Sylvain
Tesson était déjà venu au bord du lac Baïkal. Il s'était promis d'y
revenir. Il n'imaginait pas alors qu'il déciderait un jour d'y vivre en ermite.
Six mois seul, dans une cabane, face à la seule personne qui subsisterait dans
le paysage : lui-même. le besoin ressenti de briser la coquille de sédiments
culturels dans laquelle la civilisation enferme toute personne et exposer ainsi
sa nudité originelle aux "solitudes sacrées" du Baïkal dans son écrin
de montagne et de forêt.
Raphaël Personnaz qui interprète le rôle au cinéma - film sorti cette année -
n'a pas pu ressentir le même sentiment de plénitude sous l'oeil des caméras.
Pareil défi n'était pas seulement une quête de soi. Il y avait aussi la volonté
de se réconcilier avec le temps. Celui qui met tant d'obstination à fuir.
Quitter l'angoisse de le voir courir et consumer l'être peu à peu. Et puis ce
besoin d'accommodement avec une nature que l'homme met tant d'acharnement à
détruire.
Aventurier qui ne connaît ni frontière à son besoin de liberté ni entrave sa
soif de connaître, Sylvain Tesson est
le narrateur de ses propres pérégrinations planétaires. Berezina, son
épopée moderne à side-car sur les traces des grognards de Napoléon, m'avait
donné le goût de me frotter une nouvelle fois à son style trépidant. Il a un
formidable sens de la formule, soutenu par une culture livresque affichée. Ce
dernier aspect pourrait en revanche être de nature à vexer le lecteur
susceptible parce qu'en retrait de connaissances littéraires. Ce style est parfois
lapidaire, télégraphique, tout droit sorti du carnet de notes, mais il vous
bouscule, vous emporte sur les sommets surplombant le Baïkal, dans la
profondeur de la taïga, par tous les temps. Il sait être imagé, parfois
poétique, pour décrire celle au chevet de laquelle il s'enflamme à lui rendre
hommage : la nature. Mais ses tournures poétiques ne n'alanguissent pas
longtemps. Un humour piquant et spontané, qui n'appartient qu'à lui, cueille à
froid celui dont l'esprit se serait laissé griser aux vapeurs de la vodka qui
coule à flot ou étourdir à la fumée des cigares qui embrument la cabane.
Faut-il s'engourdir l'esprit pour tutoyer le sublime ?
Sylvain
Tesson a la conviction que les idées ne doivent pas être pensées, mais
vécues. Il est de ceux qui vont au bout de leurs idées. Quitte à mettre en
péril plus que sa propre vie, celle de son couple. Extase et amertume
seraient-elles deux soeurs inséparables ?
Mais au fait, était-il vraiment seul en son ermitage précaire ? N'était-il pas
déjà avec son lecteur ? Alors mystificateur Sylvain Tesson ?
Surement pas. La sincérité perle à tous les pores de la peau de celui qui consomme
la vie par toutes les extrémités et pour qui impossible n'existe pas au
vocabulaire. J'ai beaucoup aimé ce récit enflammé d'une expérience où il est
fait la preuve que la richesse peut venir du dénuement. "Être heureux,
c'est savoir qu'on l'est". Tout simplement.
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mercredi 21 septembre 2016
Dans les forêts de Sibérie ~~~~ Sylvain Tesson
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