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Qui veut abattre son chien dira qu'il a la rage. C'est à peu de chose près le raisonnement qu'a tenu Henri VIII d'Angleterre pour se séparer de deux de ses six épouses qu'il fit exécuter. La rage ayant été avantageusement remplacée dans le propos par les motifs d'inceste et d'adultère, voire de trahison, plus adéquats pour faire condamner une femme, justifiant ainsi d'atteinte à la dignité royale.
C'est par l'enfance d'une de ses filles, celle qui devint la reine Elisabeth
première du nom, qu'Alison Weir nous fait pénétrer l'intimité de cette
famille pour le moins singulière, les derniers de la dynastie Tudor.
Excellent et volumineux ouvrage qui ne manquera pas de ravir l'amateur
d'histoire. Il est roman quand il comble les oublis de d'histoire, il est
biographie quand il s'appuie sur les faits que cette dernière a retenus. Le
talent d'Alison Weir étant de passionner son lecteur en mettant l'accent
sur la sensibilité de celle qui est encore adolescente quand il lui faut
affronter la rudesse d'un père autoritaire, les affres de la politique et la
convoitise d'hommes en quête d'un bon parti. Et plus tard la rancœur d'une sœur
ne partageant pas ses choix religieux. Ouvrage fort bien documenté qui est tout
sauf la mise en forme d'une ennuyeuse chronologie.
Elle a choisi de relater la vie de celle qui aurait pu être princesse si la
primauté n'avait été donnée au descendant mâle pour assurer la succession
royale, le candidat fût-il né après sa sœur. C'est donc reléguée au rang de
Lady, d'où le titre de l'ouvrage, après la mort par décapitation de sa mère Ann
Boleyn, qu'Elisabeth vécut une enfance à l'avenir incertain, y-compris quant à
sa propre survie. Le lecteur vit cette période de son existence comme un
suspense même si ses connaissances en histoire le rassurent sur le sort de la
jeune femme. Elle n'en devint pas moins souveraine d'un royaume qui n'avait
alors encore rien d'un Royaume-Uni.
La menace la plus évidente sur son sort ne venait pas d'éventuel concurrents
mais bien de sa propre sœur Marie lorsque cette dernière eut accédé au trône
après la mort de son frère Edouard VI. Toutes deux ayant adopté des religions
antagonistes en ces temps d'obscurantisme. Elisabeth eut le tort de se situer
sur la voie la plus déviante du dogme officiel de Rome au point d'embrasser la
Réforme. La ferveur catholique de Marie étant telle qu'elle alimentait
volontiers les buchers auxquels elle condamnait sans scrupule les réfractaires
à la soi-disant « vraie foi ».
Cet ouvrage se conclut avec l'accession au trône de celle qui régna en
Angleterre sous le qualificatif de reine vierge. Il est fort bien écrit et
décrit avec talent les épreuves que dut subir Elisabeth pour accéder au trône
de son pays. Alison Weir nous fait percevoir les doutes de la jeune
fille qui ne manquait pourtant ni de force de caractère ni d'ambition. Elle dut
endurer de grands moments de faiblesse et de solitude tant elle craignit pour
sa vie, livrée au bon vouloir de sa propre sœur. Ouvrage d'histoire dans lequel
le romanesque a toute sa crédibilité et rend la discipline plus digeste. Une
grande réussite à mes yeux.