Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

dimanche 2 août 2015

Terre des Hommes ~~~~ Antoine de Saint-Exupéry

 



Terre des hommes. 180 pages aux éditions Folio. Si on apprécie un tel ouvrage au poids on le méprisera. Si on l'apprécie à sa densité on l'honorera.

A consommer comme un bon vieux whisky, en plaisir égoïste, par petites gorgées entrecoupées de pauses silencieuses. Les arômes alléchants entêtent d'abord, puis le palais reçoit le coup de chaleur de la force alcoolique. Enfin, en le mâchant comme s'il était solide, viendront les saveurs. Elles déploieront alors toute leur complexité.

Pas une phrase creuse dans ce concentré d'humanité. Il ne faut pas hésiter à revenir sur l'une d'elle quand les yeux auront couru plus vite que l'appropriation de sa substance par l'esprit. Car il y a des formulations qui, faisant usage d'un langage d'une totale abstraction, n'auront de signification dans l'esprit du lecteur que par l'interprétation qu'il s'en fera. C'est le propre des œuvres contemporaines, ayant pris de la distance avec le figuratif, que de promouvoir le ressenti suggéré au détriment de l'imagé.

Saint-Exupéry, c'est une force de pensée philosophique prise entre le sable et les étoiles. Il est frappant de constater le nombre incalculable de fois avec lequel ces deux éléments reviennent dans ses pages.

Mais l'eau est noire. Il n'aime pas la mer. Prémonition pour celui qui s'y abîmera en 1944 ?
Voler n'est pas un but pour lui. C'est le moyen de s'affranchir de la pesanteur d'un corps, de se placer entre la petitesse de l'humanité engoncée dans ses contingences matérielles et la grandeur de l'univers au mystère insondable.

Le capital philosophique des ouvrages de Saint-Exupéry est suscité par les anecdotes autobiographiques de son auteur au travers d'une vie riche en aventures. C'est le cas de Terre des hommes. S'il fallait souligner un passage dans cette prospérité littéraire, la perdition dans le désert libyen a trouvé grâce à mes yeux avec la description de l'assèchement du corps par le manque d'eau. Saint-Exupéry y fait entorse à sa pudeur et se dévoile plus qu'à tout autre moment. N'est-il pas alors dans l'état d'esprit de celui qui vit ces derniers instants. Sans angoisse.

Point de texte anodin dans l'œuvre de cet auteur. Tout est prétexte à réflexion sur la condition humaine. Thème cher à Saint-Exupéry et au cœur duquel Terre des hommes trouve bonne place.