Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

lundi 12 septembre 2016

Profession du père ~~~~ Sorj Chalandon

 



Alors qu'il enterre son père, le temps est venu pour Emile Choulans de raconter ce qu'a été son enfance. Une enfance sans amour, sans secours, entre ce père tyrannique et une mère à l'étrange indolence. Une enfance de brutalité et de solitude.

Il n'en veut pourtant pas à ce père indigne. Sans doute parce qu'avec ses scenarii fantasques sur fond de fin de guerre d'Algérie, André s'était pris au jeu de cette mythomanie guerrière. N'a-t-il pas usé lui aussi de certains subterfuges auprès de Luca Biglioni, le seul camarade dont il a pu s'attirer la sympathie.

C'est à mon sens le style qui caractérise le plus cet ouvrage. Un style fait de phrases courtes, parfois sans verbe. Un style qui veut dire qu'Emile ne s'alanguissait pas sur sa condition, n'épiloguait pas sur son sort. Sa vie de maltraitance était normale, il n'avait rien connu d'autre. C'est ce que nous dit ce style compartimenté, sans fioriture.

S'il est vrai que la fiction donne libre cours à toutes les intrigues que l'imagination peut concevoir, je n'ai toutefois pas beaucoup cru à cette vie d'insondable soumission, sans la moindre révolte, ni de la part de ce fils qui a conservé une forme amour filial obligé, étiolé, envers ce père détestable, ni de la part de cette mère effacée, transparente, à l'amour prudent, craintif. Etrange assujettissement, sans rébellion, une vie durant, puisqu'une fois éjecté de chez lui à la majorité, comme un malpropre, sans préavis, Emile reviendra pourtant vers le tyran pour jalonner les événements marquant de sa vie : son alliance avec une femme d'origine kabyle, la naissance de son fils qui aura droit quant à lui à l'amour le plus sincère.

Ce drame familial est quand même bien construit. C'est l'histoire d'un secret domestique. Une tare inavouée. Par candeur, par crainte, par pudeur, par honte, on ne sait. Une tare qui enlaidit toute une vie.