour d'un mari ou d'un fils que la mer ne leur rendrait peut-être pas.

Pierre Loti est quelque peu passé de mode, c'est dommage. Son écriture est tranquille et précise à la fois dans ce qu'elle traduit de sa perception des autres. Elle n'incite pas seulement au voyage, elle incite à la fréquentation de ses personnages dans leur intimité, dans la simplicité de leurs caractères avares de paroles. Avec ses mots, peut-être plus qu'avec ses dessins il a su dresser une très belle fresque de ses contemporains tous horizons et cultures confondus.

mardi 28 mars 2023

La Breizh brigade ~~~~ Mo Malo

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Voilà un ouvrage bon-enfant qui nous distrait du surcroit de violence qui s'est désormais imposé dans la littérature du genre. Le genre étant le polar. Il est avec cet ouvrage revisité à la sauce aigre-douce. Et si en peine de trouver une once de crédibilité à l'intrigue on se rabat sur la psychologie des personnages, il en est un qui s'impose et fait de l'ombre aux autres, c'est bien la matriarche de la Breizh brigade : Maggie. Cette brigade bretonne étant un trio de de femmes, trois générations de la famille Corrigan, laquelle gère un gîte dans la proximité de Saint-Malo.

Maggie est un personnage haut en couleurs tant le comportement que dans le verbe. Bi lingue le verbe, car Maggie est d'origine irlandaise, et si l'on veut apprécier les subtilités de son langage il faut avoir recours au traducteur en ligne. Il nous met alors en garde devant ce qu'on appelle désormais pudiquement un contenu inapproprié, lorsque la crudité devient très crue.

Maggie est-elle la grand-mère dont on rêve ? Elle donne dans la liberté des mœurs et collectionne les amants qu'elle relègue sans scrupule après consommation. Elle mène son monde à la baguette et à bientôt soixante-dix ans dirige sa Breizh brigade au sein de laquelle elle s'est instituée directeur d'enquête. Une fois n'est pas coutume, les hommes n'ont pas le beau rôle dans cette aventure provinciale. Car Maggie n'a rien à voir avec une mamie-tricot qui végèterait dans un décor figé et empoussiéré depuis la disparition de son époux. Disparition qui ferait d'ailleurs bien un sujet d'enquête. Il faudra qu'elle se penche sur le cas. Mais las, le temps passe et les préoccupations de la matriarche sont plus à compenser l'absence qu'à en découvrir les circonstances.

Mais pour l'heure le trio Corrigan a décidé, d'éclaircir le mystère de la mort d'un célèbre joueur de cornemuse du renommé Briac Breizh Bagad, accessoirement ancien amant de Maggie. Reléguant de facto le flic de service en charge de l'enquête officielle, quand même, et qui, même s'il est le beau gosse de l'appareil judiciaire, n'est reste pas moins un figurant devant les menées investigatrices de la Breizh Brigade. Il est toujours en retard d'un coup sur l'échiquier maloin.

Les aux autres personnages paraissent bien falots à côté de ce boute-en-train. Exception faite de sa petite fille qui lui emboite le pas dans la spontanéité du comportement, avec toutefois un peu plus de pudeur dans le langage.

Sous la plume de l'auteur, Mo Malo, la belle région de Saint-Malo (coïncidence ?) qui sert de décor à ce polar-détente entre dans l'inventaire des attractions pour cet ouvrage tant elle nous invite à prendre les embruns sur ses remparts.

Avec un personnage aussi truculent que cette Maggie enquêtrice d'occasion mais bien décidée à doubler sur le fil l'officiel désigné par le procureur, c'est évidemment le dialogue qui relève et pimente le plat. Car pour ce qui est de l'intrigue, on la découvre le sourire aux lèvres, avec l'indulgence de rigueur à l'égard d'un ouvrage dont la vocation est de détendre son lectorat.

dimanche 5 juin 2022

Bretzel & beurre salé ~~~~ Margot et Jean Le Moal




Cathie Wald n'est pas seulement une étrangère venue s'installer dans le village, elle a acquis la belle demeure de la pointe de Kerbrat au nez et à la barbe d'un notable local qui la briguait. Voilà deux bonnes raisons de lui déclarer une guerre qui comme toutes divisera acteurs et spectateurs et ajoutera aux querelles de clocher d'un Locmaria, fictif celui-là, en pays de Cornouaille.

La flammekueche vient faire concurrence à la galette au sarrazin avec l'arrivée de cette continentale décidée à ouvrir un restaurant. Les rancœurs y verront un théâtre tout désigné pour faire plier celle qui a osé s'implanter de la manière la plus convaincante, avec ses moyens financiers. Un client parmi les plus en vue du village trouvera la mort par empoisonnement lors d'une soirée choucroute.

Les enquêteurs les plus perspicaces ne seront pas les officiels bien connus. Ce qui paraît-il est une caractéristique de ce sous-genre du polar que je découvre : le cosy crime. Dont on nous dit dans la célèbre encyclopédie en ligne que « le sexe et la violence se produisent hors scène, le détective est un détective amateur, et le crime et la détection ont lieu dans une petite communauté socialement intime. »

Ouvrage qui fait du bien pour distraire son lecteur. Une lecture légère qui le fait se prendre d'empathie pour le héros d'autant plus facilement qu'il ne se fait pas trop de souci quant à son sort à l'épilogue. Lecture détente pour la torpeur de l'été, quand on veut faire une pause dans la morosité ambiante qu'entretiennent avec opiniâtreté nos médias désormais omniprésents dans notre vie.

C'est crédible et respire l'authentique régional. Il paraît qu'il y aura une suite. C'est comme ça que naissent les séries. Après le succès d'un coup d'essai.


jeudi 9 juin 2016

Fleur de tonnerre ~~~~ Jean Teulé

 



J'avais digéré « Charly 9 ». J'avais trouvé ça un peu décalé, comme beaucoup j'imagine. Mais je m'étais toutefois promis de faire un effort d'ouverture d'esprit. J'ai voulu me hisser vers les sommets pointés par les critiques dithyrambiques. J'ai donc risqué « Fleur de Tonnerre ».
Mais non, ça ne passe pas ! page 100, je craque. J'ai fait un effort, je parvenu au tiers du chemin, mais je n'en peux plus. Je jette l'éponge et laisse cette prose loufoque à ceux qui ont une élévation intellectuelle suffisante pour apprécier la qualité de l'œuvre.

Je n'aime pas le style heurté, enjolivé de grossièretés sous prétexte d'humour. Quant au récit, il est décousu et part dans tous les sens. Les digressions saugrenues m'horripilent quand elles sont le lot de chaque page. Je ne parviens pas à lire les phrases d'un seul jet sans m'interroger sur ce que je viens de lire.

Je laisse ces divagations labyrinthiques au snobisme intellectuel supérieur. Je conviens de ma modicité intellectuelle. La lecture est pour moi synonyme de plaisir, pas de supplice.
Et comme après une chute de cheval, il faut remonter en selle tout de suite ou jamais, je vais chercher un autre livre sur les rayons de ma bibliothèque. Merci Jean Teulé de me donner l'occasion d'affirmer qu'il en faut pour tous les goûts. Je ne critiquerai pas ceux qui se délectent de vos ouvrages.