Comme la neige qui arrive fort à propos la veille de Noël, tout dans ce roman d'Henri Troyat jouit du même opportunisme. Même la mort du patriarche.
Je ferme le premier tome de la trilogie Viou. J'ai été
heureux d'y retrouver cette belle langue d'une grande précision et pourtant
nourrie de mots simples que j'avais appréciée dans la série Des semailles et
des moissons. La langue d'un auteur prolifique, grand témoin de ce vingtième
siècle, balloté entre la course effrénée du progrès technologique et les grands
cataclysmes qui ont meurtri l'Europe. Une langue qui procure un grand confort
de lecture et fait descendre sur vous la nostalgie de l'ambiance des grandes
sagas à l'époque où la famille constituait l'assise structurelle de la société.
Dans les romans d'Henri
Troyat, le tumulte des événements de l'existence est lissé dans la course
du temps sur le rail de la destinée. Il décrit la vie comme elle est. C'est un
regard élevé au-dessus des joies et des chagrins qui alternent et s'enchaînent
sans ralentir les aiguilles de l'horloge.
Henri Troyat nous
parle d'un temps où l'autorité des parents, des instituteurs, plaçait encore
ses jalons dans l'éducation des jeunes générations. Une époque où le respect
était une notion vivante. Les énergies étaient canalisées par des codes de
conduite. C'est une époque qui connaît encore les interdits. C'est pour cette
raison que la vie y était plus exaltante. Nul besoin alors d'avoir recours à
des artifices pour pimenter l'existence. Il suffisait de braver les interdits,
comme par exemple mentir sur ses résultats scolaires, ce que Viou commettra,
à s'en torturer de remords.
Viou est
née avec la guerre. Son père y a perdu la vie. Son souvenir est trop flou dans
sa mémoire pour lui en procurer du chagrin. Elle souffre en revanche de
l'absence de sa mère, partie refaire sa vie à Paris. Elle découvre l'univers
des adultes entre ses grands-parents paternels, une vieille tante et une
servante de la famille un peu sourde, son institutrice. Elle n'est pas
malheureuse. Sans vraie passion, elle jouit de bonheurs simples avec les
visites trop rares de sa mère, la complicité d'un grand-père en butte à une
épouse rébarbative et bigote ou encore l'amour de son chien.
Et tout à coup sa vie change. Mais pour savoir de quelle manière il faut se
plonger le deuxième tome de la trilogie, ce que je ferai avec plaisir.