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Pour qui réfléchit un peu à sa raison d'être sur terre, au
mystère de la vie, et donc sa finitude, et surtout à la quête du salut qui fait
espérer une plénitude heureuse après la mort, s'offre à celui-là deux voies :
la religion et ses dogmes, selon celle qu'il choisit, ou la raison qui dans ses
développements s'exprime en philosophie. L'amour du savoir, l'amour de la
sagesse.
La religion nous invite à croire. En un dieu, et un seul de nos jours. Car
celles qui ont cours désormais sont monothéistes. En un dieu qui est amour,
même si tous les jours on a des démonstrations du contraire. En un paradis,
même si aucun signe n'est de nature à le confirmer. En devenant croyant, on
règle la question du salut. Il suffit d'écouter les prophètes et leurs
porte-voix. Je crois en Dieu, au paradis. Mon esprit est soulagé de cette
obsession de l'après-vie. Elle ne peut-être que merveilleuse. Dieu est amour et
nous accueille auprès de Lui. Je peux donc vivre ma vie dans la certitude de la
félicité après la mort. Alléluia.
Pour celui qui ne croit pas, la démarche est plus compliquée. Il faut
réfléchir. Il faut raisonner. Il faut philosopher. Philosopher c'est apprendre
à mourir nous dit Montaigne qui
l'a repris de quelqu'un d'autre. Philosopher pour vivre sa vie pleinement,
humainement.
Tout le monde philosophe sans le savoir. À son niveau. Avec ses moyens
intellectuels et sa culture. Mais si l'on veut approfondir le sujet et accéder
à la sagesse, qui seule peut permettre de vivre sa vie d'homme, il faudra
s'investir personnellement. Travailler, lire les ouvrages de tous ces gens qui
sont devenus des philosophes reconnus depuis que l'écriture nous en rapporte
les réflexions. Même celles de ceux qui n'ont rien écrit, tel Socrate. Il avait
pourtant pignon sur rue dans le domaine. Platon a fait ce
travail de laisser la trace écrite de ce que Socrate confiait à l'oreille, à
l'esprit de qui voulait lui prêter attention et crédit.
André
Comte-Sponville qu'on ne présente plus en la matière nous adresse cet
opuscule dans lequel il a rassemblé douze textes de son cru. Des sujets choisis
par lui pour mettre le pied à l'étrier de la
philosophie à qui voudrait s'ouvrir à cette discipline alternative à
la croyance. Nous mettant en garde en disant que l'effort de vulgarisation qu'il
fait n'est pas l'ouverture d'un chemin facile. Philosopher de manière avisée
demande de s'atteler aux écrits des philosophes, les vrais, les anciens et les
modernes, autant d'éminents penseurs qu'il appelle à son argumentation, et là
c'est du sérieux.
Pour les autres, ceux qui ne croient pas et qui ne veulent pas s'investir à
acquérir quelque sagesse, il y a la fête. le divertissement. Divertissement
qu'il faut entendre au sens de détournement de l'esprit : oubli, ou plutôt
mépris de sa condition de mortel. Tous les moyens leur sont bons depuis le
grand huit de la Foire du trône jusqu'aux paradis artificiels de l'alcool et de
la drogue en passant par la discothèque où les décibels martèlent à ce point
les neurones qu'ils en chassent l'idée de la mort.
Alors, disons-le tout net, les temps sont durs pour la croyance et la raison.
L'époque n'est plus à l'ascétisme ou à l'effort. Aussi pour appâter le chaland
faut-il vulgariser. C'est un peu la raison d'être de pareil ouvrage de
l'éminent philosophe. Car il en est, de plus en plus nombreux, pour croire en
une troisième voie : la science. Elle sait déjà nous soulager de la douleur.
Elle saura bien le faire de la mort. Sans compter sur l'intelligence
artificielle. Elle va supplanter celle qui jusqu'à aujourd'hui a différencié
l'homme de l'animal. Elle n'aura pas d'obsessions macabres. L'éternité est
peut-être là ?